Voir loin, viser juste | 65e Congrès de la CSN

Santé-Sécurité au travail

COMITÉ CONFÉDÉRAL EN SANTÉ
ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL

BILAN | MANDAT 2014-2017

Le dernier mandat de notre comité s’est déroulé dans un contexte social et politique fort mouvementé. En effet, l’arrivée au pouvoir du gouvernement Couillard, en 2014, a marqué une nouvelle ère d’attaques contre le modèle social québécois.

Invoquant l’argument de la diminution du déficit, jusqu’à en faire une obsession, ce gouvernement a mené une guerre sans merci aux structures les plus essentielles de notre société.

Restructurations et changements dans l’organisation du travail — avec la sacro-sainte consigne de « faire toujours plus et mieux avec moins » — ont mis à rude épreuve la santé et la sécurité de nos membres. Que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, ces changements peuvent provoquer une augmentation de l’insécurité au travail, une précarité grandissante et des conflits dans les milieux de travail. Dans ces situations, les travailleuses et les travailleurs paient un prix fort : le stress, la détresse psychologique, l’épuisement professionnel et la dépression.

Les surcharges de travail et les cadences effrénées sont aussi des facteurs de risque connus pour augmenter les accidents de travail ainsi que l’exposition aux produits chimiques nocifs pour la santé.

Ces changements demandent une adaptation de nos structures et de notre action syndicale quant à la prévention en santé et sécurité. Nos militants n’ont pas baissé les bras et la mobilisation a été importante pour défendre la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs.

Dans ce contexte, les thèmes abordés par le comité confédéral de santé et de sécurité au cours de ce mandat prennent tout leur sens : un important plan d’action sur la santé psychologique, des réflexions sur les formes d’organisation du travail syndical en prévention pour les petits et les très grands syndicats et, finalement, la nécessaire reprise des travaux sur la prévention de l’exposition aux produits chimiques.

Ce bilan touchera tout d’abord les événements en santé et sécurité pour aborder ensuite les thèmes qui ont fait l’objet de réflexion au sein du comité confédéral de SST.

LES ÉVÉNEMENTS

28 AVRIL « JOURNÉE INTERNATIONALE DE COMMÉMORATION DES TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS MORTS OU BLESSÉS AU TRAVAIL »

Cette commémoration permet d’accomplir chaque année notre devoir de mémoire. Ainsi, dans beaucoup de syndicats et dans les édifices de la CSN, nous avons exposé les affiches et allumé une chandelle dont la mèche symbolise la ligne fragile du temps et la flamme rappelle la souffrance de ces victimes. Pour nos militants, porter le ruban noir permet de prendre un moment de réflexion et de rendre hommage à ces travailleurs et ces travailleuses, jeunes ou vieux, cols blancs ou cols bleus qui ont perdu leur vie à la gagner. Ce moment permet aussi de prendre la juste mesure de l’importance du travail que les syndicats font pour prévenir les accidents et les maladies professionnelles, faisant au quotidien ce que demandait Mary Harris, la grande syndicaliste américaine : « Célébrons les morts, mais battons-nous comme des diables pour les vivants » (Mary Harris Jones, 1837-1930).

LA SEMAINE NATIONALE DE SANTÉ ET DE SÉCURITÉ DU TRAVAIL

Cette semaine est sans doute un temps fort des activités autour des enjeux de la prévention en santé et sécurité. Devenue une tradition et touchant des thèmes actuels comme la santé psychologique ou présentant les services de la CSN en santé et sécurité, elle stimule l’organisation d’une centaine d’activités dans les syndicats. Appuyées par des témoignages vidéo de nos militantes et militants, ces actions contribuent à rendre les milieux de travail plus sécuritaires et, par le fait même, à éviter des accidents et des maladies. Ainsi, nous pouvons dire que la semaine nationale réussit à mobiliser nos militantes et militants et à montrer notre volonté d’agir pour le mieux-être de la collectivité. De plus, grâce aux milliers de visionnements des témoignages vidéo, cette semaine permet à la CSN de rayonner auprès du grand public et d’en faire une organisation phare en santé et sécurité du travail.

LES RENCONTRES DE LA COORDINATION NATIONALE SST

Ces rencontres sont des moments de partage et de réflexion pour les élus responsables de la santé et de la sécurité du travail des fédérations, des conseils centraux et du comité confédéral. Elles ont permis d’aborder les enjeux reliés au travail précaire, de suivre le déroulement des discussions sur la révision des lois en SST et de faire le suivi de la fusion de la CSST avec deux autres organismes.

