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 Privé ou public ?

« C’est un mythe de penser que le système publicgaspille de l’argent dans une lourde structure administrative »

par Claude Lafleur

Aux États-Unis, les seuls frais d’administration des assurances de santé dépassent la totalité des dépenses dans ce secteur au Canada

Doit-on permettre la coexistence d’un système de santé à « deux vitesses » ? Quelle place devrait-on accorder au privé dans notre système public de santé ? Pour résoudre ce genre de questions, il importe d’abord de distinguer deux aspects fondamentaux : le financement du système de santé et la prestation des soins. C’est du moins ce que recommande Damien Contandriopoulos, qui dirige la Chaire sur la gouverne et la transformation des organismes de santé.

« Le financement du système peut être public ou privé, affirme Damien Contandriopoulos. Le financement public provient bien entendu des revenus de l’État, donc de la taxation et des impôts, alors que le financement privé vient en grande partie d’assurances que l’on contracte soit individuellement ou en groupe. »

Quant à la prestation — qui donne les soins —, M. Contandriopoulos constate qu’on a déjà un système largement mixte. « On n’a qu’à penser aux médecins qui pratiquent dans leur cabinet ainsi qu’aux cliniques privées qui sont actuellement existantes », dit-il. Pour l’heure, la prestation des soins est en grande partie défrayée par du financement public. Toutefois, cela pourrait changer… pour le meilleur ou pour le pire ?

Voilà précisément la question à laquelle se consacre ce chercheur en administration de la santé au Groupe de Recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) de l’Université de Montréal. « Le GRIS regroupe une centaine de spécialistes qui travaillent sur les meilleures façons de s’assurer que les populations soient en santé, indique M. Contandriopoulos. Nous menons depuis longtemps des travaux sur comment financer les soins de santé et sur comment les organiser. L’un des thèmes sur lesquels je travaille, c’est la répartition public-privé et le mouvement actuel vers une plus grande privatisation. »

Serions-nous mieux traités dans le privé ?

Au niveau de la dispensation des soins, Damien Contandriopoulos rapporte que quantité d’études ont été menées au fil des ans, particulièrement aux États-Unis où le public et le privé sont largement répandus et où les cliniques et hôpitaux privés peuvent être ou non à but lucratif.

« Ce qu’on observe, dit-il, c’est qu’il est probablement mieux pour un patient d’être hospitalisé dans une institution à but non lucratif, qu’elle soit privée ou publique. On y retrouve en effet les meilleurs taux de survie par suite d’une maladie grave, un plus haut taux de recours aux meilleures pratiques, etc. »

Il ne s’agit cependant pas d’un constat inébranlable, s’empresse-t-il d’ajouter : « Les preuves ne sont pas absolument claires puisqu’on peut trouver autant le pire que le meilleur dans l’un ou l’autre des systèmes. Toutefois, de grandes études comparatives montrent que les hôpitaux qui n’ont pas un but lucratif sont significativement meilleurs. »

Pourquoi ne pas se payer ses propres soins ?

Quant au financement, la situation est très nette, rapporte M. Contandriopoulos : « Le public est largement supérieur au privé, quelle que soit la situation! »

Premièrement, rares sont les personnes qui peuvent se payer des soins de santé, surtout lorsqu’elles sont atteintes d’une maladie grave. « Le coût des soins est souvent largement au-delà de ce que peut payer 99,9 % de la population, résume le spécialiste. On doit donc recourir à des assurances. » La plupart du temps, il s’agit d’assurances privées obtenues par l’entremise d’un employeur.

Deuxièmement, que se passe-t-il lorsqu’on doit combattre, par exemple, un cancer ? « Au bout d’un certain temps, comme vous êtes relativement invalide, votre employeur finit par vous mettre à la porte », relate M. Contandriopoulos. De ce fait, il vous prive de vos bénéfices (sic)d’assurance, alors que vous avez encore besoin de traitements. Théoriquement, vous pouvez recourir aux programmes publics, mais si vous avez des biens — une maison, une auto, des économies, etc. —, vous n’êtes pas admissible… Vous devez donc défrayer vos soins, jusqu’à ce qu’il ne vous reste plus rien…

Gaspillage de fonds publics ?

Néanmoins, on a tous l’impression que l’administration publique de la santé est une bureaucratie qui coûte cher et qui utilise à mauvais escient quantité d’argent. C’est tout le contraire, rapporte le spécialiste en administration de la santé. « C’est un mythe que de penser que le système public gaspille de l’argent dans une lourde structure administrative », tranche-t-il.

De fait, l’administration d’un système privé gobe de 15 à 30 % de la totalité des sommes en jeu, comparativement à de 3 à 6 % pour l’administration d’un système public. « Cette énorme différence s’explique parce que le second est beaucoup plus simple que le premier », explique-t-il.

Prenons l’exemple de la Régie de l’assurance maladie du Québec, suggère Damien Contandriopoulos. Chaque fois qu’un patient consulte un médecin, la RAMQ reçoit une facture et, à la fin du mois, elle émet un chèque à son intention. « Comme il y a quelques milliers de médecins au Québec, elle n’émet que quelques milliers de chèques chaque mois. » Quant aux hôpitaux, le ministère de la Santé alloue des sommes selon les besoins de chacune de ces institutions.

Par contre, dans un système privé, la plupart des actes médicaux doivent être autorisés par l’assureur privé. « Chaque assureur a une armée de médecins chargés de surveiller la pratique de leurs collègues et de recommander ou non un traitement, rapporte M. Contandriopoulos. Vous avez des dizaines de milliers de personnes qui ne font que ça! »

C’est ainsi qu’aux États-Unis, les frais d’administration des assurances de santé dépassent la totalité de ce qu’on dépense au Canada en tout et pour tout dans la santé, rapporte-t-il. C’est dire que ces frais supplantent ce qu’il en coûte pour traiter plus de trente millions de personnes!

Une médecine publique et privée ?

Ne pourrait-on pas permettre à nos médecins de travailler à la fois pour le public et pour le privé ? Pour Damien Contandriopoulos, ce serait là la pire des choses à faire. « Que feront alors nos médecins ?, pose-t-il. Ils joueront sur les deux tableaux. »

Ainsi, dans un premier temps, ils se plaindront auprès du gouvernement que, puisque le privé leur octroie davantage que ce qu’on leur attribue, ils n’ont guère d’intérêt à demeurer dans le public. « On va donc être obligé de leur offrir les mêmes conditions que le privé », dit-il. Mais que feront-ils par la suite ? Ils se retourneront vers le privé en se demandant pourquoi travailler dans ce secteur puisque le public leur offre autant. « Le privé n’aura d’autres choix que de leur octroyer un supplément… Et ainsi de suite! »

« Pourquoi pensez-vous que les États-Unis consacrent 15 % de leur PIB à la santé, alors que ce n’est que de 8 à 10 % pour les autres pays industrialisés ?, lance enfin Damien Contandriopoulos. C’est précisément pour cette raison! »


Source : Le Devoir– 10 novembre 2007

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