La parole aux militantes

Jusqu’à maintenant, quatorze syndicats participant à la négociation coordonnée de l’hôtellerie ont obtenu une entente de principe avec leur employeur. Six militantes qui ont pris part à cette neuvième ronde de négociations nous parlent de l’expérience qu’elles viennent tout juste de vivre.


Une quinzaine de syndiqué-es inébranlables

Préposée aux chambres depuis 30 ans au Lord Berri, Laura Carrillo Calmet est présidente du STT de l’Hôtel Lord Berri–CSN depuis deux ans et s’implique dans son syndicat depuis environ sept ans.

Photo : Michel Giroux

« En plus d’avoir obtenu les éléments de la plateforme de la négociation coordonnée, nous allons également recevoir une rétroactivité de 1 %, ce qui a porté nos augmentations à 4 %, 3 %, 3 % et 4 % pour les quatre années de notre contrat de travail.

Nous avons aussi récupéré les jours fériés que nous avions perdus à cause d’une manœuvre volontaire de l’employeur. Notre ancienne convention prévoyait qu’il nous fallait travailler la veille et le lendemain de ces congés afin de toucher l’indemnité des fériés, clause qui a été retirée. Plusieurs autres demandes de reculs de l’employeur ont également été retirées grâce à notre mobilisation et à celle des autres hôtels. Nous avons porté les étoiles — symbole de la négociation coordonnée —, le foulard et le t-shirt, puis nous avons participé à la première grève du secteur le 9 septembre. Par la suite, face à notre mobilisation et juste avant l’adoption des cinq jours de grève, l’employeur a décidé de contacter son patron à Toronto pour obtenir le mandat de finaliser ce qu’il restait à régler.

La force de notre secteur nous a donné l’énergie et la détermination de mener notre négociation jusqu’au bout. »


Des moments solidaires forts

Julie Touchette est réceptionniste au Hilton Laval depuis près de 20 ans.

Photo : Michel Giroux
« Ça fait environ 12 ans que je m’implique dans mon syndicat. Au départ, j’étais délé­guée, puis j’ai occupé le poste de tréso­rière et celui de secrétaire, avant de revenir à la trésorerie.

Je suis une passionnée et j’ai toujours voulu aider les gens, défendre leurs droits, particulièrement dans leur milieu de travail. Plusieurs préposées aux chambres viennent tout juste d’arriver au pays et ce n’est pas toujours évident pour elles de revendiquer leur dû, de se faire respecter dans leur travail. Bien connaître les lois et nos droits, c’est l’essence même du travail que nous faisons avec elles. Ce travail nous a permis de bâtir une relation de confiance qui incite nos membres à venir nous voir dès qu’elles ou ils ont des questions ou des doutes.
Au début de la ronde de négociations qui a débuté en 2016, les échanges étaient plutôt tranquilles et lents, mais tout juste après le débrayage massif du 9 septembre, les événements se sont précipités jusqu’à l’obtention de notre entente de principe, le 14 septembre dernier. Les relations étaient bonnes, mais il nous a tout de même fallu exercer des moyens de pression pour que les pourparlers débloquent.

Le point le plus positif de cette négociation pour moi, c’est vraiment la solidarité. Nous avons vécu des moments forts avec nos collègues du Holiday Inn Laval qui travaillent tout juste de l’autre côté de l’autoroute 15. Notre mobilisation était au rendez-vous, nous avons pleinement atteint nos objectifs et tout le monde est vraiment content. »


Une militante convaincue

Louise Jobin est préposée aux chambres depuis 1985 et présidente du STT de Hilton Québec (CSN) depuis 2014.

Photo : Michel Giroux
« Dès ma première implication syndicale, je me suis fait élire sur le comité de négociation. À la première rencontre de négociation, j’ai vu le vrai visage de l’employeur et j’ai compris pourquoi il fallait que je m’implique. En 2005, j’ai été élue secrétaire de mon syndicat et j’ai remplacé la vice-présidence par intérim, juste avant de devenir présidente.

Même si j’en étais à ma quatrième négociation coordonnée, ce fut la première à titre de présidente. Elle m’a permis de saisir toutes les subtilités de ce type de négociation. C’est ingrat comme travail parce que si tu atteins tes objectifs, le monde est heureux, mais si tu échoues, c’est toi qui te retrouves sur la sellette.

Les liens durables qu’on a créés avec les autres syndiqué-es sont là pour rester. Plusieurs collègues s’inquiétaient pour les hôtels en conflit comme l’Hôtel Pur, qui a réglé depuis, et l’Hôtel Classique. Nos membres s’informaient régulièrement de leur situation. Et je peux vous dire que les employeurs veulent se débarrasser de la négociation coordonnée parce que justement, grâce à cette solidarité exemplaire, on obtient d’excellents résultats à la table de négociation.

Puisque la mobilisation au Hilton Québec a été exceptionnelle et qu’elle a donné la force qu’il fallait au comité de négociation, l’employeur a vite compris qu’il lui fallait régler. La négociation s’est très bien déroulée, nous avons été très bien conseillés pour la mener à terme et tous les membres du syndicat sont satisfaits. »


L’expérience d’une première négociation

Josée Latulippe est présidente du STT Ritz Carlton (CSN). Préposée aux chambres depuis 2002, elle travaillait auparavant à titre de pâtissière, depuis 1990.

Photo : Michel Giroux

« Je me suis impliquée environ deux ans en 2004-2005 et je suis revenue à la réouverture de l’hôtel, il y a quatre ans. Au tout début de la négociation, les rapports étaient cordiaux à la table, mais nous n’avancions pas très rapidement. Les échanges ont commencé à porter leurs fruits lorsque nous avons enclenché les moyens de pression.

Nous avons réussi à nous entendre in extremis avec l’employeur dans la nuit du 8 au 9 septembre alors que nous étions en conciliation, juste avant la tenue du débrayage massif de 24 heures adopté par les syndicats de la région montréalaise.

Malgré des relations de travail cordiales avec notre employeur, il avait déposé une série de demandes de reculs, finalement tombés par la suite. Nous avons obtenu les quatre éléments de la plateforme de négociation et tous les membres sont contents.

uisque je venais tout juste d’être élue, c’était ma première expérience de négociation à titre de présidente et je dois avouer que j’ai trouvé ça difficile, mais motivant et instructif. Quand tu es au centre de la négociation, tu as l’impression que ta tête est sur le billot. Les membres comptent sur toi pour atteindre les objectifs et disons que ça met de la pression sur le travail de négociation qui est déjà assez exigeant. Mais avec le recul, en observant les résultats que nous avons obtenus et la satisfaction des membres, je vois que tout s’est quand même bien déroulé. »


Le travail de l’ombre vers la lumière

D’origine portugaise, Aida Gonçalves est une militante de grande expérience.

Photo : Michel Giroux
« J’ai commencé à travailler au Marriott Château Champlain en avril 1989. Je m’implique dans mon syndicat depuis environ 25 ans et j’ai vécu presque toutes les négociations coordonnées. Je suis secrétaire depuis le tout début parce que j’aime travailler dans l’ombre.

À l’époque, on n’avait pas de congés fixes et nos horaires obligatoires changeaient tout le temps. Un jour, j’avais pris rendez-vous chez le médecin deux mois d’avance et la boss m’a dit que je n’avais pas le droit de prendre ce rendez-vous sans savoir si je travaillais ce jour-là. J’ai chialé contre ça. On était presque des esclaves à cette époque.

J’ai donc tout appris sur le terrain parce que dans le temps, nous étions avec les TCA [aujourd’hui Unifor], et ils ne sont pas très forts sur la formation. En 2003, on a décidé de joindre la CSN parce qu’on avait entendu parler de la négociation coordonnée.

Cette année, l’employeur a mis beaucoup de pression sur les membres du personnel de la réception pour qu’ils enlèvent leur foulard aux couleurs de la négociation coordonnée, mais tout le monde a résisté. L’hôtel était plein, on attendait des banquets de 500 personnes et la menace de la grève de 24 heures du 9 septembre a été l’élément qui a poussé l’employeur à régler au matin du 7 septembre.

