Propositions de la CSN à la Commission des affaires sociales :
Garantir la pérennité du système public de santé et de services sociaux
Le 4 avril prochain débutera la consultation publique sur le document du gouvernement du Québec : Garantir l’accès : un défi d’équité, d’efficience et de qualité. À l’approche de cette importante consultation, la CSN rend publiques ses propositions pour garantir la pérennité du système public de santé et de services sociaux.
Pour la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, le jugement de la Cour suprême dans l’affaire Chaoulli est venu grandement brouiller les cartes. « Avant cette décision, le financement exclusivement public des services était peu remis en question. La Commission Clair et le Comité Ménard ont, tour à tour, réaffirmé l’importance d’un financement exclusivement public. Nous répétons qu’il n’est pas du rôle des tribunaux de changer une règle aussi fondamentale et de décider de l’instauration de régimes d’assurance-maladie privée en parallèle au régime public. »
NON à un régime à deux vitesses
La CSN s’oppose à la levée de l’interdiction de l’assurance-maladie privée duplicative, même limitée à trois chirurgies électives (hanche, genou, cataractes), parce que cette décision ne répond pas aux problèmes d’accès et risque de provoquer des iniquités et une augmentation des coûts, surtout si elle s’étend éventuellement à d’autres interventions comme le propose le livre blanc.
« Avec les problèmes de pénurie de personnel actuels, il est illusoire de penser que le recours accru à des cliniques privées, financées par une assurance-maladie privée, pourra réduire les temps d’attente », estime Denise Boucher, vice-présidente de la CSN et responsable du dossier santé.
Selon l’OCDE, les systèmes de santé parallèles au système public favorisent les personnes plus riches, ainsi que celles qui sont plus jeunes, en meilleure santé ou qui ont des problèmes de santé moins coûteux à traiter. L’assurance-maladie duplicative induit une différenciation dans le choix et la rapidité des soins entre les personnes titulaires d’une assurance privée et celles qui n’en possèdent pas. Il se crée alors un régime à deux vitesses dans lequel la rapidité d’accès aux services est déterminée par les moyens financiers des patients, non par leurs besoins. Les études de l’OCDE démontrent aussi que le développement de régimes d’assurance-maladie privée a pour effet d’augmenter les dépenses totales de santé sans alléger la charge publique.
« Il faut trouver d’autres solutions satisfaisantes, quitte à recourir à la clause dérogatoire en attendant la mise en place de ces solutions. Pour la CSN, il est également hors de question d’élargir la couverture à l’assurance-maladie privée par simple décret, sans débat public, comme le propose le gouvernement », avertit Claudette Carbonneau.
La garantie d’accès : une avancée positive
La garantie d’accès constitue certainement une avancée positive si les efforts sont mis au bon endroit, dans le réseau public. « Comme les frais globaux des installations privées sont plus élevés, compte tenu de leurs exigences de rentabilité, l’efficience commande que les garanties d’accès s’appuient sur le réseau public et le renforcent », souligne la présidente de la CSN.
La proposition gouvernementale comporte des lacunes. La garantie d’accès n’offre rien à plusieurs personnes présentement en attente de services. « Les poursuites risquent de se multiplier. La distinction entre les interventions électives et celles qui répondent aux besoins vitaux laisse présager une privatisation accrue. L’exemple des services de réadaptation est éloquent. Depuis que la porte du privé s’est ouverte, ils sont aujourd’hui surtout accessibles à travers les assurances privées », de plaider Claudette Carbonneau.
Par ailleurs, la garantie d’accès débute seulement au moment où le patient est inscrit sur la liste d’attente. Ainsi, les délais pour voir un médecin de famille, pour passer des examens ou pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste, sont négligés. « Le réseau public doit agir en amont. Il faut s’attaquer aux pénuries de médecins et aux déficiences dans l’organisation des services », d’expliquer la responsable, Denise Boucher.
Cela veut dire garantir partout l’accès à un médecin de famille. Cela passe aussi par l’organisation des services de première ligne avec des horaires élargis, favorisant le regroupement des médecins et l’intégration des infirmières, de même que l’établissement de liens avec les autres professionnels de la santé et les établissements du réseau pour assurer une prise en charge globale et un suivi continu des personnes. Cela passe également par la révision du mode de rémunération à l’acte des médecins, de façon à soutenir une transformation de la pratique médicale intégrant davantage de prévention, plus de travail d’équipe et une meilleure utilisation de l’information.