LES THÈMES ABORDÉS PAR
LE COMITÉ CONFÉDÉRAL

Le comité confédéral s’est doté d’un plan de travail qui répondait aux résolutions du congrès, à des interrogations propres à l’évolution des problématiques en santé et en sécurité du travail et à nos préoccupations quant à l’appui de nos syndicats dans leurs actions en prévention.

À cause du contexte social et politique fort mouvementé, nos membres ont été mobilisés sur plusieurs fronts et nous n’avons tenu que sept rencontres.

LE SUIVI DES PROPOSITIONS DE CHANGEMENT AU CADRE LÉGISLATIF (LSST ET LATMP)

Les trois années de ce mandat ont aussi été marquées par des discussions visant à modifier le cadre législatif et normatif en santé et sécurité du travail. En effet, des discussions ont eu lieu sous l’égide du Conseil consultatif du travail et de la main-d’œuvre et elles se poursuivent actuellement. La CSN y participe activement pour défendre nos revendications.

Les travaux d’un comité interne qui a travaillé sur la judiciarisation des dossiers d’accidents et des maladies professionnelles, à la suite des propositions adoptées par le 63e Congrès de la CSN, nous ont été fort utiles lorsque la CSN a été interpellée pour participer à des travaux visant des changements à la Loi sur les accidents et maladies professionnelles (LATMP) et à la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST).

Leurs constats, présentés au Conseil confédéral de mars 2014, montrent qu’un bon nombre de problèmes semblaient découler de la forme de tarification imposée aux employeurs dont une partie était liée à l’expérience de l’entreprise. En effet, les données disponibles démontrent que les employeurs tentent, par tous les moyens, de réduire leur cotisation. À cet égard, ils contestent les décisions de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) afin de réduire les coûts reliés aux accidents et aux maladies professionnelles de leur imputation quand ils ne cherchent pas, tout simplement, à conclure des ententes qui leur évitent de reconnaître les accidents du travail.

DES CHANGEMENTS SUR LES NORMES CONCERNANT LE BRUIT ET LES VALEURS D’EXPOSITION AUX PRODUITS CHIMIQUES ET AUX POUSSIÈRES

Dans la foulée des restructurations entamées par le gouvernement Couillard, la CSST a été fusionnée avec trois autres organisations pour créer la Commission des normes du travail, de l’équité salariale et de la santé
et de la sécurité au travail (CNESST). Le nouveau Tribunal administratif du travail (TAT) est issu de la fusion des tribunaux administratifs de ces trois organisations. Le conseil d’administration de la CNESST a été remanié, et nous y avons conservé deux sièges.

En 2015, le vérificateur général du Québec a examiné le fonctionnement de la CSST. Son rapport concluait, entre autres, que la CSST ne jouait pas suffisamment le rôle attendu d’agent de changement quant à l’actualisation du régime de santé et de sécurité du travail par rapport aux enjeux du marché du travail moderne. En prenant comme exemple la stagnation des travaux du comité sur le bruit et celui sur les contaminants, ce rapport recommandait d’encadrer davantage les travaux des comités techniques de la CSST. Une des conséquences positives de ces remarques a été la
remise en marche des travaux sur la révision des normes concernant le bruit et les valeurs d’exposition aux produits chimiques (Annexe 1 du RSST).

Le comité confédéral a reçu les rapports sur l’avancement de ces travaux et nous avons confiance que de nouvelles normes seront promulguées en 2017. Il suit aussi les travaux de quelque 16 autres comités techniques qui se penchent sur divers sujets à la CNESST et y apporte des commentaires. Lorsque les changements seront adoptés, le comité sera certainement interpellé quant à la meilleure façon d’informer les syndicats.

Par ailleurs, le comité a pris connaissance de la modification du Code du bâtiment par le gouvernement fédéral. Cette modification bannit l’utilisation de l’amiante dans toute nouvelle construction, son importation ainsi que son exportation. Ces normes entreront en vigueur en 2018. De plus, certains règlements relevant du Code canadien du travail ont été modifiés pour inclure des procédures de travail sécuritaire concernant la poussière d’amiante. Donc, en plus de son bannissement, les dangers liés à l’amiante présent dans les édifices seront dorénavant mieux contrôlés.

LA SANTÉ PSYCHOLOGIQUE

Face aux nombreux changements dans le monde du travail, aux contraintes organisationnelles qu’ils génèrent et à l’augmentation des problèmes de santé psychologique dans les milieux de travail, le comité avait participé, au cours du dernier mandat, au bilan de nos actions en santé psychologique. Ce bilan faisait ressortir la nécessité de développer un nouveau plan d’action, basé sur une approche collective.