En plus de la plateforme, nous avons réglé des problèmes qui duraient depuis plusieurs années. À titre d’exemple, le nombre de chambres qu’on doit faire chaque jour sur les étages où l’on ne retrouve que des lits à deux places a été réduit. On a aussi inclus dans la convention collective des rencontres du comité de relations de travail en présence du conciliateur pour discuter de la surcharge de travail dans les départements où il y avait de graves problèmes. Ce sont des gains locaux que nos membres sont très heureux d’avoir obtenus. »


On savait pourquoi on voulait se syndiquer

Sophie Lareau travaille à l’Hôtel Quality de Sherbrooke depuis près de 20 ans. Elle est présidente du STT de l’Hôtel Quality–CSN depuis qu’elle y travaille.

Photo : Michel Giroux
« Lorsque je suis arrivée ici, on gagnait 7 $ l’heure et on voulait être mieux payées. On savait pourquoi on voulait se syndiquer et, depuis ce temps, on a vraiment amélioré nos conditions de travail et la négociation coordonnée nous a beaucoup aidées. Même si notre réalité est différente des grands hôtels, regroupé avec les autres établissements, on bénéficie d’un excellent rapport de force.

La négociation s’est vraiment bien passée et, malgré le fait que la plateforme ne s’applique pas à tout le monde, on est allé chercher ce qu’on voulait. On est un petit hôtel et l’employeur nous connaît bien : quand on dit qu’on va agir, la mobilisation est là et on finit par obtenir ce qu’on veut. »


Au moment d’écrire ces lignes, une entente était intervenue à l’Hôtel Pur et à l’Hôtel Classique de Québec, mettant ainsi fin aux deux conflits de travail, et l’Hôtel des Gouverneurs de Montréal avait mis ses employé-es en lock-out, le 14 décembre 2016.

C’est le temps de s’inscrire

La formation continue n’est certainement pas valorisée au Québec, d’autant que le gouvernement Couillard a modifié la loi sur la formation, soustrayant ainsi des milliers d’entreprises à cette obligation d’investir l’équivalent de 1 % de leur masse salariale à la formation de leur personnel. À ce chapitre, le retard du Québec sur le reste du Canada est indiscutable, malgré les besoins en croissance liés aux changements technologiques. Pourtant, elle permet aux travailleuses et aux travailleurs de s’adapter aux bouleversements du marché de l’emploi et de maintenir leur capacité de mobilité et leur autonomie.

C’est pourquoi la CSN a lancé en 2003 les bourses Fernand-Jolicœur, soulignant ainsi les efforts des syndicats qui ont entrepris une démarche novatrice de formation en milieu de travail de même que ceux des militantes et des militants qui ont développé un projet individuel ou collectif de formation. Du même coup, la CSN rend hommage à l’un des artisans du service confédéral de formation, le camarade Fernand Jolicœur, qui a œuvré au service du mouvement de 1943 à 1966.

Avec ces bourses, la CSN veut aussi sensibiliser les membres à l’importance de la formation continue et encourager le développement de la formation continue en milieu de travail.

La CSN invite les membres et les syndicats à s’inscrire à csn.qc.ca/bourses, d’ici le 28 février 2017. Les noms des lauréates et des lauréats seront dévoilés au cours de la réunion du conseil confédéral qui se tiendra en mars 2017. Les bourses s’élèvent à 1000 $ pour les syndicats et à 500 $ pour les militantes et les militants.

Prix Pierre-Vadeboncœur 2016

C’est le professeur Normand Baillargeon qui a été désigné lauréat du prix Pierre-Vadeboncœur 2016 pour son essai La dure école, publié chez Leméac. Ce prix, remis une première fois en 2011, a été créé par la CSN pour honorer la mémoire du syndicaliste et essayiste décédé en 2010, il est doté d’une bourse de 5000 $.

Une nécessité environnementale

Au mois d’octobre dernier, la presse laissait filtrer des données venant de Recyc-Québec, qui dévoilaient les intentions de Québec sur la consigne publique. Selon l’information divulguée, l’organisme aurait l’intention de demander une consigne de 0,05 $ pour tous les contenants de moins de 900 ml, peu importe le contenu, à l’exception de la bouteille de vin.

Recyc-Québec estime que cette mesure mettrait fin aux disparités qui existent actuellement sur la consigne de contenants similaires. La solution envisagée a été vivement critiquée par l’industrie, qui anticipe les problèmes reliés à l’entreposage de ce milliard de contenants. Des études démontrent que le taux de récupération des canettes d’aluminium consignées à 0,05 $ est de 71 %, comparativement à 98 % pour la bouteille de bière qui, elle, est consignée à 0,10 $. Le taux de récupération chute radicalement pour les contenants non consignés comme les bouteilles d’eau.
Pierre Patry, trésorier de la CSN et responsable des dossiers d’environnement et de développement durable, accueille favorablement cette mesure. « Ça fait des années que les pouvoirs publics sont interpellés sur les risques importants pour l’environnement des contenants qui ne sont pas recyclés, tout particulièrement la bouteille d’eau. L’imposition d’une consigne permettrait de récupérer une quantité importante de ces contenants et cela ne pourrait qu’être bénéfique à long terme », explique-t-il.

Coup de pouce à la bouteille brune

Le passage de la consigne publique de 0,05 $ à 0,10 $ pour la canette de bière viendrait normaliser une situation qui désavantage la bouteille brune. La vente de bière étant soumise à un prix plancher, la canette est vendue moins cher que la bouteille pour la même quantité. Selon David Bergeron-Cyr, vice-président de la Fédération du commerce (FC–CSN), « la production de la bière en bouteille permettrait l’embauche de quatre à cinq fois plus de salarié-es tout en comportant d’importants avantages environnementaux. Pourtant, les brasseurs ont décidé de délaisser la bouteille brune en usant de stratégies de marketing agressives pour favoriser la canette. En uniformisant les consignes, le gouvernement viendrait rétablir légèrement la situation ».

Pourquoi pas la bouteille de vin ?

Le talon d’Achille de ces nouvelles mesures, c’est sans aucun doute l’exemption accordée à la SAQ pour la bouteille de vin. Alors que le gouvernement s’apprête à obliger les détaillants et les épiceries à entreposer plus d’un milliard de contenants, la société d’État échapperait à cette obligation. Difficilement défendable d’un point de vue environnemental, cette décision déçoit également le Syndicat des employé(e)s de magasins et de bureaux de la SAQ–CSN : « Nous sommes prêts depuis longtemps à travailler paritairement avec la SAQ pour trouver des façons de faire qui permettraient d’étendre la consigne à la bouteille de vin et ainsi réduire la quantité de verre perdue », soutient Alexandre Joly, président du syndicat.

Une mesure efficace, mais insuffisante

À elle seule, la consigne est insuffisante. En ce moment, des tonnes de matières recyclées prennent la direction des sites d’enfouissement, soit parce qu’elles sont contaminées par du verre, soit parce qu’elles ne trouvent pas preneur sur le marché international. « Non seulement il faut que la SAQ soit également soumise à la consigne pour sortir le verre des centres de tri, mais il faudrait aussi que cette matière puisse être transformée, ici, au Québec », affirme Nathalie Arguin, secrétaire générale de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN). Même son de cloche du côté de la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM–CSN). Le président de la fédération, Alain Lampron, conclut en affirmant que « l’expertise pour traiter les matières plastiques, le métal ou le verre existe et il suffirait de soutenir le développement de ce secteur pour voir s’ériger une industrie viable »

S’engager sur tous les front

Imaginez, au Québec, un prochain gouvernement empruntant une voie à l’opposé de l’austérité… Un gouvernement qui aurait la réelle ambition de redéfinir les bases sur lesquelles le Québec pourrait enfin se déployer pour le bien commun. Permettez-vous de rêver…

Prenez ensuite les concepts suivants : déficit zéro, extractivisme, baisses d’impôts, compression des dépenses, privatisations. Puis, remplacez-les par ceux-ci : valorisation des activités socialement utiles, démocratisation de l’économie et des lieux de travail, solidarité sociale, réappropriation du territoire, transition écologique. Et voici la table mise pour aborder cinq grands enjeux sociaux définis par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) comme Cinq chantiers pour changer le Québec. « Si d’un côté les gouvernements néolibéraux organisent le saccage de notre société, de notre côté, nous voulons travailler, par le biais de propositions audacieuses, à ouvrir des chemins plus constructifs que ceux tracés par nos élites ». Cinq mots déclinés en cinq chapitres : temps, démocratie, bien-être, territoire et transition. À la fois pédagogique et inspirant, cet « exercice de politique-fiction » est une invitation à débattre collectivement à partir de solutions concrètes ; le résultat offre des propositions qui étonnent par leur audace et leur simplicité apparente à se concrétiser en actions.

