Les vraies questions

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Les vraies questions

par Pierre-André Julien professeur émérite Institut de recherche sur les PME

Récemment, deux rencontres touchant la santé ont eu lieu en marge des travaux de la commission Castonguay. La première, à Saint-Sauveur, a réuni des investisseurs privés ; la seconde s’est tenue à Montréal sous l’égide du Collège des médecins. Elles visent à trouver les meilleurs moyens d’accentuer le poids du privé dans les soins de santé au Québec.

Malheureusement, en ne s’arrêtant qu’à ce seul angle, elles évitent de poser la vraie question : pourquoi notre système de santé coûte-t-il si cher alors que les files d’attente s’allongent et que les problèmes de santé s’accentuent, tel le cancer qui touchait deux personnes sur trois il y a quarante ans alors que ce pourcentage va grimper à une personne sur deux dans cinq ans ? Ou encore : pourquoi les médecins et les infirmières passent près de la moitié de leur temps à remplir des formulaires, alors que ce temps pourrait sûrement mieux servir ailleurs ?

Cette inefficacité du système est encore plus grave, par exemple chez nos enfants. Ainsi, chez les petits, les allergies ont été multipliées par deux et la prévalence de l’asthme par vingt, alors que ces maladies étaient très peu présentes chez nos grands-parents qui fumaient pourtant comme des cheminées. Ou comment se fait-il que tant d’enfants soient allergiques au beurre d’arachide alors que c’était l’aliment préféré au petit-déjeuner des générations précédentes ?

De même, pourquoi assiste-t-on à la multiplication d’anciennes maladies ou symptômes que l’on croyait disparus, comme l’éclampsie chez les jeunes mères ? Pourquoi recourt-on toujours systématiquement aux hormones qui entraînent pourtant une puberté de plus en plus précoce chez les jeunes, ou provoquent un accroissement du risque d’accidents vasculaires cérébraux de 40 % et de crises cardiaques de 30 % chez les plus âgés ?

D’un autre côté, quel est l’impact sur le système de santé de l’embonpoint croissant (plus de 60 % des Québécois auraient un excès de poids), notamment sur la montée en flèche du diabète juvénile ? Et qu’en est-il du recours systématique aux antibiotiques même si c’est souvent inutile, comme dans le cas de la grippe ? Enfin, quelle est la conséquence actuelle ou future de la croissance effarante de la consommation de Ritalin chez les enfants (près de 300 000 prescriptions en 2005 contre 48 000 en 1992), plutôt que de recourir à une approche plus psychosociologique ?

Coûteuse négligence

Du côté des hôpitaux, la multiplication des maladies nosocomiales liées aux problèmes d’hygiène coûte des centaines de millions par année, sans compter les décès, alors que l’hygiène était à la base du système de santé depuis Pasteur il y a 250 ans. Donnons quelques exemples parmi ceux que nous avons vus de nos yeux : un patient en septicémie avancée partage sa chambre avec un patient en dialyse, alors que les infirmières passent de l’un à l’autre sans se laver et se changer avant d’aller dans les autres chambres ; une jeune maman se prépare à subir une césarienne alors que le chirurgien lit son journal dans la salle à côté du bloc opératoire tout en plaçant par terre à côté de lui son bonnet et son masque pour les reprendre tels quels en retournant pour l’opération ; un citoyen qui devait subir une opération et à qui on venait de faire une prise de sang et un électrocardiogramme, et dont on venait de remettre l’opération, a dû se battre pour ne pas refaire automatiquement tous ces tests le lendemain même.

Au Québec, on a calculé que 103 000 morts seraient de plus reliées à des « instruments de chirurgie mal stérilisés ». L’animateur Pierre Maisonneuve a déjà évoqué à la radio de Radio-Canada le cas d’une femme décédée des suites de l’administration de deux médicaments incompatibles ; et l’on sait qu’environ 20 % des patients réagissent en contresens des médicaments et qu’une autre proportion de 20 % a des effets fortement accentués. Certains des effets secondaires sont majeurs, comme dans le cas des nouveaux antirhumatismaux qui causeraient de graves lésions au foie.

Ce mauvais usage des médicaments coûterait annuellement 2,25 milliards de dollars par année au Québec. Mais il est vrai, comme l’expliquait Michel Foucault, que trop de médecins sont tout simplement devenus des employés des compagnies pharmaceutiques, comme on peut le constater en particulier chez les personnes âgées avec leur pharmacie ambulante. Dernière aberration en date dans notre système de santé : l’annonce que plus de 40 % des valves artificielles pour cardiaques ne sont pas calibrées pour les besoins de chaque malade, ce qui relève pourtant de l’évidence.

Méga-hôpitaux à venir

Il ne s’agit pas de la seule erreur médicale. Ces dernières augmenteraient de façon de plus en plus tragique : plus de 10 000 Canadiens en meurent, sans compter les erreurs non recensées ou ignorées. Quant à ceux qui y survivent, les mauvais effets peuvent perdurer très longtemps et être extrêmement coûteux au système. Et qu’en est-il du recours systématique aux drogues licites, par exemple les tranquillisants, comme les benzodiazépines, dont les dommages sont souvent plus sérieux que les drogues illicites tout en rendant notamment les personnes âgées complètement dépendantes, avec à peu près aucune aide lorsqu’elles veulent s’en défaire ?

Malgré ces énormes coûts qui pourraient être corrigés si l’on s’en donnait la peine, on s’apprête à construire à Montréal deux méga-hôpitaux qui vont coûter au moins cinq milliards de dollars pour répondre aux ambitions de quelques-uns, alors que l’on investit toujours chaque année plus de 300 millions pour moderniser les hôpitaux en place et que tout cela ne changera rien aux comportements des médecins et des infirmières et à l’efficacité du système de santé.

Bref, nous n’avons pas besoin de recourir au privé pour résoudre les problèmes de ce système. On peut trouver des milliards de dollars dans une meilleure utilisation du personnel médical, dans l’arrêt de la surconsommation des médicaments et dans un meilleur mode de vie. Et cela est même souhaité par la population.

Ainsi, dans les sept grands défis des dix prochaines années de la grande enquête prospective du Conseil de la science et de la technologie, les citoyens et les chercheurs ont retenu, en premier lieu, la nécessité d’adopter de meilleures habitudes de vie pour satisfaire les besoins en santé physique et psychologique, et en deuxième lieu, une meilleure productivité du système de santé. Dans sa sagesse, la population elle-même lance ainsi la seule réponse valable à long terme pour dépasser le véritable cul de sac actuel de notre système, alors que le recours au privé ne fera qu’envenimer les problèmes en augmentant les coûts directs et indirects.


Source : Le Devoir, 20 novembre 2007               Le Nouvelliste– édition week-end, 10 et 11 novembre 2007

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