Le plan d’action fut adopté au Conseil confédéral de juin 2014 avec quatre objectifs :

  • Accentuer la sensibilisation, la formation et l’action syndicale quant aux effets de l’organisation du travail sur la santé psychologique.
  • Intensifier les pratiques de prévention de la violence et du harcèlement psychologique en milieu de travail.
  • Orienter nos actions vers le maintien et le développement de réseaux d’entraide susceptibles de soutenir l’action syndicale en santé psychologique.
  • S’assurer que les enjeux spécifiques à certains groupes soient pris en compte.

Force est de constater que malgré l’ampleur de la tâche, nous pourrons dire mission accomplie ! En effet, de nombreux instruments au service de nos syndicats et des conseillers syndicaux sont, soit diffusés, soit en voie de l’être. Nommons particulièrement la brochure Agir sur l’organisation du travail et celle portant sur les lignes directrices à négocier concernant les facteurs favorables à la santé psychologique, le guide de sensibilisation sur la santé psychologique et l’organisation du travail, un argumentaire pour convaincre l’employeur d’intervenir en prévention des problèmes de santé psychologique, sans oublier le guide de négociation sur la charge de travail, ainsi qu’une démarche syndicale sur le retour au travail à la suite d’un problème de santé psychologique.

Le défi à venir sera la promotion de ces outils afin d’en favoriser l’utilisation dans les milieux de travail.

FAVORISER LA PRISE EN CHARGE DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ AU TRAVAIL DANS NOS SYNDICATS

La prise en charge de la santé et de la sécurité dans les milieux de travail par des responsables syndicaux est souvent liée à une organisation plus systématique de la prévention et influence les actions en vue d’améliorer la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs. Cependant, elle est possible uniquement si les responsables syndicaux s’impliquent et s’ils ont les conditions, l’organisation et les habiletés pour faire un travail efficace.

Préoccupé par l’amélioration de notre action syndicale en santé et sécurité du travail, le comité s’est penché sur deux types d’actions. Il a d’abord travaillé à la mise en place d’un projet « terrain » sur la prise en charge de la santé et de la sécurité du travail par les syndicats qui n’utilisent pas les services en prévention de la CSN. Il a aussi entrepris une réflexion visant à repenser les formes d’organisation de la prévention dans les petits et les très grands syndicats, là où des défis supplémentaires se posent aux responsables syndicaux en santé et sécurité du travail. À titre d’exemple, le défi du peu de temps de libération syndicale dont disposent les petits syndicats et de la responsabilité de couvrir beaucoup d’établissements pour certains gros syndicats.

À la rencontre de nos syndicats !

La CSN, de concert avec la Fédération du commerce (FC–CSN), a mené un projet portant sur la prise en charge syndicale en santé-sécurité. Ce projet a été réalisé en collaboration avec cinq syndicats. Cette intervention sur le terrain a favorisé la formation des responsables syndicaux en santé et sécurité du travail et aidé des syndicats, qui connaissaient peu nos services, à implanter une démarche systématique d’identification et de résolution de problèmes. Ce travail a contribué à ce que chacun de ces syndicats conçoivent un agenda syndical pour la santé-sécurité, se dote des plans d’action à moyen et long terme et développe des stratégies pour faire valoir leurs revendications. Il a aussi favorisé la visibilité du travail syndical en santé-sécurité auprès des membres et augmenté la crédibilité des militants auprès de l’employeur.

Les témoignages des responsables syndicaux ayant pris part au projet ont suscité l’enthousiasme des militants de la FC–CSN et ont convaincu les responsables politiques de la pertinence de le reconduire.

Une réflexion porteuse

Afin de repenser les formes d’organisation de la prévention dans les petits et les très grands syndicats, nous avons eu recours à l’énorme capacité d’innovation de nos propres syndicats. Un important travail de repérage a permis d’identifier de véritables perles d’actions syndicales innovantes en santé et sécurité du travail, et ce, malgré les contraintes imposées par la conjoncture. Ainsi, nous avons pu entendre la présentation des syndicats des centres de la petite enfance, des centres intégrés de santé et de services sociaux et du syndicat de Gaz Métro.

Ces présentations ont exposé une panoplie d’innovations qui pourront servir d’exemples pour repenser l’action syndicale afin de l’adapter aux nouvelles réalités des milieux de travail.

