Dossier : Économie – CSN – Confédération des syndicats nationaux https://www.csn.qc.ca Le maillon fort du syndicalisme au Québec Tue, 21 Jun 2016 13:50:28 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.2 https://www.csn.qc.ca/wp-content/uploads/2019/05/csn-logo-150x150.png Dossier : Économie – CSN – Confédération des syndicats nationaux https://www.csn.qc.ca 32 32 Une croyance populaire à nuancer https://www.csn.qc.ca/actualites/une-croyance-populaire-a-nuancer/ Tue, 21 Jun 2016 13:00:42 +0000 https://www.csn.qc.ca/?post_type=csnqc_actualite&p=53054 Selon la formule, une baisse du taux de change ($ US/$ CA) permettrait d’accroître les exportations en direction des pays où la monnaie est plus forte. Inversement, un taux de change trop élevé les réduirait. Si cette logique semble implacable, la réalité n’est pas aussi simple. En effet, le boom attendu dans les exportations canadiennes depuis la chute du taux de change n’est pas au rendez-vous. Selon François Bélanger, économiste au Service des relations du travail de la CSN, « certains analystes reconnaissent que la faiblesse du taux de change n’a plus un impact aussi important qu’avant sur les exportations manufacturières au Canada ».

Bien qu’il soit vrai que le taux de change influence le niveau des exportations, plusieurs autres éléments affectent aussi le commerce international. Par exemple, la crise économique de 2007-2008 qui a sévi chez nos voisins du Sud semble avoir fait diminuer fortement les exportations, et cela, même si le dollar canadien s’est déprécié entre 2008-2009. Aussi, après une longue période de baisse des exportations vers le marché américain, la place qui revenait au Canada est maintenant chaudement disputée par certaines économies émergentes, comme la Chine et le Mexique. « Nous avons déjà exporté plus de 80 % de notre production vers les États-Unis, maintenant, c’est un peu plus de 70 %. Cette place a été prise par d’autres et c’est désormais à nous de les déloger », explique François Bélanger. D’ailleurs, il faut comprendre que le dollar américain ne s’est pas seulement apprécié face au dollar canadien, mais également face aux monnaies de ces nouveaux concurrents, annulant ainsi l’effet de levier dont auraient pu bénéficier les produits canadiens.

Certaines décisions politiques prises par nos voisins pèsent aussi très lourd dans la balance. À la suite de la récession de 2008, les États-Unis ont décidé de développer une politique industrielle visant à accroître la production et à rapatrier certains secteurs. « Cette pratique s’appelle on shoring, par opposition aux off shoring qui consistent à délocaliser des industries, et ils la mènent de façon particulièrement vigoureuse. Nous l’avons vu au Québec quand la ville de Memphis est venue chercher Electrolux. Ils accordent plusieurs avantages afin de rapatrier la production », note François Bélanger. Pour soutenir son secteur industriel, Washington a mis en place certaines mesures protectionnistes comme en fait foi le Buy American : « On a sous-estimé le protectionnisme américain, nous étions persuadés qu’à 70 cents, les carnets de commandes allaient déborder, et ça n’a pas été le cas », indique Alain Lampron, président de la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM–CSN).

Notre industrie en partie responsable

S’il est vrai que la situation socioéconomique des États-Unis joue un rôle majeur pour comprendre la situation actuelle des exportations canadiennes, il serait simpliste de s’arrêter là. Les compagnies canadiennes sont aussi responsables de la situation actuelle. Plusieurs grandes entreprises ont, pour de multiples raisons, créé des filiales sur le territoire américain. « Une tendance semble se dégager pour les grandes entreprises : au lieu d’exporter de façon traditionnelle à partir d’un pays X, elles choisissent de produire directement sur le marché visé en y implantant des filiales », observe François Bélanger.