« D’autres efforts doivent viser à organiser la gestion des listes d’attente par établissement et par région et soutenir une utilisation optimale des équipements et plateaux techniques des hôpitaux et des ressources médicales. Il faut lever les quotas de pratique des médecins lorsqu’ils réduisent le nombre de traitements disponibles pour des personnes en attente », croit Denise Boucher.
Pour des cliniques spécialisées affiliées publiques
La CSN s’oppose à une présence accrue du privé dans les soins spécialisés. Le ministre Philippe Couillard fait le choix d’un système public dans lequel le secteur privé aura sa place aux frais de l’État. « Quelle en est la logique, si ce n’est une logique marchande ? Pourquoi, en effet, susciter la création de cliniques privées affiliées plutôt que de miser sur les établissements publics et les centres ambulatoires publics comme celui de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, ouvert en janvier 2005 mais qui fonctionne au ralenti, faute de moyens financiers suffisants ? », se demande Claudette Carbonneau.
Le réseau public a démontré qu’il parvient à réduire l’attente en cardiologie tertiaire et en radio oncologie et Montréal a augmenté l’offre publique pour les remplacements de hanche et de genou et pour les cataractes. Il faut persévérer dans cette voie.
Ici encore, les études de l’OCDE démontrent que l’achat de services au privé ne permet pas de réduire les délais d’attente dans le secteur public. D’autres études montrent que les partenariats public privé, sous l’emprise de la rentabilité du secteur privé, conduisent à des reculs de qualité, d’imputabilité et de contrôle des coûts pour le secteur public.
En outre, l’émergence de nouvelles cliniques privées pourrait faciliter, en vertu des accords commerciaux internationaux (ALENA et AGCS), l’intrusion irréversible d’entreprises étrangères au Québec.
La question du financement
Pour la CSN, l’injection d’argent neuf dans le système public de santé et de services sociaux est une condition essentielle afin que celui puisse répondre aux besoins et remplir adéquatement sa mission. « Dans l’état actuel des finances publiques, le gouvernement doit renoncer aux baisses d’impôts et organiser un débat public sur le remboursement de la dette avant de lancer le Québec dans cette aventure », réitère la leader syndicale.
Dans le cadre des dernières élections fédérales, le premier ministre Harper s’est engagé à négocier avec les provinces et à résoudre le problème du déséquilibre fiscal. « Le gouvernement du Québec doit demander que commencent dès maintenant ces négociations et doit réclamer des transferts de points d’impôts ou des transferts financiers, y compris pour la santé. La récupération par Québec de recettes fiscales abandonnées par le fédéral constitue une autre manière de réduire le déséquilibre fiscal », de poursuivre Claudette Carbonneau.
Un régime public contre la perte d’autonomie
La CSN est d’avis que l’hypothèse d’un régime d’assurance distinct contre la perte d’autonomie, telle que proposée par le Comité Ménard, soulève de sérieuses difficultés. Des questions se posent, notamment en ce qui a trait au morcellement du système de protection en matière de services sociaux et de santé; à l’ouverture accrue au privé; à la possibilité pour les personnes en perte d’autonomie d’acheter elles-mêmes leurs services (ce qui fragilise la structuration d’une offre de services intégrés et de qualité) ; aux cotisations qui seront exigées des personnes à faible revenu, etc.
La CSN propose plutôt que le gouvernement mette en place une couverture publique, universelle et accessible aux groupes vulnérables, complétant les protections offertes par l’assurance-maladie et l’assurance-hospitalisation. Si le gouvernement maintient la proposition du rapport Ménard, la CSN recommande la mise en place des balises suivantes : l’offre publique de services sociaux et de santé devrait être complétée et son financement assuré; la gestion et la prestation des services par les CSSS devraient être garanties ; le financement des particuliers devrait être progressif en fonction du revenu des personnes ; les employeurs devraient être mis à contribution par une taxe sur les bénéfices ; les versements en espèces devraient se limiter essentiellement aux aidants proches ; la gestion du régime devrait garantir son utilisation aux seules fins poursuivies.
Source : CSN – 2 avril 2006
Pour renseignements : Michelle Filteau, directrice du Service des communications de la CSN, cellulaire : (514) 598-2155