par Ariane Lacoursière
Les établissements de santé du Québec font de plus en plus appel à des infirmières d’agences privées pour combler leur manque d’effectifs. Résultat, le ministère de la Santé a déboursé cette année plus de 100 millions de dollars pour payer ces employées, soit une hausse de 25 % par rapport à l’an passé.
Selon des documents obtenus en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, les infirmières d’agences privées engagées à contrat dans le réseau public ont effectué près de 2 millions d’heures de travail cette année comparativement à 1,5 million l’an passé. « La situation prend de l’ampleur et c’est très inquiétant. Les millions de dollars qui sont versés aux infirmières privées devraient plutôt être payés à des employées du réseau public. D’autant plus que les infirmières privées coûtent beaucoup plus cher », affirme Monique Bélanger, présidente de la Fédération de la santé du Québec (FSQ).
Les écarts de salaires entre les employées du public et du privé sont en effet considérables. Une infirmière qui gagne entre 18 et 27 $ de l’heure au public peut gagner entre 35 et 55 $ au privé. « Le gouvernement gaspille notre argent en engageant de plus en plus de personnel du secteur privé », critique Mme Bélanger.
La présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec, Lina Bonamie, croit elle aussi que le gouvernement gère mal ses finances. « En plus des infirmières, les hôpitaux ont recours à d’autres professionnels de la santé qui travaillent pour des agences privées, comme des préposés aux bénéficiaires. Le gouvernement paie des compagnies privées au lieu d’investir dans son propre réseau public. C’est déplorable », commente-t-elle.
Selon Mme Bonamie, les principales victimes de la présence accrue d’infirmières privées dans le réseau public sont les patients. « Une infirmière d’agence qui arrive dans un hôpital, c’est comme une nouvelle employée. Elle ne sait pas où est le matériel ni comment fonctionne l’établissement. Elle est moins efficace et c’est les patients qui en souffrent », dit-elle.
Mme Bélanger explique pour sa part que si les hôpitaux se tournent plus souvent vers les infirmières privées, c’est qu’ils « veulent se donner une marge de manœuvre en donnant des contrats temporaires plutôt qu’en créant des postes permanents ». « Le problème, c’est qu’en faisant ça, plusieurs employées du public sont poussés vers le privé, soutient-elle. Au lieu d’endurer des horaires irréguliers en attendant d’avoir leur poste permanent, plusieurs se tournent vers le privé. » Les statistiques donnent raison à Mme Bélanger. Au cours des dix dernières années, le nombre d’infirmières travaillant dans le secteur privé a doublé, selon l’OIIQ, « C’est apeurant comme situation », note Mme Bélanger.
Même si le gouvernement engage de plus en plus d’infirmières d’agences privées, ces employées restent minoritaires dans le réseau public. Selon les données obtenues par La Presse, seulement 2,95 % de l’ensemble des heures travaillées par les infirmières du réseau public cette année l’ont été par des employées privées. Il s’agit d’une mince augmentation par rapport à 2006, où la proportion était de 2,39 %. « C’est une faible hausse, mais tout de même. Il faut faire quelque chose pour que ça cesse », martèle Mme Bélanger.
Source : La Presse– 20 novembre 2007