La chute des exportations a grandement affecté le secteur manufacturier canadien et québécois. « La capacité industrielle n’est plus la même. Plus de 160 000 emplois ont été perdus depuis 2002 pour se situer, en 2013, à 490 000 emplois. Au-delà de ces pertes, il faut savoir que des usines ont fermé et que des chaînes de production ont été démantelées. Notre capacité industrielle n’est plus la même, et cela, au moment où notre place sur certains marchés est plus que jamais concurrencée », soutient François Bélanger. De son côté, Alain Lampron est catégorique : « Les entreprises auraient dû profiter de la force du dollar pour investir, mais elles ne l’ont pas fait et aujourd’hui, nous sommes moins compétitifs, quand on ne se fait pas carrément dire que nous sommes désuets. »

Un prétexte pour s’attaquer aux salariés

Bien que de nombreux spécialistes s’entendent pour minimiser les impacts du taux de change, il semble que celui-ci ait maintes fois servi de justification aux employeurs pour rouvrir les conventions collectives et imposer des reculs importants aux salarié-es.

« L’ensemble de nos syndicats subissaient ce type de menaces : “On a de la misère” ou “on n’a plus la même marge de manœuvre”, etc. Il y en a eu des renégociations et même des ralentissements », se souvient Alain Lampron. Pour sa part, François Bélanger appelle à relativiser l’impact d’un dollar fort sur les entreprises. « S’il est vrai que la masse salariale augmente, les coûts liés aux importations ou à l’acquisition de nouvelles machineries, eux, diminuent, la volatilité des taux de change comporte donc des avantages et des inconvénients. »

Pour un virage qualitatif

Là où le taux de change intervient, c’est sur le prix des produits. Un taux de change faible permet d’offrir des marchandises à moindre prix. Les entreprises exportatrices pourraient, si elles le voulaient, opérer un changement qualitatif. « Plutôt que d’espérer que le taux de change leur donne un avantage quantitatif, pourquoi ne pas s’orienter vers une production de marchandises à forte valeur ajoutée ? », se questionne François Bélanger. Il faudrait donc investir davantage dans la recherche et le développement, tout en s’assurant que les innovations contribuent à la production industrielle canadienne plutôt que d’être envoyées ailleurs dans le monde. Ce virage permettrait de compenser la fluctuation du taux de change en offrant sur le marché international des produits incontournables, peu importe leur prix, à forte valeur ajoutée.

Plutôt que de voir le taux de change comme une fatalité, positive ou négative, il serait grand temps d’innover et de développer l’économie canadienne et du Québec afin de les immuniser le mieux possible face à ces fluctuations des cours monétaires.

Secteurs du tourisme de l'hôtellerie

Ces deux secteurs sont probablement les plus sensibles aux soubresauts du dollar. Un taux de change trop fort entraîne rapidement un ralentissement de l’activité pour deux raisons. D’une part, le touriste étranger évitera les destinations où le taux de change est trop élevé, puisqu’il lui en coûtera plus cher pour voyager. D’autre part, les touristes locaux vont profiter de la force de la monnaie pour sortir et voyager à l’étranger.

Bien entendu, la faiblesse actuelle du dollar, parce qu’elle attire les touristes étrangers, tout en gardant « captifs » les vacanciers du Canada, a un effet positif sur ces secteurs. Selon Michel Valiquette, trésorier de la Fédération du commerce (FC–CSN) et responsable du secteur de l’hôtellerie, l’effet est non seulement immédiat, mais il est également projeté dans le temps. « L’année 2014 fut une bonne année, 2015 fut une excellente année, les hôteliers ont enfin réussi à augmenter les taux d’occupation au-dessus des moyennes, chose qu’ils n’avaient pas réussi à faire depuis la crise de 2008. Si l’on se projette dans le temps, 2016 et 2017 s’annoncent également très bien. En effet, même si l’on ne connaît pas encore le taux de change, plusieurs événements internationaux, congrès et autres, auront lieu à Montréal, auxquels vont s’ajouter les activités entourant le 375e anniversaire de la ville de Montréal, preuve que la valeur du dollar n’est pas le seul facteur à influencer la vigueur de ces secteurs », explique-t-il.

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Toutes les raisons de s’inquiéter https://www.csn.qc.ca/actualites/toutes-les-raisons-de-sinquieter/ Tue, 21 Jun 2016 13:00:02 +0000 https://www.csn.qc.ca/?post_type=csnqc_actualite&p=52982 Mais qu’en est-il de la préservation des emplois à long terme, de la perte d’expertise, de l’impact sur la chaîne d’approvisionnement et de la disparition éventuelle des sièges sociaux ?

