De thème à valeurs fondamentales

On consacre souvent beaucoup de temps à leur création, on y réfléchit longuement, on en discute en équipe, on pèse chacun des mots utilisés, on essaie de les rendre significatifs, mobilisateurs, encourageants et uniques : les thèmes.

Au printemps dernier, les fédérations de la CSN tenaient leur congrès. Et au cœur de ces instances, on retrouvait un thème central autour duquel tournaient les propositions et les recommandations. Parfois, même l’ambiance et les activités des congrès sont guidées par le thème choisi. Mais ces fameux thèmes, que veulent-ils dire exactement ? Qu’essaie-t-on de communiquer aux membres et aux délégué-es ? Sont-ils de simples « lignes » de communication ou ont-ils un rôle plus important ? Les fédérations se sont prêtées au jeu de lever le voile sur les questions entourant ces fameux thèmes.

David Bergeron-Cyr (FC–CSN), Ginette Langlois (FP–CSN), Caroline Quesnel (FNEEQ–CSN), Jeff Begley (FSSS–CSN), Pierre Brassard (CSN-Construction). Derrière : Nathalie Arguin (FEESP–CSN), Louis Bégin (FIM–CSN), Pascale St-Onge (FNC–CSN) | Photo : Michel Giroux

FEESP : Mon quotidien, j’y vois. Mon syndicat, j’y crois.
« Le choix de notre thème de congrès est le fruit de la consultation interne de plus d’une centaine de per­son­nes, du comité exé­cutif aux militantes et militants des secteurs et comités, en passant par le bureau fédéral et des salarié-es de l’équipe, explique Nathalie Arguin, présidente de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN). Notre thème est bien ancré dans le présent et dans l’action. Il reflète notre approche collective et inclusive dans la dispensation de nos services, démontre le travail quotidien des militantes et militants auprès des membres. Finalement, il exprime la rigueur dans le travail et la confiance en l’action syndicale comme le meilleur moyen pour faire avancer les droits des travailleuses et travailleurs. Nous voulions un thème dynamique, qui fait ressortir le fait que nous sommes en mouvement et sur le terrain. »

FIM : Nos membres au cœur  de nos actions
« Notre thème ? Je crois qu’il dit tout, rigole André Miousse, vice-président à la vie syndicale de la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM–CSN). Mais je vais quand même essayer de l’expliquer. La FIM existe grâce aux membres qu’elle représente. Et j’insiste sur le choix du mot “représente”. Pour moi, l’objectif premier de la fédération, ce doit être les services aux membres. Nous devons nous assurer de répondre à leurs attentes et non l’inverse, d’où l’importance de l’idée de “représentation”. Pour la partie “au cœur de nos actions”, nous avons constaté que trop souvent les structures deviennent lourdes. Il était donc important de retourner vers la base, notre base, parce que nous sommes toutes et tous des militants avant toute chose. Nous avons décidé d’arrêter le dédoublement des structures et de nous concentrer sur les services directs aux membres. En bref, ce qui est “au cœur de notre action”, c’est l’amélioration des conditions de vie des travailleuses et travailleurs. Il ne faut jamais oublier d’où on vient si on veut savoir où on s’en va. Pour la partie “nos membres”, nous avions le souhait que tous les membres s’approprient leur fédération. »

