Le rapport Castonguay
Pour ceux qui, comme le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), ont à cœur notre système de santé universel, gratuit et public, le rapport Castonguay fait l’unanimité : il est bon pour le bac à recyclage. Même le gouvernement Charest est forcé d’en rejeter les grandes lignes, sachant fort bien que les Québécois n’en accepteraient pas l’application. Décloisonnement des pratiques publique et privée, développement de l’assurance privée, frais d’utilisation, démolition de la Loi canadienne sur la santé : un tel programme inaugurerait officiellement l’ère de la médecine marchandise, dont le gouvernement Charest fait la promotion en douce.
En réagissant au rapport Castonguay, Philippe Couillard lui-même a affirmé, en un sursaut de lucidité, que la pratique médicale hors régime et l’assurance privée n’ont rien de bon à apporter au système public. Mais c’est sa propre loi 33 qui permet l’assurance privée pour certaines chirurgies; c’est lui qui a autorisé la sous-traitance de certaines chirurgies dans le cas de l’hôpital Sacré-Cœur; c’est lui qui laisse proliférer la facturation des services et les cliniques hors régime. Il parle en sauveur du système public, mais agit en démolisseur. Pourtant, les solutions pour contrôler les coûts, réduire les listes d’attente et assurer la pérennité du système sont bien connues. Au lieu de perdre du temps avec un rapport produit pour et par la petite minorité qui profiterait du naufrage du système, Charest et Couillard doivent notamment :
– développer enfin les services de première ligne, le maintien à domicile et les CHSLD;
– ouvrir des cliniques de chirurgie publiques, qui offrent les mêmes économies que les cliniques privées;
– appliquer les stratégies de regroupement et de gestion des listes d’attente qui ont connu beaucoup de succès ailleurs au Canada;
– exiger un meilleur contrôle des coûts des médicaments, qui augmentent déraisonnablement;
– améliorer les conditions de travail du personnel, ce qui augmentera la rétention de la main-d’œuvre;
– miser davantage sur l’élimination de la pauvreté, la lutte contre la pollution et l’accès au logement, qui sont des déterminants clés de la santé.
Notre système de santé universel, gratuit et public, les Québécois y tiennent mordicus, car ils savent que l’égalité devant la maladie est un fondement de la justice sociale et qu’un système de santé privé à l’américaine est un désastre et une honte. Couillard et Charest doivent d’urgence appliquer les vraies solutions et colmater les brèches dans la gratuité des soins qu’ils ont hypocritement ouvertes ces dernières années.
Source : Le Soleil, Opinion, page 23, 22 février 2008