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L'art et la CSN


Exprimer la vie et les aspirations

Roger Langevin
1940 –

Pour Roger Langevin, l’art est une vocation, une question d’instinct aussi. Cette passion l’a donc mené à produire des pièces de grande envergure. Rappelons-nous la sculpture monumentale de Félix Leclerc. Il est aussi l’auteur de plusieurs autres œuvres dont le Tribunal du Millénaire à Rimouski et la Nageuse située au Musée de la mer. Langevin tend, par ses
œuvres, à exprimer la vie et les aspirations du peuple québécois. La sculpture réalisée pour le 60e anniversaire de la CSN, en 1981, en témoigne. Cette œuvre, qui se trouve devant le siège social de la CSN à Montréal, symbolise la persévérance. On y voit des travailleuses et des travailleurs solidaires dans leurs efforts de construction. Pourtant, initialement, Langevin s’était proposé de réaliser une sculpture portant sur la victoire, mais après la défaite du référendum de 1980, il ne se sentait pas en mesure d’exprimer une telle réalité. C’est ainsi qu’il préféra sculpter
dans le corps de ces hommes et de ces femmes les traits de cet effort tant nécessaire pour conquérir la liberté et la
dignité. Cette sculpture pèse environ 15 tonnes et est montée sur une armature de tiges de métal et enveloppée d’un treillis métallique. Elle est recouverte d’un ciment de finition posé à la truelle.

Vingt ans plus tard, la CSN lui a demandé de sculpter le portrait de Marcel Pepin, président de la CSN de 1965 à 1976.
Langevin, qui a connu Marcel Pepin, a utilisé une technique sculpturale délaissée aujourd’hui : le relief. Selon l’artiste, « L’important dans l’art de faire des portraits va au-delà de rendre une image. Il faut, en plus de reproduire, mettre une vie. L’expression est primordiale dans ce genre de production, il faut retrouver l’âme. » Le relief de bronze, établi sur un support d’argile, a été produit à partir d’une photo de M. Pepin et des souvenirs de Langevin à son égard. La CSN l’a fait encastrer dans le mur de l’entrée de l’édifice pour que Marcel Pepin demeure soudé à la CSN, comme il le fut toute sa vie.

Roger Langevin est né au Lac-Saint-Jean, en 1940. Après ses études à l’École des beaux-arts de Montréal, il obtient, en 1970, son baccalauréat en Arts plastiques de l’Université du Québec. En 1975, il décide de quitter l’enseignement des arts plastiques (1963–1975) pour s’adonner à la sculpture. Il reprend toutefois sa carrière en 1991 à l’Université du Québec à Rimouski, à titre de professeur invité. Il y devient professeur d’art et de pédagogie au Département des sciences de l’éducation après l’obtention d’un diplôme d’études doctorales en Lettres et Arts à l’Université d’AixMarseille. Langevin travaille tout aussi bien le béton, l’argile, le bois que le métal, et ce, au-delà des frontières. Il a entre autres œuvré en France, en Angleterre et en Afrique.


L’origine du chainon CSN

Jean Gauguet-Larouche
1935-1986

La CSN ne pouvait trouver un artiste plus en phase avec ses luttes et ses valeurs que Jean Gauguet-Larouche
pour représenter le chaînon qui allait donner naissance à son logo.

C’est en 1974 que le 46e Congrès de la CSN adoptait l’emblème actuel de la Confédération des syndicats nationaux. C’est une sculpture de Jean Gauguet-Larouche, réalisée au début des années soixante qui est à l’origine du désormais célèbre chaînon, un des logos les plus connus du Québec. Composé de trois maillons de métal d’armature, ce chaînon
exprime la force des liens qui unissent les travailleuses et les travailleurs; trois maillons qui représentent les syndicats, les fédérations et les conseils centraux, mais aussi l’autonomie, la démocratie et la solidarité.

