La CSN demande à la Cour supérieure d’annuler l’entente signée entre l’hôpital du Sacré-Cœur et la clinique privée RocklandMD qui permet aux médecins de l’hôpital de pratiquer des chirurgies d’un jour dans les locaux de la clinique privée. Une requête de déclaration en nullité a été déposée à cet effet.
Pour la CSN, cette entente doit être déclarée nulle parce qu’elle contrevient à la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS). « La délocalisation des chirurgies affecte directement les travailleuses et les travailleurs de l’hôpital du Sacré-Cœur », d’expliquer la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau. En outre, cette entente ne révèle pas une gestion efficace des ressources matérielles et financières puisqu’elle vise la location de salles d’opération alors que l’hôpital du Sacré-Cœur dispose déjà de salles sous-utilisées.
La LSSSS établit, en effet, un régime à trois paliers : le ministre, l’agence régionale et l’établissement. Le ministre chapeaute le réseau et répartit équitablement les ressources humaines, matérielles et financières entre les régions et voit au contrôle de leur utilisation. L’établissement doit gérer ces ressources avec efficacité. Il fait partie d’un réseau et ne peut contracter sans obtenir les autorisations nécessaires.
Les articles 263 et 264 de la LSSSS prévoient qu’un établissement public ne peut, sans avoir obtenue l’autorisation préalable de l’agence, louer un immeuble. Ils stipulent que tout contrat fait par un établissement sans l’autorisation préalable du Conseil du trésor, du ministre ou de l’agence, est nul et de nullité absolue.
Or, l’entente entre Sacré-Cœur et RocklandMD ne respecte pas ces dispositions de la Loi. Le contrat de location n’a pas été autorisé par l’agence ou le ministre. L’entente ne respecte pas, non plus, les conditions et procédures prévues au Règlement sur la location d’immeubles par les établissements publics, notamment en ce qu’aucun processus d’appel d’offres public ne l’a précédée. Des règles similaires entourant la location d’équipements prévalent et n’ont pas fait l’objet d’un appel d’offres. En outre, l’entente ne respecte pas les règles de confidentialité prévues à l’article 27.1 de la LSSSS.
« Le non-respect des dispositions relatives à la location d’immeubles et à la bonne administration des deniers publics et des ressources humaines, matérielles et financières du réseau de la santé, compromet l’intégrité du système public. Ce type d’ententes représente à notre avis le cheval de Troie dans l’antre du réseau public. En empruntant cette voie, le gouvernement donne le signal qu’il désinvestit le public pour chercher dans le privé des solutions aux problèmes du système de santé », de plaider la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau.
Une entente qui accentue la pénurie de personnel
Pour la présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Francine Lévesque, « l’entente délocalise vers une clinique privée du travail infirmier et d’inhalothérapie, ce qui risque d’accentuer le problème de pénurie de main-d’uvre actuel en drainant les ressources humaines du secteur public vers le secteur privé. »
« Les syndicats de l’hôpital du Sacré-Cœur ont pourtant proposé des solutions novatrices qui n’ont reçue aucune écoute, aucune ouverture. La direction du centre hospitalier a fait la sourde oreille et a fait preuve de mépris à l’endroit des travailleuses et des travailleurs, de poursuivre Francine Lévesque.
« Le projet des syndicats reposait notamment sur la réorganisation du travail au bloc opératoire, une meilleure coordination avec le laboratoire, la création d’un sous-service de chirurgie d’un jour, la création de postes avec des conditions comparables à ce qu’on retrouve à la clinique RocklandMD et l’arrimage avec les conventions collectives », de rappeler la présidente de la FSSS.
Surcharge de travail et démotivation du personnel
« C’est absurde! On nous dit qu’on pratique des opérations à RocklandMD parce qu’il y a pénurie de personnel à Sacré-Cœur. Mais c’est le personnel de Sacré-Cœur qui fait le travail de préparation pour RocklandMD. On se retrouve avec un surplus de travail quotidiennement », de dénoncer Michel Grégoire, inhalothérapeute et vice-président du Syndicat professionnel-les en soins infirmiers et cardio-respiratoires de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal.
« Nous constatons un surplus de travail en anesthésie. Nous devons préparer chacun des plateaux pour chacun des cas qui seront opérés à RocklandMD. Tout le matériel nécessaire qui est acheminé à RocklandMD est également préparé par l’infirmière de Sacré-Cœur. La direction met beaucoup d’effort pour faire fonctionner RocklandMD. On ne peut pas en dire autant pour Sacré-Cœur », estime l’inhalothérapeute.
Marie-Pierre Desbiens, vice-présidente du Syndicat des travailleuses et des travailleurs de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, croit elle aussi que cette entente sape le moral des troupes. « La situation a entraîné un surplus de travail pour le personnel du magasin, qui prépare le matériel pour ensuite l’acheminer par courrier privé (payé par l’hôpital) à la clinique RocklandMD. Il y a un surplus de travail aussi pour le personnel de bureau. À l’admission, on doit enregistrer cinq personnes de plus à traiter, par jour de chirurgie. Lorsque certaines opérations sont annulées à RocklandMD nous devons réinscrire les patients pour une autre journée. Les dossiers médicaux sont traités ici puis sont acheminés à RocklandMD par une compagnie privée. Donc la surcharge (aux prélèvements et aux dossiers) se fait sentir autant en pré et qu’en postchirurgies.
La requête en nullité déposée par la CSN devant la Cour supérieure soulève des questions sérieuses et importantes pour le public. C’est pourquoi les deux syndicats concernés, la FSSS et la CSN croient que l’entente entre la clinique RocklandMD et l’hôpital du Sacré-Cœur doit être déclarée nulle par la Cour supérieure.
La Confédération des syndicats nationaux compte plus de 300 000 travailleuses et travailleurs de tous les types de milieux de travail, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. La FSSS-CSN représente les professionnel-les en soins infirmiers et cardiorespiratoires, ainsi que le personnel paratechnique des services auxiliaires et de métiers de l’hôpital du Sacré-Cœur, soit quelque 3200 employé-es.
Source : CSN – 27 février 2008
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