Mercredi après-midi, le congrès recevait le vice-président du conseil central de la Montérégie – CSN et professeur de philosophie au cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu, Jean-Philippe Dell’Aniello, pour une formation toute spéciale. Elle visait à outiller les représentantes et représentants syndicaux afin de mieux comprendre le discours dominant et ses ramifications politiques et, surtout, de mieux identifier les moyens de lutter efficacement pour l’avancement de nos priorités.
D’entrée de jeu, il rappelle que toute décision politique est un choix… même celles qui nous sont parfois présentées comme des évidences. D’où l’importance d’exercer son sens critique face à toute affirmation politique !
Pour pouvoir critiquer ces choix efficacement, il faut pouvoir les situer par rapport aux à d’autres choix possibles. Ce qui nous amène à parler de la gauche et de la droite. Historiquement, le concept apparaît lors de la Révolution française (1789) alors que les partisans de la monarchie et de la stabilité siégaient à la droite de la présidence de l’assemblée pendant que les partisans de la liberté et de la révolution étaient assis à sa gauche.
De nos jours ce concept est toujours pertinent. Avec toutes les nuances qui s’imposent, retenons que le collectif, le bien commun et le progrès sont généralement associé à la gauche alors que l’individu, le mérite et le conservatisme sont plutôt associés à la droite. Jean-Phillippe souligne que la gauche et la droite ne sont pas des réalités objectives et scientifiques. Il faut le voir comme un outil pour réfléchir. Il permet surtout de mettre les différentes propositions politiques en perspectives.
Discours dominant
Ainsi, on est à même de constater que le discours dominant dans notre société est de droite. En effet,
Les médias qui le véhiculent appartiennent aux personnes qui détiennent pouvoirs et privilèges ;
Il ne vise pas une remise en question du système ;
Il cherche à utiliser le pouvoir pour protéger le système et ses privilèges ;
Il peut user de la force pour dissuader la contestation.
Le discours dominant est lié au capitalisme. Il priorise l’individu, pensé comme autonome responsable et libre et critique la redistribution des richesse. Il promeut le laisser-faire. Il favorise la conservation des privilèges.
Ce discours dominant s’oppose à la gauche en tentant de faire croire qu’il n’y a pas d’alternative. Pensons à l’austérité budgétaire… « on n’a pas le choix de couper » nous dit-on…
De plus, en martelant l’idée que les personnes qui possèdent le moins sont responsables de leur situation il s’oppose à la gauche et à l’objectif de politiques publiques tournées vers le bien commun.
Contre discours
Au cœur du contre-discours que la gauche peut opposer au récit dominant on trouve certaines valeurs autour desquelles construire :
- La solidarité envers les autres
- L’importance du bien être individuel, mais aussi collectif
- Conscience que ne pouvons pas être responsables de tout ce qui nous arrive
- Les émotions, les sentiments
- La conscience de notre finitude
Pour les dominants la diffusion d’un tel contre-discours est un risque :
- Les puissants sont minoritaires
- Ils occupent leur position au dépend de la majorité
- Leur position est résolument politique, elle résulte de choix
- Leur chute serait douloureuse et c’est pourquoi ils veulent l’éviter.
Cela explique
La volonté de garder les gens dans l’ignorance («du pain et des jeux»)
Les actions visant à retirer à la majorité les moyens de se faire entendre (par exemple, le projet de loi 89)
L’idée que l’alternative est impossible ou qu’elle serait désastreuse
L’énergie mise à diviser la majorité en catégories
La collectivisation des enjeux
Alors que la minorité exploitante possède le pouvoir, l’argent, les médias, les forces de l’ordre, la justice nous, les travailleuses et travailleurs, avons une grande force : notre nombre. Il faut garder en tête cependant que cette majorité ne forme pas un bloc monolithique. On trouve notamment dans la classe moyenne de nombreux travailleurs et travailleuses qui aspirent aux privilèges des dominants et qui par conséquent favoriseront l’ordre établi.
Pour Jean-Philippe Dell’anielo la clé est donc de miser sur la force du nombre.
Il faut trouver ce que nous portons en commun, faire face ensemble aux attaques de la droite et s’engager collectivement malgré les sirènes de l’individualisme. Un des grands défis c’est de déconstruire le discours dominant, un travail de tous les instants qui passe par l’éducation et la sensibilisation.
Les syndicats sont bien placés pour faire ce travail. Ce sont des organisations fondamentalement à gauche à cause de leur nature, des revendications qu’ils portent. La démocratie est au cœur de leur fonctionnement. De plus, les différents mécanismes de solidarité existant au sein de la CSN permettent de soutenir les luttes.
Quant à eux, les conseils centraux sont des endroits privilégiés pour mettre nos luttes en commun. Ils permettent d’agir au-delà du cadre de la convention collective derrière des revendications sociales et politiques ce qu’on appelle le deuxième front. De plus, les conseils centraux siègent dans différentes organisations régionales où on peut tisser des liens avec d’autres acteurs régionaux et faire entendre un contre-discours. Par ailleurs, les conseils centraux ouvrent un espace d’éducation populaire indépendant des pouvoirs politiques et économiques.