Pratique sage-femme

20 ans d’existence officielle

La légalisation de la profession de Sage-femme est en soi un petit miracle.

Par Ariane Gagné

En 1999, les sages-femmes parviennent contre vents et marées à légaliser leur pratique professionnelle. Bientôt, des célébrations viendront souligner ce moment charnière pour les femmes et les familles québécoises. Entretien avec Mounia Amine, présidente du Regroupement Les sages-femmes du Québec.

Pourquoi la légalisation de la pratique ?
En 1969, la Loi sur l’assurance-maladie consacre l’hôpital comme lieu privilégié de naissance. La médicalisation à outrance de la grossesse entraîne une déshumanisation de l’accouchement et donne lieu à de nombreuses critiques durant les années 70. Les femmes montent aux barricades et, en 1980, deux recommandations émanent du colloque Accoucher ou se faire accoucher : il faut légaliser la pratique sage-femme et mettre en place des maisons de naissance. En 1994, des projets-pilotes confirment la sécurité et l’efficacité de la pratique et mènent à l’adoption de la Loi sur les sages-femmes, le 19 juin 1999.

Qu’en est-il du Québec par rapport à une province comme l’Ontario ?
En Ontario, la légalisation s’est faite en toute conscience d’un modèle spécifique à promouvoir qui inclut la reconnaissance du concept de continuité relationnelle comme base du suivi sage-femme. C’est la garde qui constitue la pierre angulaire de ce suivi relationnel avant, pendant et après la grossesse. Cette garde est compensée à 12 000 $ par année en Ontario et à 9000 $ au Québec. Par ailleurs, un suivi temps complet est évalué à près de 50 heures pour nos voisines. Ici, il correspond à 35 heures. C’est irréaliste en regard de ce que la tâche exige.

La charge d’une sage-femme à temps complet est donc sous-estimée au Québec ?
Avec la pénurie actuelle, les sages-femmes doivent s’autoremplacer en cas de mouvement de main-d’œuvre ; il s’ensuit alors une surcharge. Et les distances à parcourir ajoutent aux heures travaillées. Cette réalité amène la plupart d’entre elles à refuser une pleine tâche. Certaines choisissent même d’abandonner la pratique. On adore notre travail, mais il est très exigeant : la garde accapare au minimum la moitié de notre vie ! Les médecins, eux, ont obtenu une généreuse reconnaissance pour la garde qui gruge leur temps. Notre mode de rémunération doit tenir compte des particularités de notre profession par une compensation pour l’utilisation d’un véhicule et le kilométrage parcouru, une valorisation de la garde ainsi que des conditions spécifiques pour la pratique en région.

La rémunération est donc une frustration chez les sages-femmes. Vous en avez sûrement d’autres !
La lenteur dans le déploiement des services est aussi très frustrante. Les accouchements avec sage-femme atteignent 4,2 %, alors que la Politique de périnatalité en prévoyait 10 % pour 2018. Il est inacceptable qu’un service public ne soit pas accessible partout ! Les difficultés de négociation et la méconnaissance de la pratique constituent d’autres irritants. Les gouvernements ont toujours refusé d’investir pour faire connaître notre profession, qu’ils ont eux-mêmes légalisée. C’est illogique. Il faut voir comment la CAQ se positionnera à ce sujet.

Pourquoi cette attitude ?
Il y a un manque de cohérence et d’intérêt des gouvernements à propos de la profession. De plus, notre travail, exercé à 99,9 % par des femmes, est perçu comme une vocation. Or, on ne peut pas compter que sur le dévouement pour développer une offre de services de périnatalité. En Ontario, une récente décision du Tribunal des droits de la personne fait état d’une discrimination genrée à l’endroit de la pratique sage-femme. Le Québec n’échappe pas à cette discrimination.

Y a-t-il des réussites dont tu es fière ?
La légalisation de notre profession est en soi un petit miracle. Nous avons réussi à passer à travers l’omniprésence du pouvoir médical. La popularité croissante de nos services est aussi une belle percée. La légalisation de notre profession est en soi un petit miracle. Nous avons réussi à passer à travers l’omniprésence du pouvoir médical. La popularité croissante de nos services est aussi une belle percée. Alors que trois nouvelles maisons de naissance ouvriront bientôt à Montréal, la région de Lanaudière, qui offre déjà des services de sage-femme, attend la sienne d’ici la fin 2019; Chisasibi a maintenant des sages-femmes sur son territoire et la Gaspésie démarrera ses services prochainement. Des projets sont en cours d’approbation pour la Montérégie-Ouest et la Montérégie-Est; la Côte-Nord et l’Abitibi-Témiscamingue prévoient l’embauche d’une chargée de projet. Tout ça demeure encourageant. La population souhaite l’accès à des services sage-femme dignes de ce nom !

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