Les astres s’alignant, l’exer­cice de l’IRIS fait écho à la vaste consultation amorcée par la CSN, à l’automne, en vue de son 65e Congrès qui se tiendra en juin prochain. Convié à cet exercice démocratique, chaque syndicat, artisan de sa propre consultation auprès de ses membres, a été appelé à se prononcer sur les revendications à prioriser au sein de notre mouvement, pour les prochaines années. Ainsi, sur le front social ou syndical, un seul combat ne suffit pas lorsqu’il est urgent de s’opposer à la vision réductrice et dévastatrice de l’austérité. Aucun forum n’est à exclure lorsqu’il est question de revendiquer pour une société plus juste et plus égalitaire.

L’ouvrage de l’IRIS est porteur du « désir d’inspirer, au bout du compte, un certain goût pour l’audace et l’ambition collective » et de s’investir sur tous les fronts pour un changement constructif. La question est posée : embarquez-vous ?

Le parc Madeleine-Parent voit le jour

Un nouveau parc en l’honneur de Madeleine Parent a été officiellement inauguré le 17 septembre à Pointe-Saint-Charles dans l’arrondissement du Sud-Ouest de Montréal, tout près du Marché Atwater. Un bel hommage à cette grande syndicaliste et féministe qui a largement contribué à l’avancement de la société québécoise.

Une attaque directe contre la libre négociation

Depuis le début de l’été, les syndicats des secteurs municipal et transport de la FEESP–CSN tiennent des actions aux quatre coins du Québec contre le projet de loi 110 (PL110), qui confère au gouvernement le droit de décréter les conditions de travail dans ces secteurs. Diverses actions se tiennent et aucun effort n’est ménagé dans cette lutte pour forcer le gouvernement Couillard à respecter le droit fondamental à la libre négociation.

« Ce n’est pas vrai qu’on va se laisser bulldozer par le gouvernement », a martelé Yvon Godin, vice-président de la FEESP–CSN, lors d’une journée d’action tenue le 20 septembre devant différents hôtels de ville du Québec. La campagne porte ses fruits, une résolution votée par le conseil municipal de Sorel-Tracy en octobre rejetait l’application éventuelle du PL110. Plusieurs autres villes ont aussi exprimé leur opposition au projet de loi, dont Chambly qui a promis d’emboîter le pas s’il n’est pas amendé ou retiré (ci-dessus, des travailleurs et des militants devant la mairie de Chambly).

« Nos membres sont fiers de leur travail, a déclaré Francine Lévesque, vice-présidente de la CSN. Ces militantes et militants défendent le droit de tout le monde à être syndiqué, à agir pour l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie et le droit fondamental de négocier. »

En signant un pacte de non-maraudage en septembre, le SCFP et la FEESP–CSN, qui représentent presque tous les employé-es touchés, luttent désormais ensemble contre ce projet de loi. Au moment de mettre sous presse, le PL110 était en voie d’adoption.

Franchir le fossé empathique

A priori, il peut paraître éton­nant qu’une scientifique prône « une science du travail à l’écoute des gens ». Mais pour qui a entendu parler de Karen Messing, d’abord généticienne puis ergonome, qui a consacré sa vie à la santé des travailleuses et des travailleurs, rien de plus naturel. Figure bien connue du milieu syndical, Mme Messing s’est particulièrement fait connaître pour ses travaux concernant la santé des femmes au travail.

C’est au début des années 90 qu’un lien étroit se tisse entre le milieu syndical et cette chercheuse, lorsque la CSN et d’autres centrales sont invitées à collaborer avec CINBIOSE (UQAM), le Centre de recherche interdisciplinaire sur la biologie, la santé, la société et l’environnement, fondé par Karen Messing et Donna Mergler. C’est le début d’une collaboration privilégiée de laquelle émergeront de nombreuses recherches touchant la santé au travail. Aujourd’hui, c’est par un essai très personnel intitulé Les souffrances invisibles. Pour une science du travail à l’écoute des gens que l’auteure démontre comment « certains environnements de travail rendent les gens malades, en particulier les femmes » ; tantôt des caissières (supermarchés, banques), tantôt des préposées aux chambres, dans l’hôtellerie. C’est parmi celles et ceux qui évoluent au bas de l’échelle sociale qu’elle a « constaté combien les employeurs et la population sont ignorants de ces questions ». Finalement, elle tente « de montrer en quoi l’écart en matière d’expérience et d’intérêts qui sépare les salarié-es à faible revenu des classes plus privilégiées affecte leur santé et le discours scientifique qui s’y rattache » (p. 13). Ainsi, les chercheurs et les scientifiques, malgré toute la rigueur de leur démarche, n’en sont pas moins influencés.

À travers ces constats se pose le questionnement central du livre : d’où vient ce déficit d’empathie envers les classes laborieuses ? Comment franchir ce que l’auteure appelle le fossé empathique ? L’intérêt de cet essai tient à sa capacité de sensibiliser les individus aux conditions de travail néfastes quasi invisibles, mais bien réelles. Que l’on soit ouvrier, professionnel, employeur, universitaire, le regard empathique s’avère profitable lorsqu’il est question d’améliorer les conditions de travail agissant sur la santé des travailleurs.


Pour commander : librairie@csn.qc.ca

Un mouvement pour hausser le salaire minimum

Le 7 octobre dernier, des activités se sont tenues partout sur la planète pour souligner la Journée mondiale sur le travail décent. À l’initiative de la Confédération syndicale internationale (CSI), à laquelle est affiliée la CSN, les organisations syndicales de toutes les contrées se sont portées à la défense du travail décent de multiples manières sur le thème « Halte à la cupidité des entreprises ».

Au Québec, cette journée a donné naissance à une large coalition syndicale et populaire mise sur pied pour obtenir notamment la hausse du salaire minimum à 15 $ l’heure. Au cours d’une conférence de presse, le Front de défense des non-syndiquéEs (FDNS), le Collectif pour un Québec sans pauvreté, la CSD, la CSQ et la CSN ont lancé la campagne 5-10-15 qui rappelle les objectifs à atteindre le plus rapidement possible :

  • le droit d’obtenir son horaire de travail 5 jours à l’avance ;
  • le droit de disposer de 10 jours de congés payés par année pour maladie ou responsabilités familiales ;
  • le droit de gagner un salaire minimum de 15 $ l’heure.

« Les normes minimales du travail ne sont pas à l’avantage des travailleuses et des travailleurs non syndiqués, a mentionné Jean Lacharité, vice-président de la CSN. La coalition 5-10-15 a ciblé trois revendications qui seront portées par un large éventail d’organisations dans toutes les régions du Québec. »

Minimum 15 $

Lors de la conférence de presse du 7 octobre, les porte-parole de la coalition ont lancé différents outils qui seront utilisés au cours de cette campagne. La documentation est disponible sur le site cinqdixquinze.org qui fera aussi connaître ses actions sur sa page Facebook. La question du salaire minimum à 15 $ l’heure est évidemment au cœur de cette campagne.

La représentante du FDNS, Mélanie Gauvin, a bien expliqué le sens de cette bataille qui s’est engagée pour améliorer la condition de centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs : « La campagne 5-10-15 met de l’avant des propositions concrètes pour contrer des inégalités économiques. Au Québec, c’est près d’un million de travailleuses et travailleurs qui gagnent moins de 15 $ l’heure. Même en travaillant à temps plein, leurs conditions ne leur permettent pas de sortir de la pauvreté », a-t-elle fait valoir.

