Devant la Commission de l’économie et du travail qui étudie le projet de loi no 57 sur l’occupation du territoire forestier, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, a souhaité qu’au terme de cette consultation, le gouvernement s’engage dans une réforme qui réponde à l’intérêt public en établissant un équilibre qui non seulement respecte les ressources que nous pouvons tirer de la forêt, mais s’inscrive aussi dans une perspective moderne de protection environnementale et de gestion de ses usages. « Nous insistons pour que la réforme permette de concilier les intérêts de l’ensemble des intervenants et des usagers de la forêt dans le but de résoudre le problème du ” vivre ensemble “, reflété par les oppositions entre les Autochtones, les communautés forestières, les travailleurs, les industriels, les environnementalistes et les scientifiques. » Pour la CSN, le projet de loi tend vers cet équilibre, à condition qu’il soit appuyé par une révision du Code du travail. « Nous n’accepterons pas une réforme qui escamote la question des relations de travail. En 1986, lors de la dernière réforme du régime forestier, cette question avait été laissée en plan, causant ainsi de nombreux problèmes aux travailleurs et à leurs organisations. Nous exigeons que la présente réforme s’engage dans une toute autre voie et que, cette fois-ci, les ajustements nécessaires soient apportés au Code du travail de manière à assurer véritablement aux travailleurs un réel accès au droit d’association », a averti la dirigeante syndicale qui était accompagnée du président de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du papier et de la forêt (FTPF-CSN), Sylvain Parent, lors du dépôt du mémoiredes deux organisations. Ce dernier a rappelé comment les conditions de travail se sont dégradées alors que la précarité devient le lot quotidien de milliers de travailleurs. « Si on veut assurer la pérennité de la forêt publique, nous devons traiter les travailleurs avec décence. Il est de plus en plus difficile d’attirer de nouveaux travailleurs. Ces préoccupations sont d’autant plus importantes que la réforme multipliera le nombre d’intervenants. Différentes entreprises prendront en charge la planification des chemins d’accès, la récolte et le transport du bois, les travaux de sylviculture. Les municipalités régionales de comté (MRC), les municipalités ou les conseils de bande géreront les forêts de proximité. Plusieurs travaux seront confiés en sous-traitance à différentes formes d’entreprises, privées, publiques ou à des coopératives de travail. Il est impératif que le gouvernement s’engage à modifier le régime des relations de travail de façon à ce qu’il ne soit plus un obstacle permanent au droit d’association et à la négociation collective. » Les travailleurs sylvicoles La mise en œuvre du projet de loi no 57 nécessitera une solide politique de sylviculture. Selon M. Parent, « il est tout à fait inacceptable que la concurrence se joue en fonction des coûts associés à une main-d’œuvre des plus défavorisées par le régime actuel. Le système de rémunération au rendement qui s’applique à eux est incompatible avec l’esprit de l’aménagement durable des forêts. » La CSN et la FTPF demandent que la loi explicite les pouvoirs du ministre en lui confiant la responsabilité de déterminer les critères de base quant à la rémunération, incluant une norme minimale, et la mise en place d’un programme de prévention des accidents du travail et des maladies industrielles. Le ministre devrait aussi déterminer les normes d’interventions et les critères d’aménagement et environnementaux propres à la sylviculture intensive ainsi que l’obligation pour les entreprises de détenir une certification FSC pour exploiter ces zones. Les deux organisations demandent également au ministre de restreindre à des conditions exceptionnelles la dérogation permettant à des bénéficiaires de garanties d’approvisionnement d’agir comme entreprise d’aménagement. « L’expérience des 100 dernières années montre que l’industrie forestière ne peut assurer la pérennité de la ressource », de rappeler Sylvain Parent. Un unique fiduciaire : le ministre Les deux dirigeants syndicaux ont insisté pour que le ministre soit l’unique fiduciaire des forêts publiques. « Ces forêts sont la propriété de toutes les Québécoises et de tous les Québécois, peu importe les régions qu’ils habitent et, en ce sens, il est nécessaire que le ministre soit le maître d’œuvre responsable de la planification nationale de l’ensemble des exigences, des vocations et des usages qui s’inscrivent dans le développement durable de nos forêts », a plaidé la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau. « Nous n’avons pas d’objections quant à la délégation aux régions de l’aménagement et la détermination des priorités de développement des forêts publiques dans la mesure où le ministre demeure l’unique fiduciaire. Nous ne voulons pas d’un aménagement balkanisé influencé pas des contingences politiques intéressées. » C’est ainsi que le ministre devrait procéder à intervalle régulier à l’évaluation de la conformité des plans d’aménagement élaborés par les régions aux objectifs retenus dans la planification nationale d’aménagement de nos forêts. Gouvernance Le projet de loi propose que soient confiées aux commissions régionales sur les ressources naturelles et le territoire (CRRNT) la conception et la réalisation d’un plan régional de développement intégré des ressources et qu’elles agissent comme lieu de consultation et de règlement des différents. Cependant, le projet de loi demeure muet sur les règles de gouvernance. La loi doit prévoir des règles de composition de ces commissions en fonction de l’intérêt public, pour assurer leur intégrité et promouvoir des pratiques basées sur la compétence et la participation équitable des différents groupes présents sur le territoire. Les deux organisations souscrivent, en outre, à la disposition du projet de loi qui institutionnalise la Table des partenaires de la forêt, mais elles expriment une réserve sur la discrétion laissée au ministre quant à sa mise en place. Le projet de loi devrait ainsi prévoir que le ministre ait l’obligation de former la Table des partenaires de la forêt et que la composition de celle-ci reflète la diversité des acteurs qui y sont déjà présents. La CSN représente plus de 300 000 travailleuses et travailleurs, et ce, tant dans les secteurs privé que public. La FTPF-CSN regroupe quelque 13 000 travailleuses et travailleurs du secteur du papier, de la forêt et des imprimeries.