La présidente et cheffe de la direction par intérim du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Marie-Claude Perreault, fait grand bruit ces derniers jours des autocollants qui ont été apposés la semaine dernière non pas dans ses locaux, mais bien dans les espaces communs de l’édifice qui abrite ses bureaux.
« Intimidation, menaces, gestes brutaux » : à lire la porte-parole du CPQ, ces fameux autocollants et l’agitation de crécelles lors d’une mobilisation syndicale posséderaient un dangereux pouvoir capable de nous « ramener à une époque révolue » et venant briser toute possibilité de dialogue social.
Comment dire… ? Il est quand même ironique de voir Mme Perreault donner des leçons en matière de dialogue social puisque son organisation, à l’instar de toutes les associations patronales, a applaudi le projet de loi 89 du ministre du Travail Jean Boulet, projet de loi contre lequel se mobilisent actuellement des milliers de travailleuses et travailleurs aux quatre coins du Québec pour préserver leur rapport de force.
Faut-il rappeler à la porte-parole du CPQ que, pour qu’il y ait dialogue, deux parties doivent discuter ? Or, nous avons appris l’intention du ministre Boulet de déposer son projet de loi explosif la veille de Noël, et ce, sans aucune forme de préavis ou de tentative d’échange en amont avec les principaux intéressés : les représentantes et représentants des travailleuses et travailleurs du Québec.
C’est, à l’inverse, un affrontement direct que le ministre Boulet a orchestré pour restreindre le droit de grève et renverser le rapport de force en faveur des employeurs et des patrons.
Disons-nous les vraies choses : la réelle intimidation dans cette histoire, c’est celle que porte le projet de loi 89. Ce qui est désolant, c’est que le CPQ, acteur clé qui a contribué au développement économique du Québec, comme il se décrit, s’époumone davantage à dénoncer la pose d’autocollants que les impacts qu’engendrerait ce projet de loi sur la main-d’œuvre québécoise s’il devait être adopté.
La réelle violence, c’est l’appauvrissement annoncé de centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs, qui ne pourront plus se battre à forces égales avec leurs patrons et qui peineront à faire face au coût de la vie.
Force est de constater que le CPQ a l’indignation variable. En effet, où est le CPQ pour crier au scandale quand un employeur laisse des gens sur le trottoir pendant cinq mois, en ayant recours à des briseurs de grève ? N’est-ce pas aussi scandaleux qu’un employeur « offre » à ses travailleuses et travailleurs de retirer tout régime de retraite et d’assurance collective avec, en prime, des augmentations salariales de 0 % en quatre ans ?
Lorsqu’un ministre persiste à faire la sourde oreille aux revendications et préoccupations légitimes des travailleuses et travailleurs du Québec, la moindre des choses est qu’on se fasse entendre. N’en déplaise à Mme Perreault, cela passe par des manifestations dont l’objectif avoué est de déranger. C’est ce qu’on appelle… des moyens de pression.
C’est précisément pour préserver cette capacité à exercer des moyens de pression, dont la grève, que nous nous mobilisons depuis des semaines. Faut-il rappeler que la Cour suprême écrivait ceci dans sa décision connue sous le nom d’« arrêt Saskatchewan » : l’histoire, la jurisprudence et les obligations internationales du Canada confirment que, dans notre régime de relations de travail, le droit de grève constitue un élément essentiel d’un processus véritable de négociation collective.
Il serait peut-être temps que le Conseil du patronat, plutôt que de faire la morale aux syndicats en les invitant à évoluer, procède à un exercice d’introspection et se demande s’il défend réellement les intérêts économiques du Québec en appuyant un projet de loi qui s’attaque à celles et ceux qui en sont pourtant le moteur premier.
Si ça peut les soulager, nous connaissons de bonnes compagnies de nettoyage syndiquées qui, souhaitons-le, pourront permettre à Mme Perreault et à son organisation, en attendant, de survivre au dangereux traumatisme infligé… par la pose d’autocollants.