Pour Jean Lacharité, il est évident que cette revendication s’inscrit dans un projet de société qui heurte de plein fouet les politiques du gouvernement Couillard. « Depuis son élection, ce gouvernement n’a cessé de brandir l’épouvantail de la dette pour justifier son austérité budgétaire, a-t-il mentionné. Ce faisant, il a affaibli le rôle de l’État, freiné la création d’emplois de qualité et mis en place les conditions qui accentuent la pauvreté. Cette lutte pour un revenu et des conditions décentes de travail est le prolongement de l’opposition populaire à ses politiques austères. Les forces progressistes convergent pour que les choses changent. L’obtention du salaire minimum à 15 $ l’heure le plus rapidement possible est une mesure concrète pour partager la richesse. La CSN est fière de mener ce combat pour la dignité au sein de la coalition 5-10-15. »

Des pinottes…

Dès la fin de la conférence de presse, les porte-parole ont lancé la mobilisation par une marche symbolique qui s’est déplacée notamment devant les bureaux du Conseil du patronat et de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, deux organisations qui exercent de multiples pressions pour empêcher la hausse du salaire minimum à un niveau acceptable. Des sacs d’arachides ont été déposés aux deux endroits, rappelant le thème de cette campagne : « Il nous faut plus que ça ».

Un 50e anniversaire pour relire l’histoire

En juin dernier, le Syndicat national des produits chimiques de Valleyfield–CSN célébrait en grande pompe son cinquantième anniversaire d’existence. Cinq décennies, c’est déjà un élément remarquable en soi, mais dans ce cas-ci, l’histoire de l’usine est tout aussi particulière que la nature unique du travail qui y est effectué. L’usine de Valleyfield est, en fait, la dernière fabrique de munitions au pays.

Une usine pas comme les autres

La General Dynamics, antérieurement CIL, CPCV, Price Waterhouse, Expro et Expro Tec, s’est spécialisée pendant de nombreuses années dans la production d’explosifs destinés au marché militaire. Si aujourd’hui ce secteur économique est en déclin, forçant la compagnie à transférer une partie de ses activités vers le secteur récréatif, il en était tout autrement jusqu’à tout récemment. L’histoire de l’entreprise a été marquée par le cours de l’histoire internationale, comme en témoigne notamment un scandale causé par une vente illégale d’armes à l’Afrique du Sud, qui a conduit l’usine jusqu’à la faillite.

L’action syndicale se démarque

Grèves, lock-out, mises à pied, signatures de conventions collectives, parfois sans conflit, la vie du SNPCV–CSN ressemble en bien des points à celle de plusieurs autres syndicats. Toutefois, pour Alain Lefebvre, président du syndicat, son histoire se démarque en raison de trois grands axes autour desquels s’est déployée son action : les interventions politiques, le maintien de l’emploi et la santé-sécurité du travail.

Manifestation pendant le lock-out de 1988 qui a duré 17 semaines, où l’on aperçoit Marc Laviolette, président de la CSN de 1999 à 2001.
Manifestation pendant le lock-out de 1988 qui a duré 17 semaines, où l’on aperçoit Marc Laviolette, président de la CSN de 1999 à 2001.

D’abord, la nature des opérations de l’entreprise rend ses activités dépendantes des divers contextes politiques. C’est ainsi que le SNPCV–CSN a dû interpeller régulièrement les gouvernements allant même jusqu’à intervenir dans les médias, à occuper des bureaux ou à organiser des manifestations pour obtenir gain de cause.

La lutte pour le maintien de l’emploi a également caractérisé l’action syndicale du SNPCV–CSN. Faisant face à des ralentissements de production, et même à des faillites, le syndicat a multiplié ses interventions allant jusqu’à fonder une coopérative en 1993 grâce à laquelle les salarié-es ont pu se donner un certain contrôle sur l’entreprise et, ainsi, protéger un tant soit peu leurs emplois.

La bataille de la santé-sécurité

C’est sur le plan de la santé-sécurité du travail que l’histoire du SNPCV–CSN prend tout son sens. Malheureusement, au fil de ces cinquante années, de nombreuses tragédies ont marqué les activités de l’usine : trois incendies, sept explosions et déflagrations, dont certaines mortelles, une intoxication mortelle, sans compter les quelque 300 accidents de travail annuels moins « spectaculaires » qui surviennent au quotidien. Très tôt, le syndicat décide de faire de la santé-sécurité un enjeu de lutte qui, aujourd’hui, demeure un important cheval de bataille pour lui.

Grâce à d’importantes luttes, dont une grève de sept mois en 1976, le syndicat a réussi à s’imposer comme un interlocuteur incontournable dans les questions de santé et de sécurité du travail. En 1983, la commission Beaudry, mise en place par le gouvernement du Québec, a repris plus de 80 % des revendications du syndicat. Grâce à ces interventions, parfois paritaires, le syndicat a réussi à établir un climat de travail plus sain et plus sécuritaire, notamment en faisant inscrire dans la convention collective le droit de refus.

Réunion du conseil syndical élargi lors de la négociation de 2015.
Réunion du conseil syndical élargi lors de la négociation de 2015.

Le syndicat s’est avéré, au fil des ans, une pépinière d’idées marquantes pour l’action syndicale de plusieurs autres syndicats. Les travailleurs et les travailleuses qui ont fait l’histoire du SNPCV–CSN et de l’usine peuvent être fiers, car « les compagnies qui dirigent l’usine passent, mais le SNPCV–CSN, lui, demeure », conclut Alain Lefebvre.

Nous sommes l’hôtellerie et nous sommes hot

Le secteur de l’hôtellerie de la Fédération du commerce (FC–CSN) se trouve au cœur d’une autre ronde de négociations coordonnées. Depuis 30 ans, les travailleuses et les travailleurs de ce secteur ont utilisé cette stratégie à neuf reprises et, encore une fois, cette approche permet l’atteinte des objectifs fixés par les syndicats. Pour arriver à ces résultats plus que convaincants, les syndicats et les équipes de travail coordonnent solidement leurs forces et leurs efforts.

Au moment d’écrire ces lignes, douze syndicats avaient conclu autant d’ententes de principe avec leurs employeurs respectifs : dans l’ordre des règlements, il s’agit du Marriott Château Champlain, du Ritz-Carlton, du Hilton Laval, du Quality Suites Pointe-Claire, du Lord Berri, du Delta de Québec, du Hilton de Québec, du Delta de Sherbrooke, du Quality de Sherbrooke et au Holiday Inn Laval Montréal, du

Les dix ententes de principe respectent en tous points les quatre éléments de la plateforme et c’est grâce à la mobilisation, au travail acharné et aux efforts communs que le secteur a réussi à atteindre ses objectifs.

Modèle de règlement très satisfaisant

Grâce à ces dix ententes, le modèle de règlement est plus que confirmé puisqu’il a été reconnu et accepté dans des établissements de différentes tailles. Celui-ci est d’une durée de quatre ans et prévoit des augmentations salariales de 3 % pour les trois premières années et de 4 % la dernière année, pour un total de 13 % sur quatre ans. Il inclut également une bonification des indemnités de vacances et une amélioration notable des indemnités de départ.

Même si plusieurs employeurs ont bien compris qu’ils pouvaient très bien poursuivre leurs activités et demeurer parfaitement rentables en acceptant un juste partage de leurs revenus avec leurs salarié-es, deux syndicats font actuellement face à un conflit. Ces deux conflits touchent l’Hôtel Classique de Québec et l’Hôtel Bonaventure de Montréal, qui ont le même propriétaire.

Grève générale illimitée à l’Hôtel Classique

Le mardi 20 septembre en après-midi, la directrice générale de l’Hôtel Classique a rencontré une dizaine de membres du syndicat pour leur annoncer que leurs tâches étaient désormais confiées à un sous-traitant. Face à ce geste de confrontation, les salarié-es ont décidé de débrayer et de convoquer une assemblée générale extraordinaire dès le lendemain matin. Lors de cette assemblée, ils ont décidé, à l’unanimité, de recourir à l’ultime moyen de pression en déclenchant la grève générale illimitée. Parallèlement à ce débrayage, la FC–CSN et la CSN ont déposé une requête d’ordonnance provisoire au Tribunal administratif du travail (TAT) visant à contrer cette manœuvre antisyndicale.

Sous-traitant de stratagème

Lors de l’audition du 23 septembre, la preuve déposée par l’employeur révélait que le sous-traitant, D. Prestige Hôtelier inc., avait été fondé une journée avant la manœuvre de la direction de l’Hôtel Classique.

