par Lia Lévesque publié dans Le Devoir, Le Soleil, Le Droitet La Tribune
À la veille de sa rencontre avec Claude Castonguay, qui dirige le groupe de travail sur l’avenir du système de santé, la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, se dit préoccupée… mais « têtue ».
En entrevue avant sa rencontre de mardi avec M. Castonguay, Mme Carbonneau a assuré que, pour elle, il ne s’agit pas d’un simple combat syndical pour sauvegarder l’emploi de ses 110 000 membres dans la santé, mais d’une bataille pour préserver le régime public de soins de santé.
« Ce qui est en cause, c’est le régime, c’est le type de couverture qu’on va offrir au commun des mortels. Moi, je ne suis pas dans une bataille pour défendre les emplois dans la santé – je ne vous dis pas que je m’en fous des emplois dans la santé – mais ce que je défend, c’est quand tu travailles dans le transport scolaire, à la métallurgie ou au commerce, quel genre de services il va te rester ? Est-ce qu’on va te permettre une couverture qui a de l’allure, quand tu vois les pressions que ça fait sur les salaires ? » s’interroge-t-elle.
Mme Carbonneau craint que les régimes privés d’assurances collectives que se sont donnés les travailleurs doivent désormais défrayer les coûts de plusieurs soins et services présentement assurés par le régime public. Et cette éventualité lui fait peur.
Plusieurs syndicats de la CSN disposent de telles assurances collectives, dont les primes dépassent déjà, parfois, dix pour cent du salaire.
Mme Carbonneau cite un cas, dans le transport écolier, où des travailleurs ont été « forcés d’abandonner leurs protections d’assurance collective parce qu’ils ne pouvaient plus faire face à la hausse des primes ».
Pénurie
Mme Carbonneau soulèvera un autre point lors de sa rencontre avec M. Castonguay : la pénurie de main-d’œuvre dans la santé.
Élargir la couverture des régimes privés d’assurance-maladie pour leur permettre de couvrir des services déjà assurés par le régime public, dans un contexte où il y a pénurie d’infirmières et de médecins, aggraverait la situation, plaide-t-elle.
Les médecins et infirmières qui travailleraient désormais pour le privé proviendraient nécessairement du système public, dégarnissant ainsi ce dernier. Les listes d’attente des établissements publics risqueraient donc d’allonger, déplore Mme Carbonneau.
La dirigeante syndicale espère ébranler M. Castonguay, connu pour ses prises de position favorables à un ticket modérateur et à une place accrue du privé dans la santé. « Je pense essayer de décoller du débat idéologique et lui apporter un certain nombre de faits. J’espère que les faits sont têtus ; moi je le suis, en tout cas. »
Le Groupe de travail sur le financement du système de santé est présidé par Claude Castonguay, qui est assisté des vice-présidents Michel Venne et Joanne Marcotte. Sa création a été annoncée dans le budget du 24 mai dernier, dans le but de proposer de nouvelles avenues de financement pour le système de santé québécois.
Son mandat prévoit plus spécifiquement qu’il doit proposer au gouvernement « des sources additionnelles de financement pour la santé » ; proposer une structure pour un « nouveau compte santé » pour mieux distinguer les fonds qui y sont alloués ; « préciser le rôle que le secteur privé peut jouer afin d’améliorer l’accès aux soins et réduire les délais d’attente » ; et examiner les modifications qui pourraient être apportées à la Loi canadienne sur la santé.
Son rapport est attendu dès la fin décembre.
Source : Presse canadienne – 14 octobre 2007