Chaque fois que le Québec perd un de ses fleurons, on s’inquiète, et avec raison. Des entreprises comme Rona ou St-Hubert, vendues récemment à des firmes étrangères, emploient des milliers de personnes et génèrent une activité économique considérable. La vente du quincaillier Rona à la multinationale Lowe’s et l’achat des restaurants St-Hubert par l’ontarienne CARA ne sont pas sans soulever beaucoup de questions. Des questions importantes que le gouvernement Couillard préfère, lui, ne pas se poser.

« Notre gouvernement est un ardent partisan du laisser-faire, soutient Robert Laplante, directeur général de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC). On l’a vu avec la réaction assez insouciante et légère de la ministre Anglade qui se réjouissait de la transaction de Rona sans même se poser une seule question sur les répercussions de cette transaction sur le secteur de la quincaillerie, par exemple. Avec une telle philosophie, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il y ait des mesures interventionnistes mises de l’avant par le gouvernement. Ce n’est pas parce qu’on ne pourrait pas en imaginer, c’est parce qu’on ne veut pas en déployer tout simplement. »

Selon Philippe Hurteau, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) : « La vente d’actifs québécois à l’étranger peut poser un problème et il y a lieu de s’inquiéter. Ce n’est pas juste un enjeu commercial, c’est un enjeu politique de développement économique pour préserver des emplois et continuer à en développer dans plusieurs secteurs d’activité chez nous. On ne sent pas du tout cette volonté de la part du gouvernement actuel. Ce n’est pas important pour lui. Il estime normal la vente des entreprises dans le libre marché, comme s’il n’y avait pas de particularités au Québec. »

Statistiques réductrices et incomplètes

Selon les données du ministère québécois de l’Économie, des Sciences et de l’Innovation, entre le 1er janvier et le 24 février 2016, 255 entreprises québécoises ont été vendues à des sociétés non québécoises, dont 85 sont situées hors du Canada. Pendant la même période, les entreprises d’ici en ont acquis 456 qui sont situées au Canada et à l’étranger.

En théorie, le bilan des ventes et des achats serait donc plus positif que négatif, mais selon Pierre Patry, trésorier de la CSN, il n’y a pas de quoi se réjouir : « Il faut songer aux répercussions sur les emplois ici. Et pas uniquement les emplois des entreprises visées par les acquisitions. Si l’on prend le cas de St-Hubert, c’est également toute la chaîne d’approvisionnement qui risque d’être compromise, parce qu’à partir du moment où les décisions vont être prises ailleurs qu’au Québec, peut-être que ces nouveaux propriétaires n’auront pas la même sensibilité pour l’achat local, pour l’approvisionnement chez des fournisseurs québécois. La perte d’expertise dans plusieurs domaines est une très mauvaise chose. »

Photo : Cédric Martin
Photo : Cédric Martin

Derrière les « statistiques officielles », il y a des noms, de gros noms. Qui peut prétendre que la vente du Cirque du Soleil, de Provigo, d’Alcan, de Sico, de Cambior, de Biochem Pharma et de centaines d’autres joueurs majeurs est une bonne chose pour le tissu économique québécois ?

Selon Philippe Hurteau, chercheur à l’IRIS, « il ne faut pas oublier que dans le cas des sièges sociaux, ce sont de bons emplois de cadres, de gestionnaires, qui s’en vont à l’étranger. C’est aussi le personnel et les fournisseurs qui sont brimés parce que les nouveaux acquéreurs ont souvent leur main-d’œuvre et leurs propres fournisseurs ».

Absence de relève et stratégie perdante du gouvernement

« Ce qui est maintenant à risque avec le contexte que nous traversons, ajoute Robert Laplante de l’IRÉC, c’est que beaucoup d’entrepreneurs qui ont développé l’économie québécoise arrivent à la retraite. Plusieurs entreprises vont soit traverser une crise de succession, soit voir glisser leur propriété vers l’extérieur. Le gouvernement du Québec a l’air de regarder la chose en spectateur, mais c’est évident que l’effet combiné de la faiblesse du dollar et du vieillissement assez massif de toute une cohorte d’entrepreneurs va créer beaucoup d’occasions d’affaires attrayantes pour différents secteurs économiques. »