Dans sa décision sévère à l’égard de l’employeur, rendue le jour même de l’audition, le juge Raymond Gagnon du TAT de Québec ordonnait à l’Hôtel Classique et à ses dirigeants de cesser « d’utiliser, dans les établissements où la grève a été déclarée, les services de personnes non autorisées à remplir les fonctions des salarié-es faisant partie de l’unité de négociation en grève. » En d’autres mots, de cesser de recourir à des briseurs de grève. Cette ordonnance provisoire touchait principalement des cadres embauchés après le début de la négociation, mais visait surtout la raison sociale D. Prestige Hôtelier inc., que le tribunal a reconnue à titre d’entité spécifiquement fondée pour contourner illégalement la loi interdisant les briseurs de grève.

Le message envoyé à l’employeur par le TAT est clair : les membres du syndicat revendiquent le respect du travail qu’elles et ils accomplissent chaque jour et le respect des lois et des règles en vigueur. Il faut dire que le propriétaire de l’Hôtel Classique, également propriétaire de l’Hôtel Bonaventure, est bien connu du milieu syndical pour ses pratiques douteuses et son antisyndicalisme. La CSN a été forcée de recourir aux tribunaux plus d’une fois afin de le rappeler à l’ordre. C’est donc avec une grande satisfaction que le secteur de l’hôtellerie a reçu la décision du TAT lui ordonnant de respecter les lois et les règles en vigueur en matière de relations de travail.

Lock-out au Bonaventure

Après une grève de 36 heures qui a débuté le samedi 24 septembre à 9 h, le dimanche, en début de soirée, le propriétaire décidait d’imposer un lock-out aux travailleuses et aux travailleurs de l’Hôtel Bonaventure. Le lendemain, les membres du syndicat votaient en faveur de la grève générale illimitée à 97 % afin de bien signifier à leur employeur qu’ils ne reviendront au travail que lorsque leurs demandes seront satisfaites. Au même moment, le ministère du Travail rendait public un rapport d’enquête qui révélait que l’employeur avait eu recours à 14 briseurs de grève durant un arrêt de travail, le 16 septembre dernier.

La malveillance de cet employeur semble sans bornes. Au moment d’écrire ces lignes, celui-ci pourrait bien faire face à des accusations d’outrage au tribunal puisque, malgré l’ordonnance provisoire lui interdisant de recourir à des briseurs de grève, les membres d’un des deux syndicats en conflit ont constaté et documenté la présence d’individus ciblés par le jugement, ce qui constitue une nouvelle infraction au Code du travail.

Requête insultante

Dans le cas de l’Hôtel Classique, les procédures sont loin d’être terminées. Le mardi 27 septembre, alors que le TAT devait entendre l’audition sur le fond de la question des briseurs de grève dans cet hôtel, le juge a plutôt reconduit l’ordonnance provisoire contre l’employeur jusqu’au 27 octobre, date de la prochaine audition portant sur l’ordonnance permanente. Au lieu de trancher le sort de l’ordonnance permanente réclamée contre le Classique, le juge a dû prendre connaissance d’une nouvelle requête déposée par l’employeur la veille de l’audition, à 21 h 30.

Insultante pour le syndicat, cette demande permettrait à l’employeur de céder les droits de gérance de plus d’une trentaine de salarié-es syndiqués à l’entreprise fondée le 19 septembre dernier, entité identifiée à titre de subterfuge afin de contourner les dispositions anti-briseurs de grève. Puisque le juge n’avait pas pris connaissance de cette nouvelle requête, il a tout simplement reconduit pour un autre mois l’ordonnance provisoire prononcée le 23 septembre.

La lutte se poursuit

Michel Valiquette, trésorier de la Fédération du commerce (FC–CSN) et responsable politique du secteur du tourisme de la fédération, est catégorique : « Que le propriétaire du Classique et du Bonaventure se le tienne pour dit, les manœuvres antisyndicales et irrespectueuses qu’il déploie seront combattues et dénoncées sur la place publique jusqu’à ce que les travailleuses et les travailleurs qui l’enrichissent chaque jour obtiennent leur juste part de cette richesse. Que ce soit à Québec, en Estrie ou à Montréal, la Fédération du commerce et la CSN feront tout en leur pouvoir pour que les 25 hôtels qui participent à cette neuvième ronde de négociations coordonnées atteignent leurs objectifs à l’image des dix syndicats qui l’ont déjà fait. »


Chronologie des dix premières ententes conclues
  • Marriott Château Champlain, 7 septembre
  • Ritz-Carlton, 9 septembre
  • Hilton Laval, 14 septembre
  • Quality Suites Pointe-Claire, 16 septembre
  • Lord Berri, 20 septembre
  • Delta de Québec, 21 septembre
  • Hilton de Québec, 23 septembre
  • Delta de Sherbrooke, 23 septembre
  • Quality de Sherbrooke, 26 septembre
  • Holiday Inn Laval Montréal, 1er octobre

Deux autres syndicats ont signé des ententes depuis l’impression du Perspectives : l’Hôtel Bonaventure et Comfort Suites Downtown. 

Une grève, une grande victoire

Le 16 septembre dernier, les salarié-es de la scierie de Rivière-aux-Rats en Haute-Mauricie déclenchaient une grève générale illimitée après avoir refusé à 92 % les offres de leur employeur, Produits forestiers Mauricie, dont l’actionnaire principal est Produits forestiers Résolu. Rappelons que les travailleuses et travailleurs avaient consenti, en 2010, à des baisses salariales de plus de 10 %.

Le soutien des compagnies de transport et de la population ainsi que le moral à toute épreuve des grévistes, ont fortement contribué au développement d’un rapport de force exceptionnel. C’est fort de cet appui et de cette solidarité que le syndicat est retourné à la table de négociation le mardi 5 octobre 2016 pour en venir à une entente de principe généreuse, qui a été adoptée le 6 octobre à 92 %.

Alors que Résolu leur offrait 21 % d’augmentation et de rattrapage échelonné sur sept ans, la nouvelle convention, d’une durée de quatre ans, prévoit un rattrapage salarial concentré dans les trois premières années. Au terme de la convention, le rattrapage et les gains salariaux s’élèveront à quelque 20 %. À cela s’ajoute un boni de production dont le minimum a été fixé à 1 $ l’heure. Les salarié-es peuvent compter sur d’autres avancées telles que l’abolition de clauses permettant le favoritisme, l’amélioration des clauses sur le mouvement de main-d’œuvre et de la clause de sous-traitance, la bonification du régime d’assurance collective et de l’indemnité de licenciement et, finalement, l’obtention du plein contrôle de leur régime de retraite.

Échantillons médicaux en péril

Quelle distance sépare Sept-Îles de Chicoutimi ? 551 km, précisément. Plus de six heures de route par temps sec et quand l’hiver décide de collaborer, ce qui n’est pas toujours le cas, vous confirmeront les Nord-Côtiers. Le trajet entre Matagami (au sud de la Baie-James) et Chicoutimi ? 703 km.

Ce sont autant de kilomètres que devront parcourir la grande majorité des échantillons médicaux en provenance de ces régions à la suite du projet de fusion des laboratoires médicaux imposé par le ministre Barrette, projet mieux connu sous le nom d’Optilab. Partout au Québec, sous le couvert de l’optimisation, le gouvernement Couillard projette de centraliser les laboratoires, mandatant des transporteurs privés pour manipuler et livrer plusieurs échantillons prélevés en milieux plus éloignés.

Les exemples de la Côte-Nord et du Nord-du-Québec rendent encore plus manifeste l’aberration proposée par le ministre Barrette qui frappe toutes les régions. Au terme des changements annoncés, un seul laboratoire, soit celui de Chicoutimi, devra analyser une bonne partie des échantillons prélevés non seulement dans la région immédiate, mais aussi à Dolbeau-Roberval-Alma, sur la Côte-Nord et dans le Nord-du-Québec, incluant la Baie-James.

Dégradation et retards
« Il est évident que la qualité des services va se détériorer, et que nous devrons faire face à de nouveaux enjeux de santé publique. La perte ou la dégradation des échantillons pourrait provoquer des retards dans le traitement des analyses, la transmission des résultats, le suivi diagnostique et même dans l’amorce d’un traitement. Des patients pourraient, par exemple, être obligés de se soumettre à une nouvelle biopsie ou à une autre intervention nécessitant une chirur­gie », affirme Nancy Poulin, porte-parole du Syndicat des technicien-nes et profession­nel-les de la santé et des services sociaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean (FSSS–CSN).

