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Décès de Michel Chartrand

Une figure marquante du 20e siècle québécois

« Avec le décès de Michel Chartrand, le rideau tombe sur une époque très riche et particulièrement enlevante du syndicalisme québécois », a déclaré la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, pour qui ce militant, qui s’est porté durant sept décennies à la défense inconditionnelle des travailleuses, des travailleurs et du Québec, a atteint aujourd’hui un statut quasiment mythique. Avec le décès de ce syndicaliste hors norme, c’est toute une époque au cours de laquelle l’action syndicale s’est inspirée de l’anarcho-syndicalisme qui prend fin. Au nom des membres du comité exécutif de la centrale et des membres de la CSN, elle a offert à sa famille sa solidarité la plus sincère.

« C’est sans relâche et sans l’ombre d’une compromission qu’il a défendu, envers et contre tous les possédants, les bien-pensants et les élites, de sa voix puissante qui résonne encore aujourd’hui, les valeurs de justice, d’équité et de fraternité qui ont constamment nourri son action syndicale et politique », a-t-elle ajouté.

Depuis longtemps, sa notoriété avait traversé les frontières de l’action syndicale. Toutes les classes sociales, toutes les régions du Québec, toutes les générations connaissaient Michel Chartrand. Semblable phénomène est extrêmement rare. « Il témoigne à mon avis, au-delà d’une présence continue dans les médias, d’une affection certaine et constante dans laquelle le peuple québécois l’a tenu durant des décennies. »

Une défense inconditionnelle des travailleurs et du Québec S’il y a une ligne directrice dans sa vie, et dont il n’a jamais dévié, c’est celle de la défense des travailleuses, des travailleurs et du Québec. Figure marquante du Bloc populaire dans les années 1940, alors qu’il fut organisateur de Jean Drapeau qui se présentait dans Outremont, Michel Chartrand s’engagea plus tard dans la mouvance socialiste en se présentant dans le comté de Jonquière, en 1958, sous les couleurs du CCF, ancêtre du NPD. Quarante ans plus tard, dans le même comté, c’est sous la bannière de l’Union des forces progressistes qu’il mena la lutte dans le même comté contre Lucien Bouchard. En 1970, alors qu’il présidait le Conseil central des syndicats nationaux de Montréal, Chartrand amena le Conseil central à appuyer le Parti québécois. Quelques mois plus tard, il était arrêté en vertu de la Loi sur les mesures de guerre et passa quatre mois en prison. Son procès, au terme duquel il fut acquitté des accusations de sédition qui avaient été portées contre lui, est passé à l’histoire.

Selon la présidente de la CSN, quelqu’un a-t-il, plus que Michel Chartrand, mis davantage de fougue, de passion, de hargne même à la défense de la classe ouvrière québécoise ? À son avis, il n’est pas exagéré de soutenir que la question de la santé et de la sécurité au travail n’aurait jamais évolué dans le sens du respect de l’intégrité physique et psychologique des hommes et des femmes, comme ce fut le cas depuis quarante ans, si, tant par sa parole que par ses actions, il n’avait embrassé cette cause pour la porter à bout de bras. En accumulant au passage altercations avec les juges, outrages au tribunal et menaces d’emprisonnement.

Claudette Carbonneau rappelle qu’on l’a retrouvé dans tous les grands conflits qui ont marqué l’histoire du Québec dans la deuxième partie du vingtième siècle. Il a harangué les foules à Thedford Mines et à Asbestos en 1949, lors de la grève de l’amiante, s’attirant les foudres du régime duplessiste. On l’a retrouvé sur les piquets de grève au moment de la grève chez Dupuis Frères en 1952. Il a mené le combat contre la Consolidated Bathurst en 1956, à Shawinigan et à Grand-Mère. Il a soutenu les Métallos contre la Gaspé Copper Mines en 1957, à Murdochville. En 1966, alors qu’il est employé par le Syndicat de la construction de Montréal, il mène le combat lors de l’enquête conduite par le juge Trahan à la suite de la mort de six ouvriers sur le chantier de l’échangeur Turcot, à Montréal. Quand le journal La Presse décrète un lock-out en 1971, Chartrand, qui préside alors le Conseil central de Montréal, lance un quotidien, La Presse… Libre.

Un grand nationaliste Le nationalisme de Michel Chartrand s’est exprimé tout au long de sa vie et a marqué plusieurs de ses combats. Lui qui avait fait bénir son mariage, en 1943, par le chanoine Groulx estimait en effet que « le nationalisme, c’est le préalable de l’ouverture sur le monde : on ne peut accéder à l’international que par la médiation de la nation ». Il ajoutait, dans la même entrevue accordée à la revue Maintenant en 1971, que « nationalisme et socialisme convergent obligatoirement car ils sont absolument nécessaires l’un et l’autre à la réussite des transformations de la société auxquelles ils tendent respectivement ».

L’action comme moteur Michel Chartrand était tout le contraire d’un homme d’appareil. Dans une organisation structurée comme le sont les centrales syndicales, où l’on s’appuie sur des mandats, où l’on fait rapport à des assemblées qui détiennent la totalité du pouvoir, où les décisions sont prises après que les débats ont été tenus, Chartrand s’est à plusieurs reprises senti à l’étroit et n’a jamais hésité à transgresser certaines règles quand il jugeait que l’essentiel était ailleurs et qu’il fallait foncer, qu’importent les résistances internes, et même les conséquences, qui furent parfois fâcheuses.

Ce que Chartrand avait par-dessus tout, c’est l’instinct de l’action, la qualité, qui ne s’enseigne pas, de savoir saisir au bond l’actualité pour la retourner en sa faveur. Le meilleur exemple en est cette décision prise sur un coup de tête de louer, le 2 novembre 1971, le Forum de Montréal quatre jours après la manifestation d’appui aux travailleuses et travailleurs de La Presse où une manifestante avait perdu la vie. Pas moins de 17 000 personnes s’y regroupèrent dans un enthousiasme débordant. Le Conseil central n’avait pas les moyens de payer la location mais qu’importe, il fallait agir !

La vie de Michel Chartrand s’est déroulée comme un roman épique. Aussi n’est-il pas étonnant qu’on en ait fait une série télévisée qui a connu un énorme succès avec Luc Picard empruntant ses traits, sa faconde et une passion jamais assouvie. « Il a beaucoup donné, à la CSN, aux travailleuses et aux travailleurs, à ce Québec aussi, qu’il n’aura pas vu indépendant. Après avoir souvent fait l’histoire, il passe désormais à l’histoire », de conclure la présidente de la CSN.

En hommage à ce grand Québécois, la CSN a mis son drapeau en berne. 

Lire une courte biographie de Michel Chartrand >>

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Le Point syndical  automne 2023