Avenir de Développement et paix

Le syndicat des employé-es écrit aux évêques canadiens

Hier, 13 octobre, le Syndicat des employé-es de Développement et paix – CSN a fait parvenir au président de la Conférence des évêques catholique du Canada, Mgr Morissette, une lettre dans laquelle les salarié-es de l’organisme font part de leurs préoccupations quant à l’avenir de Développement et paix. Cette lettre est reproduite intégralement ci-dessous.

Le 13 octobre 2011 Monseigneur, La semaine prochaine se tiendra l’assemblée plénière de la Conférence épiscopale catholique du Canada. À cette occasion, nous le savons, vous discuterez de tous les événements qui ont bousculé DÉVELOPPEMENT ET PAIX au cours des derniers mois et définirez des orientations à ce sujet. Je me permets de vous écrire, à titre de représentante du personnel de l’organisme, afin de vous dire nos préoccupations face au sort de notre organisation. DÉVELOPPEMENT ET PAIX, c’est plus que notre emploi, c’est notre lieu premier d’engagement. Nous vous écrivons d’abord et avant tout aujourd’hui parce que cette organisation, que nous considérons comme un joyau de l’Église canadienne, nous tient à cœur.

Le personnel de DÉVELOPPEMENT ET PAIX a plusieurs craintes face à l’avenir. Au cours des dernières années, les attaques répétées dont nous avons été victimes ont déstabilisé l’organisme sur plusieurs plans. Les allégations, pourtant sans fondement, ont ébranlé la confiance de plusieurs fidèles et ont fait vivre des périodes très difficiles à nos membres, au clergé qui supporte notre action, et, bien sûr, aux membres du personnel. Encore aujourd’hui, les membres et le personnel ont besoin, pour continuer à œuvrer localement pour DÉVELOPPEMENT ET PAIX, que les évêques canadiens énoncent clairement leur soutien à notre mouvement. Sans un soutien public et affirmé des évêques et de la CECC, il sera impossible pour ces personnes de poursuivre leur engagement.

Ces allégations mensongères ont aussi mené à la mise en place de plusieurs mesures qui auront, ou ont même déjà, des impacts majeurs sur notre travail et sur la mission même de notre organisation. À titre d’exemple, il devient de plus en plus difficile pour DÉVELOPPEMENT ET PAIX, comme pour ses partenaires, de travailler en coalition ou en concertation avec d’autres organismes. Dans un monde virtuel où nous n’avons pas besoin de preuves pour accuser et être cru, nous craignons, chaque fois que nous voulons travailler en réseau avec d’autres organisations, d’être accusés de quelque chose « par association ». Pourtant, nous avons besoin du travail en coalition pour faire avancer des enjeux trop larges ou trop complexes pour être portés par une seule organisation, comme par exemple la responsabilité sociale des entreprises. Ces enjeux sont souvent au cœur et à la racine du mal‐développement. Cesser de travailler en réseau sur ces questions signifierait souvent de se condamner à intervenir sur les conséquences des problèmes et non pas sur leurs causes. Cela va complètement à l’encontre de la mission de DÉVELOPPEMENT ET PAIX.

De même, nous n’osons plus mettre de l’avant le travail – pourtant excellent – de nos différents partenaires du Sud. Nous craignons qu’en parlant d’eux, nous les exposions à subir également des attaques injustifiées et injustes. Le cas du Centre Prodh du Mexique est une illustration tragique des impacts que peuvent avoir ces attaques sur nos partenaires. Mais comment alors parler des alternatives que portent ces groupes, de la dignité de ces personnes mobilisées pour le changement, si on ne peut pas les nommer ? Comment faire un réel travail d’éducation à la solidarité internationale auprès de la population d’ici si on ne peut pas l’illustrer à la lumière des réalisations de nos partenaires? N’est‐ce pas là nier une dimension fondamentale de la mission de DÉVELOPPEMENT ET PAIX ?Nous avons des relations étroites avec plusieurs Églises du Sud, là où ces Églises sont engagées auprès des peuples, des pauvres, pour la justice. Là où ces Églises sont agentes de changement. Alors que nos partenaires ont clairement pris une option préférentielle pour les pauvres, tous les évêques ou les conférences épiscopales n’ont pas pris cette option. Malheureusement, l’Église officielle dans certains pays ne prend pas toujours position contre la corruption, les régimes autoritaires, la violence et l’impunité. C’est pourquoi nous avons craint que chacun de nos partenaires soit tenu de fournir une lettre d’appui d’un évêque local pour pouvoir conserver l’appui de DEVELOPPEMENT ET PAIX.

Que serait‐il alors advenu des partenaires œuvrant dans ces pays ? Nos partenaires, qui dénoncent souvent ces situations, auraient‐ils pu obtenir l’appui de leur épiscopat? Sans compter que DÉVELOPPEMENT ET PAIX, de par sa mission, œuvre aussi auprès de populations autres que les Catholiques et dans des pays où la structure d’Église est quasi inexistante.

Heureusement, le récent communiqué émis conjointement par la CECC et DÉVELOPPEMENT ET PAIX nous laisse croire que la collaboration avec les Églises locales sera souhaitée sans devenir une exigence. Cette exigence aurait pu avoir des impacts importants, là encore, et entraver la bonne réalisation de notre mission. Nous espérons d’ailleurs recevoir bientôt des directives claires sur cette question, directives qui seront le reflet des orientations prises par le conseil national.

Nos craintes portent enfin sur la place réelle des membres à DÉVELOPPEMENT ET PAIX. Notre organisation est, depuis sa création, un mouvement et une organisation démocratiques, animée principalement par des laïcs, tel que décidé par les évêques fondateurs. Or nous, le personnel syndiqué, sommes témoins d’un effritement certain des espaces démocratiques au sein de l’organisation. Au cours des derniers mois, face à l’urgence, les membres – qui sont pourtant le cœur de DÉVELOPPEMENT ET PAIX – se sont vus de plus en plus mis de côté dans des décisions pourtant cruciales pour l’avenir de l’organisation. Même les membres du conseil national, pourtant l’instance décisionnelle suprême, sont restés pendant plusieurs semaines à l’écart des débats. Un tournant majeur pour DÉVELOPPEMENT ET PAIX est en voie de se définir, dans les bureaux de la direction générale, à la table du comité permanent mis sur pied par la CECC et au comité de liaison de DÉVELOPPEMENT ET PAIX mais la majorité des membres n’y prennent pas part. L’engagement des laïcs pour la solidarité et la structure démocratiques sont pourtant des aspects fondamentaux de DÉVELOPPEMENT ET PAIX.

Ces préoccupations, que nous vous partageons aujourd’hui, ont été transmises au conseil national en juin dernier1. Nous espérons que ces quelques éléments pourront alimenter votre réflexion et vos discussions.

Veuillez accepter, Monseigneur, nos meilleures salutations

En solidarité

Marcelle Sinclair, Présidente, Syndicat des employées et employés de Développement et Paix

1 Vous pouvez consulter ce document à l’adresse suivante : http://soutenonsdetp.wordpress.com/ -30-

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