Visuels des congrès de la FIM, de la FNEEQ, de la FP, et de la FSSS

FC : Combattre à vos côtés
« Dans un contexte de morosité syndicale, et même de cynisme à l’égard du mouvement ouvrier, notre fédération a choisi de se recentrer sur ses racines, soit le syndicalisme de combat, explique David Bergeron-Cyr, président de la Fédération du commerce (FC–CSN). La combativité est une caractéristique qui distingue depuis longtemps la CSN d’autres organisations syndicales. Pour la FC–CSN, le syndicalisme de combat doit privilégier l’action collective par rapport au traitement individuel des dossiers. L’action collective qui nous caractérise est présente lors des négociations des conventions, mais une fois réglées, toute l’action syndicale est principalement dirigée vers la défense individuelle. Nous voudrions axer le militantisme syndical vers le développement du “savoir être” des camarades, afin qu’ils écoutent les problèmes de leurs membres et développent la solidarité dans leurs milieux de travail. Tous les problèmes vécus par nos membres ne se régleront pas par l’action collective, et tous les syndicats n’ont pas la capacité de régler leurs problèmes par l’action collective. C’est pourquoi la FC–CSN sera “à vos côtés” et accentuera sa présence sur le terrain. Car pour elle, le syndicalisme de combat est le moyen privilégié pour développer une conscience de classe et un sentiment d’appartenance des camarades envers leur syndicat. »

FNEEQ : Élargir l’horizon des possibles
« Lorsqu’est venu le moment de choisir le slogan du con­grès, nous voulions réunir dans une même formule deux dimensions, indique Caroline Quesnel, présidente de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ–CSN) : la portée du travail quotidien des enseignantes et des enseignants dans leur milieu, ainsi que le sens de leur engagement dans la vie syndicale. Le thème retenu témoigne de notre volonté de travailler ensemble afin de concevoir une alternative crédible et applicable aux propositions de la droite politique et économique. Nous voulons trouver d’autres “possibilités” pour contrer les idéologies dominantes qui imposent un système politique injuste et inéquitable et qui privilégient les finances au détriment de l’humain. Finalement, ce thème est surtout une invitation à se retrousser les manches et à trouver des solutions qui tiennent compte des préoccupations des femmes et des hommes, de leurs idées et de leur environnement. Les congrès sont des lieux privilégiés pour développer ces réflexions, pour ensuite les faire vivre au sein des syndicats qui les transmettront à leurs membres qui, à leur tour, les partageront avec leur famille et leurs proches. Ainsi, nous arriverons véritablement à “élargir l’horizon des possibles”. »

FNC : Des libertés à défendre
« Nous avons choisi ce thème, car les travailleuses et les travailleurs que nous représentons œuvrent dans des secteurs protégés par des droits et libertés inscrits dans nos chartes, soit la liberté de presse, le droit du public à l’information et la liberté d’expression, explique Pascale St-Onge, présidente de la Fédération nationale des communications (FNC–CSN). Or depuis plusieurs années, la culture et les médias vivent de graves difficultés économiques et structurelles. Les plateformes numériques étrangères dévalorisent nos productions journalistiques et artistiques, en les offrant gratuitement aux usagers, le plus souvent sans aucune forme de rétribution, en plus de capter les revenus, qui autrefois finançaient nos productions. Alors, au-delà des emplois à défendre, ce sont les fondements même de notre société qui sont en péril. Qui seront nos yeux et nos oreilles dans les lieux de pouvoir d’où nous sommes autrement exclus si le journalisme professionnel continue de dépérir faute de moyens ? Comment vivrons-nous notre culture, si nos institutions culturelles, nos artistes et nos artisans continuent d’être sous-financés ? Ainsi, la FNC–CSN doit mener ces importants combats pour défendre des libertés et des droits fondamentaux que notre société tient trop souvent pour acquis. »

