Le projet de loi 97 sur le régime forestier, finalement abandonné par le gouvernement Legault à la fin septembre, comportait un angle mort de taille. Il stipulait qu’une intensification des travaux sylvicoles deviendrait nécessaire si la superficie de récolte du bois était fortement réduite, mais ne proposait aucun plan clair pour rendre cela possible. Cette intensification est toujours nécessaire, mais le financement, lui, brille par son absence.
Aucun investissement n’est prévu pour accroître les travaux forestiers, alors que le secteur relève plusieurs lacunes, dont le manque de main-d’œuvre. Le métier de sylviculteur est en train de mourir par manque de relève.
Le Point syndical a rencontré des membres du syndicat national de la sylviculture l’été dernier dans le Témiscouata.
« Pour doubler la production par hectare, ça prend du monde, ça prend de la relève. On n’attire personne… avec rien ! Ça ne marche pas, résume Denis Malenfant, sylviculteur de 64 ans. Les jeunes qui commencent dans le métier ne restent pas. Il faut se lever vers 4 h 30 pour se rendre à la parcelle afin de débroussailler ou de planter avant les grosses chaleurs. Le métier est aussi risqué : près de 20 % des membres du syndicat ont perdu un doigt en maniant la débroussailleuse en terrain accidenté. En plus, l’équipement et le carburant ne sont pas fournis par l’employeur et le temps pour se rendre dans le bois n’est pas payé. On doit frotter en tabarnouche pour se faire une paye », ajoute Denis, en expliquant qu’un frotteur est quelqu’un qui travaille fort sans jamais abandonner.
« Il faut offrir de bonnes conditions, comme dans n’importe quelle autre job », explique le président du syndicat, Serge Desrosiers. Il rappelle qu’un projet pilote avait vu le jour pour combiner une rémunération à l’heure – déplacement, affûtage des lames – et à l’hectare. Le gouvernement a malheureusement laissé tomber ce projet et le paiement à l’hectare est redevenu la norme.
Le ministère des Ressources naturelles et des Forêts verse un montant par hectare aux entrepreneurs pour les opérations sylvicoles. Or, ces derniers peuvent choisir de réduire la part allouée aux sylviculteurs afin de financer davantage le travail technique en amont, ou encore d’en conserver une plus grande part pour eux-mêmes. Résultat : les conditions sont très inégales d’un entrepreneur à l’autre.
« Malgré tout, ce que j’aime de ma job, c’est la liberté ! Je ne pourrais pas rester enfermé à l’intérieur », résume Denis.