Projet de loi 15 – Pourquoi il faut s’opposer

(Bulletin Vraiment public no4 octobre 2023)

 

L’OPPOSITION S’ORGANISE

La CSN est loin d’être la seule à rejeter la réforme Dubé et le projet de loi 15. Elle est présentement engagée au sein de diverses coalitions réunissant non seulement les organisations syndicales, mais aussi les organismes communautaires, les regroupements de médecins et de cadres, les organisations de la société civile, les chercheurs et les élu-es de différents paliers pour contrer les visées de la CAQ en santé et services sociaux. La CSN vous invite à participer en grand nombre à une manifestation contre les horreurs de la CAQ, organisée par la Coalition Main Rouge. Plusieurs initiatives sont en branle. RESTEZ À L’AFFÛT ! 

 

La santé, un enjeu global

Pour mesurer la santé des Québécoises et des Québécois, les tableaux de bord chiffrés ont leurs limites. La réforme Dubé minimise l’impact des déterminants sociaux de la santé de la population. 

Avoir un logement convenable et un revenu décent, pouvoir s’alimenter sainement, vivre et travailler dans un environnement sain et sécuritaire et être adéquatement éduqué en matière de santé ne sont que quelques exemples des nombreux déterminants sociaux ayant un impact décisif sur la santé de la population.

Réforme Dubé, une attaque contre les femmes

Peu nombreuses aux commandes, ce sont majoritairement les femmes qui feront les frais de la réforme Dubé. Une réalité complètement occultée par le gouvernement. 

Elles subiront la réforme comme membres du personnel, à 80 % féminin. Les travailleuses verront encore une fois leur environnement de travail bouleversé et les centres de décision s’éloigner encore plus de leur réalité quotidienne. 

Elles continueront de soutenir à bout de bras les soins et les services, à coups d’heures supplémentaires et sans voir la moindre diminution de leur charge de travail ni aucune amélioration en matière d’accessibilité pour les patientes et patientes. Le constat est le même dans les organismes communautaires, où les femmes devront encore se battre pour conserver leur peu d’autonomie et pour obtenir un financement adéquat. 

Elles subiront aussi la réforme comme proche aidante, car ce sont surtout les femmes qui prennent soin de leurs proches, palliant une fois de plus les manques de l’État. Comme elles n’ont pas le luxe des services offerts au privé, ce sont aussi elles qui prendront soin de leurs parents et de leurs enfants, souvent au détriment de leur carrière.

Enfin, la réforme touche les femmes jusque dans leur façon d’aborder la grossesse, et se voit dénoncée tant par les sages-femmes que par les organismes communautaires d’accompagnement à l’interruption de grossesse. 

La santé et les services sociaux reposent, depuis toujours, sur le travail des femmes. Reste maintenant à voir quelle place le gouvernement leur réserve au sein de cette équipe de « top-guns » qu’il placera à la tête de l’agence Santé-Québec.

 

Décentralisation en Alberta

Il y a une quinzaine d’années, l’Alberta fusionnait tous les établissements de santé et de services sociaux au sein d’une seule agence de gestion pour toute la province. Au moment où Christian Dubé et la CAQ envisagent de reproduire le même modèle au Québec, voilà que l’Alberta fait marche arrière ! 

En effet, le gouvernement albertain prépare une nouvelle réforme qu’il compte présenter dès cet automne. Parmi ses objectifs : redonner plus d’autonomie aux établissements, décentraliser la gestion du réseau public et insuffler plus de démocratie, de transparence et d’imputabilité dans la prise de décision.

 

Le privé, une bonne idée ?

Les établissements publics se tournent de plus en plus vers le secteur privé pour sous-traiter des activités, et ce, même en chirurgie. Une enquête de Radio-Canada a démontré cet été que six établissements publics prévoient ainsi de sous-traiter 185 000 chirurgies de la cataracte. Or, l’enquête révèle que le groupe Vision/Lasik MD y est allé d’une soumission sous le prix coûtant, pratique qu’a dénoncée l’Association des médecins ophtalmologistes du Québec. 