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Photo : Stéphane Dufour

Actuellement au Québec, chaque éta­blissement de santé ou presque bénéficie des services d’un laboratoire qui permet au personnel soignant d’obtenir rapidement des analyses sanguines ou autres. Des tech­niciens de laboratoire sont donc stratégique­ment déployés sur l’ensemble du territoire pour assurer des résultats de qualité, dans toutes les régions. Avec la centralisation, surgissent également des préoccupations régionales importantes. « Sur la Côte-Nord, le trou de service engendrera aussi une perte d’expertise. Pis encore, comment assurer l’attractivité des postes qui seront main­tenus dans les laboratoires locaux loin des centres, alors qu’une majorité d’échantillons seront analysés dans les grands centres ? », se questionne Yvon Payeur, président du Syndicat des technicien-nes et professionnel-les de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord–CSN. Sa collègue Suzie Potvin, présidente du STT du Centre régional de la santé et des services sociaux de la Baie-James–CSN, exprime la même inquiétude. « Il est déjà ardu d’assurer les besoins en main-d’oeuvre dans le Nord-du-Québec, le projet Optilab ne va sûrement pas améliorer la situation. » Pour obtenir un portrait plus précis des impacts de la fusion des labo­ratoires médicaux, la CSN a obtenu des représentants patronaux la mise en place d’un comité national paritaire afin d’échanger de l’information et surtout d’aborder différents enjeux posés par Optilab.

Rappelons que la CSN mène actuellement une campagne pour la défense du réseau public de santé et de services sociaux sous le thème, « Ma place en santé, j’y tiens ». Le maintien de laboratoires médicaux dans les communautés comme la Côte-Nord et le Nord-du-Québec fait partie des enjeux de cette campagne.

Une entente de principe finalement adoptée

Les travailleuses et les travailleurs de la compagnie Sucre Lantic sont retournés au travail après avoir adopté le dimanche 5 juin une entente de principe, ce qui leur a permis de conserver leur régime de retraite à prestations déterminées et d’obtenir une augmentation de salaire de 11,3 % étalée sur cinq ans.

« Il était hors de question d’accepter à quelque niveau que ce soit des disparités de traitement entre les nouveaux salarié-es et les plus anciens », a commenté le président du STT de Sucre Lantic (FC–CSN), Marc L’Heureux.

Rappelons que Sucre Lantic voulait créer deux classes de salarié-es en obligeant les nouvelles personnes embauchées à devoir attendre huit ans avant d’atteindre le dernier échelon salarial. L’employeur voulait également imposer le régime de retraite à cotisation déterminée aux nouveaux employé-es, et faciliter l’usage de la sous-traitance.

« Les salarié-es ont tenu leur bout et ont refusé tous les reculs que voulait imposer l’employeur », a conclu David Bergeron-Cyr, vice-président à la Fédération du commerce (FC–CSN).

15 ans de solidarité

Le Syndicat des agents correctionnels du Canada (UCCO-SACC–CSN) a tenu, lors de la première semaine du mois de mai, sa 6e Assemblée nationale générale sous le signe de la solidarité et de l’appui à la négociation. Rappelons que les membres du syndicat sont sans contrat de travail depuis deux ans.

Dans son discours d’ouverture, le président national sortant, Kevin Grabowsky, a lancé un appel à l’implication des délégué-es et à la solidarité des membres : « Notre syndicat célèbre son 15e anniversaire. Nous pouvons donc dire que nous sommes à l’âge de l’adolescence, mais j’ajouterais qu’il est temps d’arrêter de se comporter comme des adolescents. Nous avons besoin de tous les membres en appui à la négociation et nous devons démontrer toute l’unité dont nous sommes capables pour que le Conseil du trésor comprenne que nous sommes forts et solidaires. »

Beaucoup de travail a été accompli au cours de cette semaine. Les délégué-es ont été informés sur l’état actuel de la négociation avec le gouvernement Trudeau et sur les défis à venir. Le comité de négociation a de nouveau été mandaté pour défendre à tout prix le programme de congés de maladie des agents correctionnels, le principal point d’achoppement de l’actuelle négociation. Les négociateurs gouvernementaux refusent d’aborder les autres enjeux de la convention collective tant que le syndicat n’aura pas accepté de faire des concessions à ce chapitre. Le gouvernement voudrait que tous les fonctionnaires fédéraux adhèrent à un seul et même programme de congés de maladie.

Mais voilà, les agentes et les agents correctionnels considèrent leur réalité différente de celle des autres fonctionnaires. « Le gouvernement ne peut pas faire du mur à mur avec son programme de congés maladie, il doit prendre en considération nos conditions de travail particulières, notre travail comportant son lot de dangers. Nous sommes des premiers répondants et nous passons nos journées derrière les murs de nos pénitenciers avec les pires criminels du pays. Nous sommes beaucoup plus exposés aux blessures et au syndrome de stress post-traumatique que bien d’autres travailleurs du secteur public », a lancé le nouveau président national d’UCCO-SACC–CSN, Jason Godin, élu par acclamation au cours de l’assemblée générale.

L’implication syndicale des plus jeunes membres d’UCCO-SACC–CSN n’est pas acquise. Celles et ceux qui n’ont pas vécu les batailles du passé semblent croire que leurs conditions de travail sont tombées du ciel. Certaines déléguées en étaient à leur première expérience dans une assemblée générale. « Ce qu’on peut apprendre à l’assemblée nationale générale, c’est énorme en termes de constitution et de procédures. Pour moi, c’est une expérience qui est extrêmement riche et je compte la ramener dans mon établissement », témoigne Caroline Beaucage, une jeune congressiste venant de l’établissement de Joliette.

Moments d’émotion

Plusieurs membres émérites ont été honorés durant l’assemblée. Leur implication et leur dévouement ont été salués. L’un d’eux, John Bruce, a parlé avec émotion de sa relation avec la CSN : « Je tiens à remercier les employé-es de la CSN, avec qui j’ai entretenu une relation professionnelle exceptionnelle. Ces gens travaillent d’arrache-pied afin que notre syndicat puisse évoluer, que les agentes et les agents correctionnels atteignent leurs objectifs et qu’ils soient reconnus pour le travail qu’ils effectuent. Nous ne serions pas là où nous en sommes sans eux ».

Travailler avec la CSN-Construction

Le secteur de la construction vient tout juste de traverser sa période légale de maraudage. S’étendant du 1er au 31 mai 2016, celle-ci précédait le vote postal prévu entre le 1er et le 20 juin.

Le thème retenu par la fédération, TRAVAILLER avec la CSN-Construction, expose bien la dynamique des travailleuses et des travailleurs de ce secteur. Ce scrutin syndical organisé par la Commission de la construction du Québec touche plus de 175 000 travailleuses et travailleurs qui œuvrent dans les quatre secteurs de la construction. Les résultats devraient être connus au courant du mois d’août.

Durant tout le mois de mai, les élu-es, les délégué-es, les militantes, les militants et tous les salarié-es de la fédération et de la confédération ont parcouru les chantiers afin d’expliquer les différences fondamentales qui existent entre le syndicalisme pratiqué par la CSN–Construction et celui, bien différent, pratiqué par les autres syndicats de la construction.

Que ce soit la structure démocratique, l’ouverture de ses instances, l’approche et les suivis personnalisés, la qualité des services offerts ou tous les combats menés sur le terrain afin de défendre la diversité des réalités de ses membres, la CSN-Construction se distingue clairement des autres organisations syndicales.

Michel Giroux
Michel Giroux

La structure des délégués

La structure des délégué-es régionaux de la CSN-Construction qui a été mise en place depuis plus de deux ans a été reconduite lors du dernier congrès. Des militantes et militants continueront donc à sillonner les chantiers du Québec afin de rencontrer les membres de la fédération et non pas, comme d’autres le font, uniquement en période de maraudage. En collaboration avec les conseillers syndicaux, les délégué-es régionaux sont là pour veiller à l’application des normes de santé et de sécurité et des conventions collectives, et pour conseiller les membres dans différents dossiers qui les préoccupent.

La négociation

Au delà de tout le travail accompli par la fédération en soutien à ses membres, la CSN-Construction participe aux négociations avec les autres centrales. Toutefois, le type de négociation préconisé par la CSN se démarque complètement des autres approches. La fédération élabore d’abord ses demandes dans le cadre d’assemblées qui regroupent entre eux les métiers et les occupations afin de bien cerner leurs revendications.