« Je ne suis jamais passée devant ce chaînon, qui marque l’entrée du siège social de la CSN, sans m’émouvoir du souvenir de Gauguet et sans retrouver, encore et encore, le feu qui a fabriqué cette torsion, qui a eu raison de l’acier, qui a bravé toute force contraire », affirmait Lise Bissonnette, amie de l’artiste et maintenant présidente de la Bibliothèque
nationale du Québec. « Ainsi était l’œuvre de Gauguet, l’un des plus puissants de l’ère de libération que furent les années soixante, cet œuvre que de mièvres conservateurs de musée trouvent encore dérangeant, aujourd’hui, pour des raisons qui tiennent sans doute à sa façon d’avoir envoyé paître, à l’époque, toutes les institutions. »

Anticonformiste, rebelle, mais engagé socialement, Jean Gauguet-Larouche était reconnu pour ses luttes pour la défense des artistes et de leurs œuvres. Il fut entre autres à l’origine de poursuites judiciaires entreprises pour dénoncer le vandalisme dont furent victimes les œuvres réalisées lors du Symposium de sculpture d’Alma, en 1966. Gauguet-Larouche
y aura laissé en héritage une potence de fer tournant sur 360 degrés où pendent les sigles des compagnies Price et Alcan. Les citoyens d’Alma connaissent bien cette sculpture qui trône devant l’église Saint-Joseph.

Né à La Malbaie, dans la région de Charlevoix, le 6 octobre 1935, Jean Gauguet-Larouche a étudié à l’École des beaux-arts de Montréal. Poète et sculpteur, il publie deux recueils de poésie au début des années soixante. Il crée, en 1965, une série de sculptures-percussions et en fait une présentation publique à l’École normale Jacques-Cartier de Montréal. En 1968, il est agréé à la Cité internationale des arts de Paris. Il commémorera la découverte du fer, en rendant hommage aux Amérindiens, aux travailleurs et à Louis Babel en créant, à Schefferville en 1970, une sculpture monumentale : deux rails de chemin de fer qui encadrent une roche de deux tonnes. Il est à l’origine de la Coopérative des sculpteurs nationaux, qui se veut, en quelque sorte, une agence « Assurance-travail », et qui se donne comme mandat de réclamer des ateliers convenables à Montréal ou ailleurs.

La vie de Jean Gauguet-Larouche est une véritable bataille pour la reconnaissance des artistes et de leurs œuvres. Le Conseil des arts du Québec lui a rendu un hommage posthume pour son apport exceptionnel au monde des arts et à celui de la sculpture.


La culture comme activité culturelle

Léopol Bourjoi
1950 –

Léopol Bourjoi est né le 11 février 1950. Dès son jeune âge, il rêve d’art. Il grandit dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve dont le rythme de vie se confond avec celui du chantier naval de MIL-Vickers. Il a ainsi
vécu avec des générations d’ouvriers et a été l’un des leurs puisqu’il a pratiqué plusieurs métiers à la Vickers, sans toutefois délaisser l’art. Bourjoi obtient en effet un baccalauréat et une maîtrise en art de l’UQAM et
compte à son actif plus de 70 expositions solo et de groupe. Sa vie se tisse de liens entre le monde ouvrier et la création artistique.

La récession des années quatre-vingts, qui entraînera la fermeture du grand chantier de la Vickers, un coup dur pour le quartier Hochelaga-Maisonneuve, lui donnera l’occasion d’exprimer son attachement au monde ouvrier. Bourjoi a voulu immortaliser ces hommes bâtisseurs de navires que sont les ouvriers de la Vickers dans une murale, en 1990. On y
trouve le visage à nu de six ouvriers du chantier. Des visages repris une seconde fois sur la murale mais avec les traits identitaires qui s’estompent sous le casque et les lunettes de sécurité, laissant voir ainsi des ouvriers semblables à tous les autres, simple force de travail qu’on embauche et met à pied au gré des fluctuations de l’activité économique. L’œuvre se veut ainsi représentative de la réalité ouvrière.

La CSN a accueilli chaleureusement son projet de murale. En plus d’une certaine somme d’argent venant de la centrale syndicale, il a reçu une bourse du ministère des Affaires culturelles du Québec, en 1989, lui permettant de produire l’œuvre. Chacune des étapes de la réalisation de la murale consistait en un processus de moulage d’empreintes dans la
cire. Le tout a ensuite été enrobé de céramique dans laquelle a été coulé le bronze en fusion. Après le refroidissement du bronze, une patine de couleur a été appliquée puis plusieurs couches de cire polie.

