Projet de loi sur la sécurité privée
La CSN réclame un contrôle serré des activités
La Confédération des syndicats nationaux (CSN) estime qu’il est grand temps d’encadrer l’industrie de la sécurité privée, qui est en pleine expansion et dont les pratiques, faute de balises et de contrôle, peuvent s’avérer douteuses, voire illégales.
Comparaissant cet après-midi devant la Commission des institutions, chargée d’étudier le projet de loi no 88 sur la sécurité privée, la secrétaire générale de la CSN, Mme Lise Poulin s’est dite convaincue que « les activités de sécurité privée peuvent souvent être l’occasion de porter atteinte à la vie privée, à la dignité et à la tranquillité des citoyennes et des citoyens, et qu’en conséquence un contrôle serré des activités de cette industrie s’impose. »
Constatant que l’actuelle Loi sur les agences d’investigation ou de sécurité, qui date de 1962, est tout à fait désuète, la CSN est d’avis qu’il est temps de mettre en place un nouveau cadre législatif. Celui-ci doit baliser précisément les activités de sécurité privée et les assujettir à des règles éthiques soumises au débat public. Les agents de sécurité privée, opine la centrale, doivent en outre être qualifiés et obligatoirement formés afin de respecter les droits et libertés des citoyennes et des citoyens.
Vice fondamental
Mme Poulin note d’autre part que le projet de loi comporte un vice fondamental : il omet de définir clairement le champ de pratique de la sécurité privée. « Elle ne doit pas se substituer à la sécurité publique ; elle ne doit pas servir de moyen d’impartition des services policiers. Ce qui relève de la protection du public doit demeurer sous contrôle public. Or, le projet de loi est ambigu à cet égard et ne résout pas la confusion des rôles ». La loi, estime-t-elle, doit circonscrire précisément le champ de pratique, les lieux et finalités de la sécurité privée.
De plus, croit la CSN, la loi devrait assujettir les agences de renseignements personnels. « Elle doit aussi viser toute personne travaillant dans un service de sécurité interne, sans égard au fait qu’il s’agisse ou non de son activité principale ; une telle notion offre trop de possibilités d’échappatoire. »
Surreprésentation de l’industrie
La centrale souhaite par ailleurs qu’un mécanisme de plaintes du public, en cas de pratique dérogatoire, soit intégré à la loi. « En matière d’éthique, il nous semble essentiel de prévoir un mécanisme de respect des règles qui soit contraignant et indépendant ». En conséquence, elle réclame la mise en place d’un mécanisme similaire à celui prévu à la Loi sur l’organisation policière, à savoir un comité de déontologie indépendant doté de pouvoirs de sanction. Selon la CSN, la loi devrait aussi garantir un droit d’appel au Tribunal administratif du Québec. « Un tel recours est fondamental si on entend professionnaliser ce domaine. »
Quant au Bureau de la sécurité privée, qui a entre autres pour mission de protéger le public, il souffre d’une surreprésentation de l’industrie, ce qui entache sa crédibilité, note Mme Poulin. Ainsi, sept des onze membres proviendraient du milieu tandis que les quatre autres seraient désignés par le ministre. « On se rapproche ici dangereusement du modèle de l’autorégulation. Au moins le tiers des sièges doit revenir au public et l’industrie ne doit en aucun cas y détenir une représentation majoritaire. »
Puisque les normes de comportement des agents, fixées par le Bureau, se trouvent au cur de l’encadrement légal des pratiques de l’industrie, le code d’éthique doit faire l’objet d’un débat public avant son adoption, recommande la CSN.
Elle s’objecte par ailleurs « à l’instrumentalisation des agences à des fins de délation, sauf peut-être pour certains crimes majeurs. » La CSN estime que le projet de loi, tel qu’il est présenté, ne peut qu’ajouter à la confusion des rôles. « Il fait fi du principe voulant que les citoyens n’ont pas à dénoncer les crimes dont ils ont connaissance. Il investit en quelque sorte les agences d’une mission publique d’enquête criminelle qu’elles ne doivent pas assumer. »
Surveillance et filature : législation urgente
Dans le projet de loi, la centrale déplore finalement l’absence de dispositions portant sur la surveillance et la filature. Elle réitère l’urgence d’adopter des mesures législatives pour assurer le respect des balises fixées par la Cour d’appel en cette matière dans l’arrêt Bridgestone-Firestone, c’est-à-dire qu’il faut avoir des motifs sérieux, précis, graves et concordants de croire à une fraude avant de faire quelque surveillance ou filature que ce soit.
Elle rappelle que dans les milieux de travail, la surveillance par des agences de sécurité s’est particulièrement développée auprès des salarié-es en absence pour accident de travail ou maladie, ce qui mine leur droit à la vie privée. « La CSN a mené et mène toujours un combat acharné contre de telles pratiques ». Puisque ce sont les agences de sécurité et d’investigation qui, généralement, effectuent de telles filatures, la loi encadrant leurs activités doit se pencher sur cette pratique, croit Mme Poulin.
Transport des valeurs : sécurité des agents
Par ailleurs, considérant que les agents en transport de valeurs sont confrontés quotidiennement à une situation dangereuse, la CSN demande au ministre de la Sécurité publique l’établissement d’un plan d’intervention et de protection qui assure la sécurité de tous les agents de transport de valeurs au Québec.
La CSN réclame également une formation continue obligatoire pour tous les agents de sécurité, la mise sur pied d’un service de liaison entre les différents corps policiers et l’industrie du transport des valeurs, puis l’imposition de normes de standardisation de l’industrie.
Source : CSN – 13 septembre 2005