Le Service correctionnel du Canada admet ne pas avoir le contrôle du trafic et de la consommation de drogues dans les prisons canadiennes
Le Service correctionnel du Canada ne met pas tout en oeuvre pour restreindre et contrôler le trafic et la consommation de drogues dans les pénitenciers canadiens. Selon la commissaire du SCC, madame Lucie McClung, « si on arrivait à avoir plus de succès pour contrôler et faire face à l’abus d’intoxicants, qui est présent chez plus de 80 % des détenus, on aurait beaucoup plus d’impact en termes de prévention et de réinsertion. » Madame McClung a tenu ces propos lors de la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne du 3 juin 2003, alors que plusieurs questions lui ont été posées relativement à l’entrée de drogues dans les prisons canadiennes, entre autres sur les moyens et les équipements utilisés. À l’heure actuelle, plusieurs établissements disposent de chiens spécialement entraînés ainsi que d’équipements détecteurs (ion scanners). Or, selon le président national de l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionels canadiens (UCCO-SACC-CSN), monsieur Sylvain Martel, « non seulement certains établissements ne disposent pas de ces moyens mais, plus inquiétant, les équipements disponibles sont souvent défectueux ou en réparation pendant plusieurs mois, ne sont tout simplement pas utilisés ou encore ne sont pas utilisés par des employés correctement formés à cette fin ».
De plus, toujours selon le syndicat, s’il arrive que des visiteurs soient testés positivement, ceux-ci sont soit retournés, soit acceptés pour une visite sans contact. Ou encore, on leur demande s’ils acceptent d’être fouillés à nu, ou bien on les laisse tout simplement entrer, et tout cela sans que la police ne soit prévenue et, dans la plupart des cas, sans que des plaintes ne soient portées. « La commissaire du SCC, madame McClung, n’est sûrement pas au courant ou ne veut pas être au courant de ce qui se passe dans les établissements, car encore trop souvent les visiteurs qui sont testés positivement pour la drogue ne font pas l’objet de plaintes à la police. De plus, lorsque les détenus sont surpris avec de la drogue à l’intérieur des murs, les sanctions disciplinaires sont minimes », a expliqué monsieur Martel, lors d’une conférence de presse tenue à ce sujet à Ottawa ce vendredi 13 juin.
Ainsi, tant que les conséquences, autant pour les visiteurs que pour les détenus, ne seront pas celles prévues au Code criminel, c’est-à-dire tant que le SCC ne fera pas en sorte d’appliquer strictement la loi, il n’y a aucune chance de réduire l’entrée ainsi que la consommation de drogues dans les prisons canadiennes. C’est pourquoi le syndicat déplore le laxisme dont fait preuve le SCC vis-à-vis le trafic et la consommation de drogues dans les prisons. À titre d’exemple, voici ce qu’a répondu madame McClung au député Kevin Sorenson qui lui demandait combien de plaintes avaient été portées l’an dernier, alors que 2300 visiteurs ont été testés positivement lors de la détection de drogue : « Je n’ai pas ces informations », a-t-elle affirmé.
Selon monsieur Martel, « la politique de tolérance zéro du SCC vis-à-vis les drogues est plus proche du vu pieux que d’une réelle volonté. Comment les agents correctionnels peuvent-ils réellement mettre en uvre une politique de tolérance zéro dans l’état actuel des choses ? » La situation est d’autant plus grave que les impacts de la présence des drogues dans les pénitenciers sont nombreux. Outre les conséquences sur la santé des détenus qui en consomment, les drogues sont utilisées par les groupes criminalisés pour exercer leur pouvoir dans les établissements. Ainsi, le trafic à l’intérieur des prisons occasionne chantage, violence, agressions et règlements de compte, soit autant de situations mettant en danger la santé et la sécurité des agents correctionnels.
La drogue a un effet multiplicateur sur la violence dans les pénitenciers. Les agents correctionnels sont sur la première ligne, ayant à composer avec de plus en plus de violence et d’agressions, non seulement entre les détenus, mais également contre des employé-es des services correctionnels. Le taux de stress post-traumatique relevé chez les agents correctionnels est extrêmement élevé comparativement à la population en général et même comparativement aux corps policiers. « Il va sans dire que plus les années passent, plus les agents correctionnels paient de leur santé physique. Notre revendication sur le régime de pension, à savoir 70 % du salaire à 50 ans d’âge et après 25 années de service, est parfaitement justifiée. Nous payons de notre santé, et parfois même de nos vies, notre engagement envers la société. Ne serait-il pas juste et équitable que nous puissions nous retirer après 25 années avec un revenu décent ? », a conclu M. Martel.
Source : UCCO-SACC-CSN – 13-06-2003
Pour renseignements : Sylvain Martel, président national UCCO-SACC-CSN (514) 910-6347