Bourjoi a exposé en de nombreux endroits au Québec et a également participé à quelques expositions aux États-Unis. En 1998, il a décidé de délaisser les expositions pour se consacrer à la poursuite de sa recherche artistique et à l’enseignement. Il a aussi fait l’acquisition d’un bâtiment qu’il a restauré en maison-atelier ; l’Atelier de Rouville (www.bourjoi.com) est situé dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve et est ouvert au public et sur la collectivité. Bourjoi et sa compagne, Gaétane Couture, investissent, en effet, beaucoup de temps et d’énergie à embellir l’environnement urbain et s’impliquent socialement dans le quartier.

Tel est l’essentiel de l’art de Bourjoi ; le goût d’insuffler la vie, une profonde connaissance des matériaux et, comme les ouvriers, une extrême exigence du travail bien fait. « Mon art se veut intégré à la collectivité qui
en fait sa culture, car c’est ce que l’humain fait de sa nature. »


La force créatrice

Jean-Paul Mousseau
1927-1991

Né à Montréal en 1927, Mousseau, à la manière d’un coureur des bois, va se frayer un chemin bien à lui dans le monde des arts. Il a été peintre et sculpteur et s’est adonné à la fabrication de bijoux et de vitraux. Il s’est aussi imposé dans la scénographie et a même créé les Mousse spacthèques, des environnements thématiques dans les discothèques réunissant mouvement, musique et lumière. Ceux et celles qui l’ont connu s’entendent pour dire que Mousseau était un homme énergique
et sans demi-mesure.

Il avait le sens des couleurs et des formes prononcé, sans parler d’un souci du détail fort éveillé. Avec intégrité, il a énoncé : « Je ne me sens pas un spécialiste directement de la peinture, ou de la sculpture, ou de la lumière ou de la fibre de verre. Je suis un homme, face à des responsabilités matérielles, et qui modèle en fonction de ses désirs profonds ».

Un de ses fameux désirs était d’être un artiste impliqué. Mousseau avait un regard critique sur la société et respectait le mouvement syndical. C’est à la demande de Michel Chartrand, alors président de la Caisse populaire Desjardins des syndicats nationaux de Montréal, qu’il a conçu, en 1980, un vitrail qui orne depuis l’entrée de l’édifice de la CSN.

Cette œuvre, réalisée avec la collaboration de Pierre Osterrath, est le fruit d’un amalgame harmonieux de couleurs dont le résultat est apparu au fur et à mesure du développement du vitrail. Il est composé de verre clair trempé submergé de verre coloré antique soufflé à la bouche. Sur cette base vitrée reposent des morceaux de verre éclaté (cabochons) pour
donner un effet de texture. L’œuvre, d’une dimension de 5,34 x 2,59 mètres, illumine et donne vie au hall de la CSN.

Mousseau a utilisé une vaste gamme de matériaux et usé de toutes les techniques dont il disposait. Cette absence de conformisme lui a valu plusieurs prix importants et la chance que ses œuvres fassent partie des plus grandes collections. Celles-ci se retrouvent également dans l’environnement immédiat des Montréalaises et des Montréalais, notamment dans plusieurs stations de métro, à l’aéroport international de Montréal, au siège social d’Hydro-Québec et à la Banque Nationale du Canada.

Le Musée d’art contemporain de Montréal lui a consacré une rétrospective en 1997 et, en l’honneur de sa contribution à la scène québécoise,la Fondation Jean-Paul Mousseau a été mise sur pied pour promouvoir la création scénographique québécoise. Mousseau osait et ouvrait des chemins.

En 1946, il était de la première exposition montréalaise du groupe des Automatistes et, en 1948, l’un des signataires du manifeste du Refus global. Par la suite, dans les années cinquante, il s’est distancié de ce mouvement et a délaissé la peinture. Il s’intéressa, dès lors, à de nouveaux matériaux et aux applications sociales de l’art. L’essentiel de son enseignement à l’École des beaux-arts de Montréal (1961–1964) et à l’Université Laval (1968) reposait sur la nécessité de rapprocher la pratique artistique de l’environnement social contemporain. Mousseau a donc pris part au développement de l’art public et fut l’initiateur d’importants changements.