Lock-out appréhendé au Journal de Montréal
Pour tenter d’éviter un conflit de travail et donner toutes les chances à la négociation, le Syndicat des travailleurs de l’information du Journal de Montréal, affilié à la Fédération nationale des communications (CSN), a demandé ce matin au ministère du Travail de nommer un conciliateur dans leur dossier. « Le lock – out semble imminent au Journal de Montréal, a déploré le président du STIJM, Raynald Leblanc. Dans l’intérêt des lecteurs et des relations de travail, nous considérons que la négociation est la voie à suivre et nous
Conciliateur nommé
Le ministre du Travail du Québec, David Whissel, a répondu à la demande syndicat et nommé Pierre-Marc Bédard conciliateur dans la négociation qui oppose le syndicat des employés du Journal de Montréal à Quebecor Media.
sommes prêts à poursuivre les discussions pour renouveler notre convention collective dans le meilleur intérêt du Journal. Malheureusement, nous ne sentons pas cette même volonté du côté patronal.»
Plusieurs indices démontrent en effet que le STIJM s’apprête à vivre le premier conflit de travail depuis la fondation du syndicat en 1970. En effet, aucune rencontre de négociation n’a eu lieu depuis le 18 novembre, alors que le climat s’est considérablement alourdi dans l’édifice du 4545, rue Frontenac, à Montréal. En outre, plusieurs cadres ont été embauchés au cours de la dernière année et de nouveaux chroniqueurs ont fait leur apparition dans les pages du Journal dernièrement. Il faut aussi compter sur une tradition de conflits dans les filiales de Quebecor depuis que Pierre K. Péladeau s’est joint à la direction de l’entreprise. Pas moins de 12 lock-out ont été décrétés à l’encontre des travailleuses et travailleurs au cours de ces 13 dernières années.
Pour le syndicat, c’est l’attitude patronale et l’ampleur de son projet qui sont les indicateurs les plus éloquents à démontrer qu’il ne recherche pas une solution négociée satisfaisante pour les deux parties. « Pour Pierre K. Péladeau, il ne s’agit pas que du renouvellement de notre convention collective. Cette négociation s’inscrit dans un plan d’affaires qui embrasse toutes les activités de Quebecor Media pour lui permettre de faire davantage de profits, sans égard à ses artisans qui produisent un journal de qualité et à sa clientèle qui en a fait le plus populaire au Québec », a poursuivi le président du syndicat.
Le plan d’affaires
Le projet patronal de négociation contient 233 demandes qui auraient pour effet de charcuter les conditions de travail, de donner à la direction la possibilité d’éliminer une centaine d’emplois, entre autres en favorisant la sous-traitance, et d’affaiblir toutes les dispositions de la convention collective qui garantissent la qualité de l’information et le respect des règles de déontologie journalistique.
« Pierre K. Péladeau veut s’assurer que rien ne l’empêche d’aller de l’avant avec son projet de convergence illimitée pour maximiser davantage ses profits. Il veut réduire les coûts d’exploitation de 20 % et les salaires (primes et rémunération) aux petites annonces de 25 %. Pourtant, le Journal de Montréal n’est pas en difficulté financière, loin de là ! », de mentionner Raynald Leblanc. Selon une estimation du syndicat, le Journal aurait engrangé quelque 50 millions de dollars de profit, sur un chiffre d’affaires d’environ 200 millions en 2008.
Entre autres, l’employeur veut :
avoir la capacité d’abolir environ 80 postes en accordant à la sous-traitance le secteur des petites annonces et celui du bureau (comptabilité, service de la maquette, graphisme, documentation et recherche), remplaçant ainsi des emplois avec de bonnes conditions de travail par des emplois non-syndiqués et moins bien payés ; pouvoir utiliser tout le contenu généré par les entreprises de Quebecor Media dans le Journal, et vice-versa, en éliminant les dispositions qui assurent les règles de déontologie ; se réserver le droit d’implanter un site Internet, de le moduler et de le modifier à sa guise, sans égard au code de déontologie ni aux droits d’auteur ; retirer la clause de statu quo ante, ce qui aura pour effet de bâillonner les journalistes devant travailler sous la menace d’une suspension immédiate à la moindre critique sur les conditions d’exercice de leur travail ; assouplir les pare-feux entre la publicité et la rédaction, portant atteinte à la crédibilité de l’information diffusée ; abolir 15 postes à la rédaction ; accroître de 25 % la semaine de travail, sans compensation; accroître la semaine de travail de quatre à cinq jours, pour tous les nouveaux qui seront embauchés à la rédaction et pour les employé-es du groupe bureau ; abolir les définitions de tâches avec la possibilité de les changer et de fixer une nouvelle rémunération sans préavis pour toutes les fonctions ; etc.
« L’enjeu de la négociation dépasse largement le cadre de notre convention collective », a poursuivi Raynald Leblanc. Il s’agit d’une lutte contre la sous-traitance et pour le respect des conditions qui assurent au public une information crédible et de qualité.
« Nous ne pouvons, en terminant, manquer de saluer la décision rendue hier par la Commission des relations du travail qui a blâmé Quebecor Media pour avoir utilisé des scabs durant le conflit du Journal de Québec. Le recours à des briseurs de grève a un effet sur la durée d’un conflit de travail et nous espérons que la décision de la CRT fera réfléchir M. Péladeau. Il doit donner le signal clair à ses représentants pour renouer avec la négociation. »
La convention collective des 260 membres du STIJM vient à échéance le 31 décembre 2008. Devant l’éventualité de se voir imposer un lock-out, le syndicat a procédé aujourd’hui au déménagement de son bureau du siège social du Journal dans des locaux temporaires, situés dans l’édifice voisin de l’entreprise de presse, au 4603, rue Frontenac, à Montréal.
Source : FNC- CSN — 16 décembre 2008 Photos : Alain Chagnon
Pour renseignements : Louis-Serge Houle, Service des communications de la CSN, 514 792-0795