Lorsqu’on traite les soins de santé comme une marchandise , il ne faut pas s’étonner que les entreprises l’abordent de la même manière. 

Elles peuvent ainsi tenter de diversifier leurs sources de profits, notamment en proposant à sa clientèle des lentilles plus sophistiquées que celles couvertes par l’assurance maladie, sans que ce ne soit requis médicalement. 

On sait que les grandes entreprises peuvent être tentées d’offrir des prix imbattables dans le but précis d’éliminer leur concurrence et de profiter ensuite d’une mainmise complète sur le marché. 

 

Pénurie de main-d’œuvre – fatalité ou défi ?

C’est la question qu’a posé le Protecteur du citoyen, Marc-André Dowd en présentant son rapport annuel le 21 septembre dernier. En santé et services sociaux, il relève de nombreux manquements et constate que le réseau public doit en faire davantage pour assurer à toutes et à tous les soins et services auxquels ils ont droit. 

Parmi ses constats les plus marquants, notons 4000 patientes et patients en attente d’une place en CHSLD, ainsi que l’exode particulièrement marqué du personnel en protection de la jeunesse, les intervenantes et intervenants étant soumis à une charge de travail trop lourde. Cette réalité a pu affecter la qualité des services aux enfants.

 

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Le cycle néfaste du manque de personnel fait mal

Le manque de personnel chronique fait mal au Centre intégré de santé et des services sociaux de l’Outaouais. Cela crée une surcharge de travail continuelle pour le personnel. Pour la CSN, il est temps que le CISSS de l’Outaouais et le gouvernement améliorent les conditions de travail et salariales du personnel afin de parvenir à attirer et retenir le personnel dans le réseau.

Profitant d’une tournée pour aller à la rencontre des travailleuses et travailleurs du CISSS de l’Outaouais, la CSN s’inquiète de l’incapacité des établissements de la région à être attractifs. Les données compilées par le syndicat illustrent qu’en seulement deux mois, il y a eu plus de 100 départs de personnel des établissements de l’Outaouais. De plus, plusieurs professions du réseau font partie de la liste des déficits importants de main-d’oeuvre en Outaouais pour la période 2019-2023 selon les données des partenaires du marché du travail. Seulement en ce qui a trait aux préposé-es aux bénéficiaires, les besoins sont estimés à plus de 2600 employé-es pour cette période. Alors que le nombre de départs se rapproche sans cesse du nombre d’embauches, le CISSS de l’Outaouais est actuellement loin du compte.

« Les travailleuses et travailleurs du CISSS de l’Outaouais sont au bout du rouleau. C’est ce qu’ils nous répètent chaque fois qu’on les rencontre. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : le CISSS de l’Outaouais n’arrive pas à attirer du personnel alors qu’on a des besoins criants », explique Josée McMillan, présidente du Syndicat des travailleuses et travailleurs de la santé et des services sociaux de l’Outaouais — CSN.

« Le manque de personnel entraîne un cycle néfaste de surcharge de travail pour le personnel du CISSS de l’Outaouais. C’est pas rien : nous avons calculé que les agentes administratives ne sont pas remplacées dans 95 % des cas. Qu’est-ce que vous pensez qui arrive ? C’est aussi le cas des métiers auxiliaires comme le service alimentaire, en pharmacie et surveillant d’établissement pour ne nommer que ceux-là. Cela ne fait que reporter la charge de travail sur les épaules du reste de l’équipe », poursuit Julie Legault, vice-présidente régionale de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN).

« La proximité de l’Outaouais avec l’Ontario est une cause importante de nos problèmes dans les établissements de la région. Tant et aussi longtemps qu’on n’améliorera pas les conditions de travail du personnel, il ne faudra pas s’étonner que les gens veuillent améliorer leur sort en allant travailler de l’autre bord de la rivière des Outaouais », lance Alfonso Ibarra, président du Conseil central des syndicats nationaux de l’Outaouais (CCSNO–CSN).

