Lettre d'opinion

Une belle occasion manquée

par Bernard Drainville, député de Marie-Victorin et porte-parole en matière de santé pour le Parti québécois

Le ministre Couillard se félicite de l’entente intervenue entre la clinique privée Rockland MD et l’hôpital du Sacré-Cœur. Il devrait plutôt s’en désoler.

En vertu de cette entente d’une durée de 6 mois, le système public (l’hôpital) sous-traite 300 chirurgies d’un jour au privé (Rockland MD).

À notre avis, cette entente qui risque d’affaiblir le réseau public de santé n’était pas nécessaire. Sur les 12 salles d’opération de Sacré-Cœur, deux ne sont pas utilisées. Une salle d’opération, c’est 1000 chirurgies par année. Il aurait suffi d’activer l’une des deux salles « dormantes » de Sacré-Cœur pour traiter les 300 patients qu’on va maintenant transférer à Rockland MD.

Salles dormantes

Pourquoi ne pas avoir financé l’ouverture de l’une des deux salles dormantes plutôt que d’acheter du temps opératoire à une clinique privée ?

Les Québécois investissent annuellement plus de 23 MM de leurs taxes et impôts pour leur réseau de santé et de services sociaux. Avant de sous-traiter des soins vers le privé, il vaudrait mieux rentabiliser au maximum cet investissement public.

C’était exactement l’objectif recherché par les syndicats de Sacré-Cœur lorsqu’ils ont proposé à la direction de l’institution la création d’un comité de travail.

La direction de l’établissement a accepté et les deux parties devaient se rencontrer à partir de janvier autour d’un objectif commun : augmenter l’efficacité du bloc opératoire afin d’accroître le nombre de chirurgies pouvant y être pratiquées. En précipitant l’entente avec RocklandMD, le ministre n’a pas permis à cette discussion de donner ses fruits.

C’est d’autant plus dommage que cet été, employés et administrateurs de Sacré-Cœur ont démontré qu’ils étaient capables de s’entendre.

Solutions nouvelles

Ils ont convenu de changer l’horaire du bloc opératoire pour commencer à 6 h au lieu de 7 h. Résultat : l’hôpital peut opérer 2 personnes de plus par jour. C’est 450 chirurgies de plus par année. On compense ainsi pour le manque de personnel qui a servi à justifier l’entente avec Rockland MD.

Il aurait fallu faire confiance aux artisans de notre réseau public de santé. Ce sont eux qui tiennent le système de santé à bout de bras.

Il serait d’ailleurs temps que quelqu’un leur dise à quel point leur travail est apprécié. Sans eux, nous ne réussirons pas à conserver notre système de santé public.

Les grands changements dans les organisations, publiques ou privées, ne peuvent se faire sans le concours des employés. Tous les acteurs du réseau – administrateurs, directions d’établissement, syndicats – doivent chercher ensemble des solutions nouvelles qui rendront notre réseau de santé plus efficace, plus performant.

En faisant les choses autrement, nous aurons montré que défendre le système public ne signifie pas défendre le statu quo. C’est le patient qui en sortira gagnant. C’est essentiel.


Source : Le Journal de Montréal, page d’opinions, 18 décembre 2007

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