« Si le gouvernement québécois ne fait pas d’effort particulier pour défendre certaines entreprises québécoises, on va avoir un problème, ajoute Philippe Hurteau. Le gouvernement veut surtout attirer des investissements étrangers et redevenir une économie de succursale. Les efforts mis sur le Plan Nord nous montrent que Philippe Couillard voit notre économie comme un réservoir de ressources disponibles aux investissements étrangers. C’est une vision du temps de Duplessis, on brade nos ressources naturelles et on ne demande rien en retour. »

Un point de vue que partage Robert Laplante de l’IRÉC. « Le Plan Nord, c’est une stratégie qui consiste essentiellement à vendre la matière première faiblement transformée et à en vendre le plus possible. Heureusement pour nous, ça ne marche pas. L’essentiel de la richesse à tirer de ces ressources naturelles-là sera capté à l’extérieur. Le Plan Nord, c’est un choix de perdant, une stratégie d’exportation d’emplois. »

Selon Pierre Patry, « après la “grande noirceur” sous Duplessis, on est parvenus à prendre en main notre économie. On a mis en place une série d’institutions économiques pour mieux contrôler notre destin. Malheureusement, aujourd’hui, on a l’impression de reculer. Sous la pression des actionnaires, les conseils d’administration des entreprises ne gèrent qu’en fonction des intérêts à court terme, au détriment du développement à long terme des entreprises. Ceux qui se préoccupent le plus de l’avenir des entreprises, ce sont les travailleuses et les travailleurs qui malheureusement n’ont pas droit au chapitre. »

Le Québec, un refuge fiscal

« La politique fiscale du Québec favorise l’acquisition de nos fleurons par les entreprises étrangères, ajoute le chercheur Philippe Hurteau. Depuis quelques années, les entreprises étrangères qui achètent nos meilleures compagnies le font souvent pour des raisons d’optimisation fiscale. Burger King a acheté Tim Hortons non pas pour se développer dans le secteur des beignes et du café, mais pour pouvoir déclarer des revenus au Canada et au Québec et se soustraire au fisc américain. »

Le Canada impose moins les entreprises que les États-Unis et le Québec impose moins ses sociétés que les autres provinces canadiennes. Les sociétés états-uniennes achètent des entreprises d’ici pour avoir pignon sur rue et profiter de notre régime fiscal. Selon le professeur Hurteau, « les différents gouvernements ont tellement baissé les impôts des entreprises et des sociétés, on a tellement mis en place de programmes de soutien et de crédits d’impôts pour les entreprises, que le Québec et le Canada sont devenus des refuges pour les entreprises étrangères. Ce qu’on reproche aux paradis fiscaux, eh bien, il y a des entreprises qui nous utilisent pour arriver aux mêmes fins. »

L’impôt aux entreprises en chute libre

Les contributions fiscales des entreprises sont en chute libre depuis une quarantaine d’années au Québec et au Canada et c’est ce qui fait qu’on devient attractif pour les entreprises, surtout américaines. Pour Philippe Hurteau, « décrire le Québec comme un “enfer fiscal” pour les entreprises, c’est vraiment quelque chose d’habile, mais ce n’est absolument pas le reflet de la réalité, bien au contraire. Cela sert surtout à faire pression sur les gouvernements pour baisser toujours davantage les impôts et les taxes sur la masse salariale. Pour une entreprise, il est nettement plus avantageux de payer ses impôts au Québec qu’en Ontario ou dans le Maine. Comme entreprise, si j’avais à choisir une juridiction pour payer mes impôts en Amérique du Nord, ce serait au Québec ».

Des solutions existent

La vente d’entreprises québécoises à des entreprises étrangères est inévitable, jusqu’à un certain point. Il faut donc, selon Pierre Patry, trésorier de la CSN, « imaginer d’autres formules de prise de possession, pour s’assurer que les intérêts demeurent au Québec. On peut faciliter la création de coopératives de travailleurs, une meilleure utilisation des outils de développement économique qu’on a déjà. Le gouvernement québécois a le devoir de réfléchir à cette question. Il faut donner plus d’obligations aux conseils d’administration des entreprises, pour s’assurer qu’ils préservent les emplois au Québec. »

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