Pour Martin Desrosiers, le problème n’est pas qu’on ne se parle plus, mais bien que les dialogues que nous entretenons sont de moins en moins sains. Le problème, c’est donc qu’on se chicane mal. Au banc des accusés, la polarisation affective : entretenir une animosité envers ceux qui ne pensent pas comme nous, au point de couper court au dialogue.
Pour le philosophe et enseignant, le phénomène repose sur plusieurs symptômes : on prête de mauvaises intentions aux autres, on applique des critères plus durs à l’égard de nos opposants qu’à nous-mêmes, et on exagère les désaccords. On oublie que les divergences peuvent (parfois) être superficielles ou porter sur les moyens plutôt que sur les fins.
Les espaces de discussion, notamment sur les réseaux sociaux, sont peu propices à l’échange. Les algorithmes nous enferment dans des bulles où nous ne sommes exposés qu’à des opinions similaires aux nôtres. La communication y est souvent désincarnée, ce qui peut encourager l’agressivité chez ceux qui deviennent soudainement très confiants, tout en incitant d’autres à l’autocensure, par crainte d’être jugés ou victimes de violence numérique. C’est souvent le cas pour les femmes, qui doivent payer un prix souvent élevé pour la prise de parole publique. Ces dernières sont d’ailleurs plus souvent sujettes au harcèlement sur les réseaux sociaux.
Martin Desrosiers termine sa présentation en invitant le public à se questionner sur l’attitude personnelle : suis-je ouvert à la nuance ? Suis-je capable de défendre un point de vue que je ne partage pas ? Me suis-je trop identifié à mes opinions… au point où je ne peux remettre en question mes opinions sans remettre en question mon identité ? Sortir de la polarisation implique un travail d’introspection, de curiosité et d’humilité intellectuelle. Cette empathie ne signifie pas de renoncer à l’action militante, mais plutôt de reconnaître qu’il y a un temps pour militer et un temps pour réfléchir. La polarisation est, après tout, un puissant outil pour passer des messages percutants.