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Le système public peut être sauvé

Les délais d’attente ne sont pas dus à un manque de ressourcesmais à une mauvaise organisation, disent 2500 médecins

par Louise-Maude Rioux Soucy

Las d’être enfermés dans un discours où le statu quo et la privatisation sont sur toutes les lèvres, le regroupement Médecins canadiens pour le régime public (MCRP) a sonné la fin de la récréation hier en réunissant à la même table une douzaine de chercheurs de premier plan. Ceux-ci ont réaffirmé, preuves à l’appui, la primauté du régime public dans un plaidoyer à contre-courant, qui se veut une réponse musclée aux multiples actions et réflexions engagées en faveur du privé ces derniers mois au Québec.

À force de soupeser chaque dollar versé dans son régime de santé public, le Québec a fini par perdre de vue l’essentiel, soit la qualité des soins, estime le porte-parole de la section Québec de ce regroupement, le médecin résident Simon Turcotte. « On n’en est pas à l’étape de décider si on ouvre au privé ou pas. On en est à l’étape d’engager un grand dialogue pour que les professionnels mettent en branle les solutions qui marchent. » Le hic, c’est que la dichotomie privé-public est en voie d’accaparer toutes les discussions, laissant dans l’ombre la plupart des projets-pilotes qui sont lancés au pays.

Ceux-ci sont pourtant très prometteurs, montre une étude d’abord publiée en Colombie-Britannique et lancée hier au Québec à l’occasion du colloque de l’exécutif québécois de MCRP. Intitulé simplement Pourquoi attendre ?, ce document met en lumière des solutions publiques aux listes d’attente. Pour son principal signataire, le D rMichael Rachlis, il est clair que ce sont ces listes qui donnent des munitions aux partisans du privé. À tort d’ailleurs, puisque les délais d’attente ne sont généralement pas dus à un manque de ressources mais bien à une mauvaise organisation des services, affirme-t-il sans détour.

En point de presse hier à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, le D rRachlis s’est fait le défenseur d’un système public capable de se renouveler. « Un mythe tenace a pénétré les consciences, celui que seul le secteur privé peut innover. On fait plutôt aujourd’hui la démonstration du contraire. Les expériences décrites [dans notre rapport] produisent des gains à tous les niveaux : productivité, ajustement de l’offre à la demande de soins, meilleur contrôle des coûts, satisfaction des professionnels et des patients et suivi optimal de la qualité des soins. »

Mais pour ce faire, deux changements sont nécessaires. Il faut d’abord que les professionnels de la santé apprennent à travailler ensemble, en toutes circonstances. Les soins doivent ensuite être regroupés de manière à maximiser les interventions. Ce genre de pari est illustré parfaitement par le Richmond Hip and Knee Reconstruction Project, en Alberta. Là-bas, la direction a décidé de réserver deux salles d’opération à la reconstruction de la hanche et du genou. Ce faisant, le roulement des deux salles a grimpé de 25 %, permettant une augmentation de 136 % du nombre de cas traités. Au final, les délais d’attente ont fondu, passant de 19 mois à… 11 semaines seulement!

Au North Vancouver’s Lion’s Gate Hospital, la création d’un guichet unique pour les rendez-vous pré et post-opératoires a réduit les temps d’attente pour une première consultation à deux à quatre semaines en moyenne alors qu’ils étaient auparavant de plus de 11 mois. Un parallèle peut être tracé entre ce genre d’expérience et les centres médicaux spécialisés privés que Québec compte utiliser pour soulager ses listes d’attente. Tous misent en effet d’abord sur le volume. Mais alors que Québec consent à aller chercher du secours du côté du privé, les deux autres ont fait le choix de rester bien en selle dans le régime public. Un choix gagnant à long terme, estime le D rRachlis.

Les revers du privé

Son rapport montre en effet que, dans les pays où coexistent les systèmes privé et public, les temps d’attente dans le public finissent par être plus longs que dans les pays où le public se taille la part du lion. L’explication est simple: là où le privé se développe en parallèle, on retient d’abord les cas les plus simples et les moins coûteux à traiter. Cette sélection augmente alors la pression sur le réseau public, qui voit le degré de sévérité des maux à traiter grimper sensiblement. Résultats: les coûts et les délais sont tirés vers le haut.

Même de l’intérieur, le privé n’est pas sans défauts, rappelle ce rapport qui s’appuie sur des chiffres éclairants. Selon l’Institut canadien d’information en santé (ICIS), un remplacement de genou coûte présentement environ 8000 $ au public et entre 14 000 et 18 000 $ au privé. Les soins assurés dans les établissements privés sont aussi moins sécuritaires, en raison de la présence moins importante de professionnels très qualifiés. Une étude récente du Journal of the American Medical Association indique en effet que les taux de décès sont de 8 % plus élevés dans les cliniques de dialyse à but lucratif. Là-bas, les patients sont aussi moins souvent référés pour une transplantation du rein.

Tous ces arguments font dire aux 2500 membres de MCRP que la volonté de donner accès aux meilleurs soins ne se résume pas au financement, quoi qu’en dise le groupe de travail présidé par Claude Castonguay. « Le groupe Castonguay se penche sur le financement comme s’il fallait continuer de financer le système tel qu’il est et faire une projection dans l’avenir des coûts en fonction de la façon dont le système fonctionne aujourd’hui. Ça n’a pas de sens. Il faut innover à l’intérieur du système et, ce faisant, on changera enfin de paradigme », croit le D rTurcotte.

Sur ce point, le Québec ne part pas de zéro. Déjà plusieurs projets apparaissent timidement. Comme ce projet intégré de suivi des patients lavallois souffrant d’une maladie pulmonaire chronique présenté hier au colloque. Là-bas, l’accent a été mis sur la multidisciplinarité. « Tous les professionnels ont désormais accès au même dossier et le patient voit son médecin lorsque les membres de l’équipe jugent que c’est le bon moment. Cela veut dire que le médecin est là sur demande et non plus selon un calendrier fixe qui ne tient pas compte du travail des autres professionnels ni de l’évolution de la maladie. »

Bien sûr, son regroupement est conscient que de tels changements ne se feront pas sans réinvestissement massif. Il leur paraît toutefois clair que cet argent doit aller dans les coffres du réseau public et non pas dans ceux des cliniques privées. « Utiliser les fonds publics pour soutenir un marché concurrentiel de soins de santé à but lucratif minerait nos efforts, au détriment de la grande majorité de nos patient s», a conclu la présidente de MCRP, la D reDanielle Martin.


Source : Le Devoir– 16 novembre 2007

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