« Le gouvernement Legault doit passer en cinquième vitesse pour mettre fin à la crise du réseau. Ça dure depuis trop longtemps. La solution est pourtant simple. Rien ne pourra être fait, tant et aussi longtemps que le gouvernement n’acceptera pas d’améliorer les conditions de travail et les salaires du personnel du réseau. La prochaine négociation approche à grands pas. C’est l’occasion de mettre fin à l’hémorragie », de conclure Julie Legault, vice-présidente régionale de la FSSS-CSN.

Des coupes qui touchent directement les professionnel-les en soins

Une analyse des budgets des établissements du réseau menée par la CSN, démontre que les secteurs où oeuvrent particulièrement les professionnel-les en soins sont touchés de plein fouet par les coupes gouvernementales, résultat direct de ses mesures d’austérité.

139 millions de dollars en 2016-2017

Pour l’année 2016-2017 uniquement, les établissements de santé et de services sociaux projettent de couper plus de 139 M$ dans les centres d’activité où travaillent notamment les infirmières, les infirmières auxiliaires et les inhalothérapeutes.

Ainsi, pour les soins spécialisés aux nouveau-nés, ou néonatalogie, les coupes atteindront près de 4,5 millions de dollars, alors que les soins infirmiers de courte durée aux adultes et aux enfants seront amputés de plus de 52 millions de dollars. Même scénario au bloc opératoire (21 M$), à l’urgence (28 M$) ainsi que dans les soins infirmiers donnés aux personnes en perte d’autonomie (17M$). Finalement, 11 M$ seront coupés dans les soins à domicile et 3 M$ en inhalothérapie.

Soins spécialisés aux nouveau-nés (néonatologie)

– 4 413 816

Soins infirmiers de courte durée aux adultes et aux enfants

-52 019 002

Bloc opératoire

-21 318 390

Urgence

-28 663 725

Soins infirmiers aux personnes en perte d’autonomie

-17 827 398

Soins infirmiers à domicile

-11 862 287

Inhalothérapie

-3 057 666

 Total : 

-139 162 284

Impacts sur les professionnel-les en soins

Pour Marie-Josée Tremblay, vice-présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN, (FSSS–CSN), ces coupes ont un impact majeur sur les soins rendus à la population, mais aussi sur les professionnel-les en soins du réseau qui, quotidiennement doivent soigner dans des conditions de plus en plus difficiles. « La surcharge de travail et l’épuisement sont devenus le lot des professionnel-les en soins du réseau. Depuis 2011, nous constatons que les conditions se détériorent. Et lorsqu’on voit ce qui nous attend encore cette année, on ne peut que se demander combien de temps le réseau résistera-t-il. Ce dernier est complétement étranglé, et le ministre Gaétan Barrette doit réagir », déclare Mme Tremblay, infirmière au CIUSSS du Saguenay-Lac-St-Jean.

De son côté, Nadine Lambert, secrétaire-générale et trésorière de la FSSS–CSN, déplore que le gouvernement n’arrive même plus à atteindre ses propres objectifs, étant donné l’ampleur des coupes. « Ce que l’analyse de la CSN vient démontrer, c’est que lorsque nous jumelons toutes ces coupes (sous-financement et mesures d’optimisation), nous constatons que des objectifs comme l’amélioration des soins auprès des personnes en perte d’autonomie deviennent tout simplement impossibles à atteindre. Nous ne sommes plus ici dans un contrôle des dépenses, mais bel et bien dans des coupes directes », a dénoncé Nadine Lambert, infirmière au CHU Sainte-Justine.

Le 15 février, lors d’une conférence de presse présentant son analyse, la CSN avait exigé que le gouvernement profite du prochain budget pour rétablir la situation, en réinvestissant de façon massive dans le réseau.

À propos
La Confédération des syndicats nationaux (CSN) est une organisation syndicale composée de près de 2000 syndicats. Elle regroupe plus de 325 000 travailleuses et travailleurs réunis sur une base sectorielle ou professionnelle dans huit fédérations, ainsi que sur une base régionale dans treize conseils centraux, principalement sur le territoire du Québec.