L’ancienneté et la sécurité d’emploi

La CSN-Construction revendique la reconnaissance de l’ancienneté ou une forme de sécurité d’emploi depuis très longtemps. Que ce soit l’entrée et la sortie d’un chantier, le droit de rappel ou l’avancement des conditions salariales, la reconnaissance de l’ancienneté et la sécurité d’emploi améliorent toujours la condition des salarié-es.

La fédération demande le renforcement des mécanismes liés au droit de rappel des présentes conventions collectives, en lui associant une forme d’ancienneté par métier ou par occupation ou par entrepreneur, c’est-à-dire, l’ancienneté qu’un travailleur ou une travailleuse accumule auprès d’un même entrepreneur, calculée sur une période de 12 mois, une fois la période d’essai du travailleur complétée. Ainsi, lors de mises à pied, les travailleurs ne bénéficiant pas de cette sécurité d’emploi seront les premiers touchés ; ensuite, les autres travailleurs suivront par ordre décroissant d’ancienneté, pour autant que ceux qui demeureront en emploi puissent effectuer les tâches normalement associées au travail disponible.

Le droit de rappel s’effectue, quant à lui, dans l’ordre inverse des mises à pied, tant que le travailleur rappelé est apte à effectuer les tâches normalement associées au travail disponible au moment de son rappel.

La CSN-Construction travaille à ce que cette demande, toujours d’actualité, intègre les conventions sous une forme ou sous une autre, et ce, quoi qu’en disent certaines autres organisations.

Pour une véritable reconnaissance des sages-femmes

Les sages-femmes exercent une profession exceptionnelle. Dotées de compétences multiples et d’un grand sens de l’empathie, elles peuvent être appelées à assister un accouchement ou à répondre à une situation urgente à tout moment. En quelques mots : les sages-femmes concrétisent à elles seules le sens du mot vocation.

« Nous ne savons jamais de quoi la journée sera faite », souligne d’emblée Claudia Faille, qui quitte le poste de la présidence du Regroupement Les sages-femmes du Québec (RSFQ), après sept ans à en assurer les fonctions. Lorsqu’une sage-femme reçoit un appel, elle doit être en mesure d’évaluer très rapidement la situation. Et elle peut être demandée à toute heure pour un accouchement ou un suivi urgent. « Il nous arrive de rentrer très tard après une nuit de travail et de nous faire rappeler deux ou trois heures après. Ça aussi, c’est notre réalité. »

Pour pouvoir pratiquer au Québec, les étudiantes sages-femmes doivent compléter une formation de quatre ans à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Bon an mal an, de 20 à 25 sages-femmes obtiennent leur diplôme, mais le manque d’accessibilité aux services dans plusieurs régions demeure criant. Selon un sondage CROP réalisé en 2010, une femme sur quatre souhaiterait accoucher à domicile ou dans une maison de naissance. « Les sages-femmes sont les seules professionnelles à répondre à leur demande, souligne Claudia Faille. À certains endroits, les femmes ne s’inscrivent même plus sur les listes d’attente, car elles sont convaincues de ne pouvoir obtenir de place. Et on ne parle que des régions où les services sont disponibles ! »

Claudia Faille, présidente sortante du RSFQ | Photo : Cédric Martin
Claudia Faille, présidente sortante du RSFQ | Photo : Cédric Martin

La Politique de périnatalité 2008-2018 du gouvernement du Québec prévoit pourtant que les sages-femmes devraient assister 10 % de tous les accouchements d’ici 2018. « On est passé de huit maisons de naissance en 2008 à treize en 2016, alors que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) en prévoyait vingt et une pour 2018. De plus, le nombre de suivis complets et d’accouchements, qui se situe autour de 3 % par année, est encore bien en deçà de l’objectif fixé », déplore la présidente sortante du RSFQ.

Pour atteindre cette cible, le gouvernement devrait donner un soutien concret au programme universitaire, pour l’attraction et la rétention des sages-femmes, pour la promotion de la pratique et celle de l’accouchement naturel qui diminue les interventions obstétricales non nécessaires. Ces éléments sont cruciaux. « Malheureusement, il faut se battre contre le lobbyisme médical et la méconnaissance de notre pratique chez bien des professionnel-les de la santé », renchérit Claudia Faille.

Les conditions de pratique des sages-femmes laissent quant à elles encore à désirer, même si leur ténacité leur a permis de réaliser certains gains.

Une première négociation difficile

« La première entente conclue en 2004 avec le MSSS, alors sous l’autorité de Philippe Couillard, devait être complètement revue, puisqu’elle avait été négociée sans aucun rapport de force », précise Claudia Faille, qui s’est impliquée au comité de négociation en 2006, un an après avoir reçu son diplôme. Lors de cette première négociation, les salaires sont revus à la baisse. Alors que les sages-femmes gagnaient de 50 000 $ à 55 000 $ entre 1994 et 1999, époque où des projets-pilotes étaient en place avant la légalisation de la profession en 1999, leur salaire au premier échelon chute à 42 000 $ en 2004. Les sages-femmes sont outrées. C’est alors que le RSFQ prend une entente de service en 2009 avec la Fédération des professionnèles (FP–CSN) afin d’accompagner les sages-femmes dans l’amélioration de leurs conditions de travail et le développement de la profession. C’est à ce moment que Claudia devient présidente du RSFQ.

Lorsque Claudia Faille prend la relève de la présidence, elles sont prêtes à livrer la bataille. « On doit à Céline Lemay avant moi d’avoir fixé les fondements de la pratique », tient-elle à préciser. On arrivait à une deuxième étape. Avec le soutien indéfectible de la FP-CSN, la pression s’accentue et les actions de visibilité se multiplient pour sensibiliser l’opinion publique à leur réalité. Des comités de relations de travail, de mobilisation et de négociation sont mis en place. À l’époque, de nombreuses sages-femmes accumulent les heures supplémentaires sans être payées en retour. N’ayant pas encore acquis le réflexe de revendiquer leurs droits, elles n’utilisent pas les mécanismes prévus à l’entente. Une sage-femme est donc désignée pour la faire respecter.

Photo : Maxime Picard
Photo : Maxime Picard

En 2004, la prime qu’elles recevaient pour la garde s’élevait à 3600 $ par année. Autant dire qu’elles étaient rémunérées 1 $ l’heure de garde pour être disponibles 10 jours sur 14, 24 heures sur 24, afin de répondre à toute éventualité. « Il a fallu se battre pour défendre notre modèle de pratique centré sur la continuité, donc sur la garde », évoque Claudia Faille. Cette continuité favorisée par la garde permet aux sages-femmes de répondre directement aux besoins des femmes et des familles ; elle apporte d’excellents résultats, diminue les coûts de suivis et d’accouchement et favorise une plus grande satisfaction de la clientèle. Il en résulte également une augmentation des accouchements naturels, de l’allaitement maternel, de l’autonomie et de l’empowerment pour les femmes et les familles.

Des lacunes à corriger

Des lacunes importantes subsistent pour que les conditions de travail des sages-femmes, notamment celles qui sont reliées à la garde, soient à la hauteur de leur travail et de leur responsabilité.

En 2010, alors que s’amorce la deuxième négociation de leur entente avec le gouvernement, l’ampleur de la tâche est très vaste. Certes, elles réalisent certaines avancées, dont l’obtention de congés sans solde, le financement d’activités de perfectionnement, la prime de consolidation et d’attraction pour la responsable des services de sage-femme, mais des demandes importantes restent toujours lettre morte, tel le modèle de rémunération qu’elles souhaitent plutôt basé sur les suivis complets que sur les heures supplémentaires, à l’image des pratiques autonomes à travers le Canada.