LA PRÉVENTION DES EXPOSITIONS CHIMIQUES DANS LES MILIEUX DE TRAVAIL

Malgré les avancées scientifiques et technologiques, une part importante de travailleuses et de travailleurs sont exposés à des produits chimiques nocifs pour la santé. Les conséquences sont nombreuses et peuvent être graves : que l’on pense aux victimes de l’exposition aux produits cancérigènes ou encore à l’énorme quantité de travailleurs et de travailleuses qui vivent au quotidien avec des dermatites handicapantes et autres affections de la peau, en passant par les conséquences de l’exposition aux solvants ou encore aux fumées de soudage. Le travail de prévention dans ce domaine doit encore être pris de front !

À cet effet, France Labrèche, chercheuse à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST), nous a présenté un survol de trois recherches sur les matières cancérigènes en milieu de travail et des documents de sensibilisation qui ont été réalisés à l’IRSST.

Sa présentation a permis de saisir le fardeau humain et économique des cancers professionnels, l’importance de la problématique et les difficultés à quantifier l’exposition. Nous avons pris connaissance des estimations du nombre de travailleurs exposés et des secteurs touchés ainsi que la proportion des cas de cancer attribuables au travail.

Aussi, le Dr Jean-Pierre Bergeron, médecin-conseil en santé au travail, a exposé le bilan 2010-2014 de la démarche provinciale de signalement des surexpositions des travailleuses et des travailleurs au bruit et à des produits chimiques. On constate que 694 signalements ont été faits en cinq ans, dont 185 sur le bruit et 509 sur divers produits chimiques, gaz et poussières. Il est important de remarquer que 93 % de ces signalements touchent les milieux de travail appartenant aux secteurs prioritaires, où les équipes de santé au travail sont présentes pour le développement ou l’actualisation des programmes de santé.

Ces présentations montrent que l’exposition aux produits chimiques est encore importante, malgré l’existence de moyens de prévention et des avancées technologiques.

AGIR SUR LA QUALITÉ DU TRAVAIL

En lien avec la proposition 3.1 du 64e Congrès de la CSN « Agir sur la qualité du travail » qui demande que la CSN et ses fédérations fassent un suivi de l’évolution des différentes formes d’organisation du travail et des modes de gestion, des travaux en cours et de leurs effets sur les conditions d’exercice du travail […], la CSN a participé à la recherche sur les agences de placement de personnel temporaire de la direction de la santé publique de Montréal.

Un rapport de cette recherche a été produit et la CSN a salué sa sortie par un communiqué, dont voici un extrait :

Le rapport met en lumière les problèmes fondamentaux liés à ces agences de placement, un secteur affichant actuellement une croissance fulgurante. Les emplois offerts par celles-ci sont précaires, à bas salaire, et les personnes immigrantes y sont surreprésentées. Les travailleuses et les travailleurs qui utilisent les services de ces agences sont souvent très scolarisés même si ces emplois exigent généralement peu de compétences, de préciser Jean Lacharité, vice-président de la CSN. Les emplois les plus dangereux sont souvent confiés à ces agences, ce qui permet à certains employeurs d’externaliser les risques liés à la santé et à la sécurité du travail afin d’afficher un dossier plus reluisant à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Selon le rapport, les emplois dans les agences présentent un risque de lésions professionnelles variant d’élevé à extrême, et les périodes d’indemnisation y sont plus longues, ce qui s’explique probablement par la gravité des lésions.

Aussi, la CSN suit les travaux de la Table de concertation sur la santé et sécurité du travail des immigrants. Les travaux de cette table ont fait l’objet d’un colloque auquel les membres du comité ont été invités.
Plusieurs militants de la CSN y ont assisté. Nous discutons de la possibilité d’un travail conjoint avec le comité confédéral des relations interculturelles.

CONCLUSION

Le comité se donnera un plan de travail dès la rentrée. Les différents dossiers présentés dans ce bilan continueront d’être portés par le comité, alors que d’autres travaux seront amorcés. La diffusion de l’information auprès de nos syndicats restera une priorité pour le comité. Le travail accompli est majeur et il est essentiel qu’il soit connu des syndicats.

Le comité continuera à alimenter le mouvement sur les enjeux en santé-sécurité. Sans pouvoir prévoir de façon certaine quelle sera la conjoncture dans laquelle s’exerceront ses travaux, il y a fort à parier qu’ils se feront encore sous les attaques des droits de toutes sortes. Ces droits, dont celui de travailler dans un milieu sécuritaire, ont été gagnés de hautes luttes. Le comité entend bien poursuivre dans la même veine et faire de la santé et de la sécurité du travail un droit fondamental, un droit qui évolue et qui tient compte des nouvelles réalités du travail.