Une des demandes centrales lors de la dernière négociation était la bonification du forfait de garde, qui finalement sera modifié à la hausse pour atteindre 8250 $. « Ceci représente dans les faits un peu plus de 2 $ l’heure de garde. C’est un peu mieux, mais toujours largement insuffisant. »

Photo : Michel Giroux
Photo : Michel Giroux

La politique de remboursement du kilométrage n’est toujours pas adaptée à la réalité des sages-femmes, dont le travail exige de nombreux déplacements, souvent à partir de leur domicile. « Les employé-es et les cadres du gouvernement sont remboursés à partir de leur point de service pour leurs déplacements, ce qui ne s’applique pas à notre travail. Nous devons à tout moment être en mesure de nous déplacer », explique-t-elle. Encore une fois, c’est une fin de non-recevoir de la part du gouvernement. Autre refus encaissé par les sages-femmes : l’intégration à l’entente des primes et des conditions dont bénéficient depuis 2008 celles qui œuvrent dans le Grand Nord. « Elles s’occupent de clientèles qui présentent des caractéristiques particulières et sont en plus responsables de la formation théorique et pratique des sages-femmes autochtones. Leurs conditions doivent officiellement être consignées à l’entente. »

La négociation de 2016 présente donc plusieurs défis. Le gouvernement a la possibilité de régler rapidement cette négociation, s’il se met en mode écoute et gros bon sens. Malheureusement, il semble très peu pressé à négocier. « Je ne serai plus à la présidence du RSFQ, mais j’accompagnerai le comité de négociation jusqu’à la conclusion d’une entente satisfaisante. Ma contribution au cours des sept dernières années me rend fière et satisfaite du travail accompli, même s’il reste beaucoup à faire », conclut Claudia Faille.

Pour des cégeps autonomes

S’il est courant de voir des universités posséder des campus éloignés de l’établissement principal, c’est plutôt rare avec les cégeps. Le cégep Champlain Regional College (CRC) est le seul établissement d’enseignement collégial multirégional au Québec : les campus Saint-Lambert  en Montérégie, St. Lawrence à Québec et Lennox­ville en Estrie offrent des services aux étudiants tandis que le siège administratif se situe à Sherbrooke.

Cinq syndicats d’enseignantes et d’enseignants, de personnel de soutien et de professionnel-les des campus St. Lawrence et Saint-Lambert réclament depuis plusieurs mois une intervention du gouvernement du Québec pour qu’une entière autonomie soit reconnue à chacun des deux campus. De plus, à la suite d’un vote dans leur assemblée respective, il n’y aura plus de représentants au conseil d’administration du CRC jusqu’à ce qu’on corrige les problèmes institutionnels. « Nous estimons qu’il y a un véritable problème structurel au sein du conseil d’administration, qui ne permet pas à notre région d’être bien représentée. Nous avons voté une telle mesure parce que nous refusons d’accorder une quelconque légitimité à cette structure défaillante », explique la présidente du Syndicat des enseignants du Cégep Champlain (Saint-Lambert), Christine Kerr.

Christine Kerr, professeure et Natalie Doyon, employée de soutien, Collège Saint-Lambert | Photo : Raynald Leblanc
Christine Kerr, professeure et Natalie Doyon, employée de soutien, Collège Saint-Lambert | Photo : Raynald Leblanc

Une autonomie complète permettrait d’obtenir tous les leviers décisionnels et financiers pour bien répondre aux besoins de leurs étudiants et de leur communauté. Actuellement, les services directs aux étudiants sont insuffisants, voire parfois absents. Selon une récente étude de la firme MCE Conseils, cette défaillance s’explique de différentes façons. Alors que d’autres cégeps de taille équivalente emploient 623 personnes à temps plein, le CRC compte 521 employé-es. De plus, les ratios personnel de direction/étudiants et personnel de direction/personnel géré y sont beaucoup plus élevés, ce qui affecte la productivité.

Le CRC ne reçoit qu’une seule enveloppe budgétaire comme n’importe quel autre établissement. Cette enveloppe est divisée entre les trois campus et l’administration centrale, ce qui entraîne une sous-embauche chronique d’employé-es de soutien et de professionnel-les, qui nuit à la prestation de services directs aux étudiants. S’ils étaient autonomes, le personnel augmenterait dans chaque campus, notamment par le rapatriement des postes actuels du siège social. Pour le campus St. Lawrence, ces ajouts sont estimés à une quinzaine, dont trois postes d’enseignant et sept postes de personnel de soutien à temps plein.

De plus, l’autonomie modifierait la composition des conseils d’administration en privilégiant une meilleure représentation de la communauté immédiate, ce qui orienterait les décisions dans le meilleur intérêt de chaque campus. « Si on prend l’exemple du représentant du personnel de soutien au conseil d’administration, chaque campus n’est représenté qu’une seule fois aux douze ans pour trois ans, en raison d’une rotation qui se déroule chaque trois ans et qui implique quatre lieux. C’est inacceptable ! D’autant plus que la Loi sur les collèges prévoit une représentation continue du personnel de soutien par voie d’une élection par les pairs. Actuellement, le personnel de soutien du siège social de Sherbrooke fait partie de la rotation au même titre que les autres campus alors qu’il n’accueille aucun étudiant. C’est une véritable anomalie ! », explique Richard Garneau, président du Syndicat des employés de soutien de St. Lawrence.

Selon les estimations de MCE Conseils, accorder l’autonomie aux trois campus étudiants nécessiterait un investissement d’environ 2 millions de dollars, selon les règles budgétaires de 2015 et en se basant sur les allocations fixes. Reste à voir si le gouvernement saura être à l’écoute.

Nouveau contrat de travail pour les agents de sécurité

« Cette entente permet d’éviter un conflit de travail qui aurait pu être long et pénible pour tout le monde », souligne Denis Marcoux, président de la FEESP.

Réparer une injustice

Les membres du Syndicat des agents de sécurité d’ADM (SAS-ADM) ont voté pour la grève en avril parce qu’ils s’étaient vu imposer des diminutions salariales annuelles de plusieurs milliers de dollars.

Il y a plus d’un an, ADM a changé de sous-traitant afin d’assurer la sécurité de l’aéroport à l’extérieur de la zone douanière. Les 140 agentes et agents ont donc été cédés au nouveau sous-traitant (Garda) qui avait diminué les salaires avec l’approbation du syndicat de l’époque. C’est à ce moment que le SAS-ADM a décidé de se joindre à la CSN.

L’entente prévoit des majorations de plus de 5 % pour les salarié-es avec plus de quatre ans d’ancienneté et diverses bonifications dans les échelles salariales et les primes

Chicane, réconciliation, trêve, consensus

Alain Longpré, CSN, 2016, 120 pages
Alain Longpré, CSN, 2016, 120 pages

Depuis quelques années, je contribue à la chronique « À la librairie CSN ». Ça fait partie de ma job, pourrais-je dire : je travaille à la Documentation–CSN. Alors que j’étais plongée dans une lecture, disons cérébrale, j’ai appris que la CSN s’apprêtait à publier les écrits d’un gars de notre organisation. Je vous avoue que je n’ai pas été tentée spontanément : le titre me parlait peu (et si c’était écrit en joual, ai-je pensé). Mais c’était avant d’avoir la plaquette entre les mains… Puis, j’ai été conquise ! Tout sourire, j’ai commencé à lire.

Les mots d’un gars de shop, c’est un recueil de 28 chroniques et quelques nouvelles parues entre 2001 et 2016, dans le journal du Conseil central de Lanaudière–CSN. Le gars, c’est Alain Longpré, de Saint-Gabriel-de-Brandon, élu du conseil central depuis près de 20 ans. La shop, c’est la Bridgestone-Firestone, mais ç’aurait pu être ailleurs : il arrive que la conscience ouvrière ouvre la voie à l’action syndicale. La trentaine de textes, c’est autant de cadeaux qui mettent en relation l’individu dans sa communauté avec les forces agissantes qui le forment, le transforment et donnent sens à sa vie.

Dans chaque histoire se raconte l’humanité : la dignité écorchée, la bonté et la générosité exprimées, l’humilité du geste posé, la colère manifestée, l’injustice dénoncée, la sensibilité à l’Autre, la solidarité. La phrase est simple et courte, syncopée ; l’image, forte, comme celle d’une chanson réaliste. Mais aussi le plaisir des sens, renouvelé : au gré des pages, j’ai entendu Lucette parler à sa pigeonne ; j’ai senti, puis goûté la pluie fine au travers des arbres ; j’ai touché la pierre d’Alphonse sur laquelle des ouvriers ont gravé le mot solidarité ; et au garage Brousseau, j’ai vu, moi aussi, mon premier Attikamek. En filigrane, on voit poindre les enjeux qui tiennent en alerte notre gars, toujours prêt à s’indigner, pour mieux dénoncer. Parce que Les mots d’un gars de shop, ce n’est pas qu’un Longpré tranquille.