Visuels des congrès de la CSNConstruction, de la FC, de la FEESP, et de la FIM

FP : Ma profession. Ma fédération. Notre force collective.
« Comme fédération multisectorielle, nous représentons une grande et belle diversité de professionnels œuvrant dans différents milieux de travail, présente Ginette Langlois, présidente de la Fédération des professionnèles (FP–CSN). Ce qui nous unit, c’est justement cette condition “professionnelle”, que l’on soit techniciens, bacheliers, maîtres ou docteurs. Tous ensemble nous cumulons une somme importante d’expertises différentes qu’il nous faut à tout prix mettre à profit lors de notre action syndicale. Cette diversité constitue une richesse pour notre action collective, de la même façon que notre identité professionnelle influence et teinte notre action collective. Nous avons aussi souhaité un congrès tourné vers les préoccupations qui touchent nos membres dans leur pratique professionnelle et qui leur permet, par l’action collective, de sortir de l’isolement afin qu’ensemble nous puissions faire avancer nos conditions. Une large majorité des professionnels ont tendance à s’isoler et à ne pas voir la pertinence de l’action syndicale, percevant leurs connaissances et leurs compétences comme les principaux outils de négociation de leurs conditions de travail. Ainsi, notre thème porte le message que la FP peut être un lieu de mise en commun et le vecteur de leur action collective porteuse de changement. »

FSSS :Déterminées
« Au courant des quatre dernières années, nous avons tous été témoins de la détermination des docteurs Couillard et Barrette et de l’équipe du gouvernement libéral à démanteler le réseau de la santé et des services sociaux, ainsi que celui des services de garde, souligne Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN). Du même coup, à la FSSS, nous avons constaté que le rempart face à leurs attaques reposait sur la résilience exceptionnelle du personnel qui continue jour après jour de faire un travail exceptionnel dans des conditions qui varient entre difficiles et exécrables. Dans ce contexte, les délégués-es du congrès ont amorcé des discussions pour que nos voix soient entendues et respectées. Nous sommes déterminés à remettre nos réseaux sur les rails. Pour y arriver, les dirigeants des réseaux et le gouvernement doivent faire preuve d’une réelle écoute. Nous avons des solutions pour la pénurie de main-d’œuvre, pour les problèmes criants de santé et sécurité au travail, pour le manque de prévention dans nos établissements, pour retrouver la satisfaction du travail bien accompli. Nos vis-à-vis doivent renouer avec le dialogue et avec la négociation. Ainsi, nous nous promettons d’être déterminés à nous mettre en mode transformation, pour nous et pour nos réseaux de travail. »

Viser juste avec la CSN–Construction
« Ça bouge dans l’industrie de la construction, annonce Pierre Brassard, président de la CSN–Construction. La nette augmentation des heures travaillées par l’ensemble des salarié-es de l’industrie en témoigne. Dans ce contexte en effervescence, les travailleuses et les travailleurs ont besoin d’une fédération à leur image. Une fédération proche de ses membres. Une fédération qui comprend leurs besoins et qui sait y répondre efficacement. Avec la nouvelle CSN–Construction, ils ne se trompent pas. C’est ça que traduit notre thème de congrès 2018. »

Des morceaux de notre histoire populaire

«LCSN a un trésor archivistique considérable. Nos journaux, produits sur plus de 75 ans, illustrent l’histoire de la CSN et les messages qui ont été portés au cours de cette période riche en événements sociaux et syndicaux. Ils racontent, depuis 1942, le quotidien des travailleurs et des travailleuses, mais aussi leurs espoirs et leurs souhaits. Cette presse syndicale est leur voix. Comment en auraient-ils une autrement ? »

À l’occasion des Journées de la culture, en septembre 2017, le secrétaire général de la CSN, Jean Lortie, n’était pas peu fier de présenter l’imposante collection des journaux officiels de la confédération. À cette occasion, elle a également rendu publiques plus de 10 000 pages de ces journaux qui ont été numérisées pour les rendre accessibles depuis son site Internet.

« En jetant un œil à ces publications, on peut y lire le point de vue de ces femmes et de ces hommes sur des moments qui ont marqué le Québec, des moments dont ils ont été les principaux acteurs et actrices et qui n’ont pas toujours été rapportés par l’histoire officielle, renchérit Jacques Létourneau, président de la CSN. Les batailles, les grandes négociations, les mobilisations qui ont permis des avancées majeures pour l’amélioration de leurs conditions de vie, mais également pour la société québécoise et canadienne, y sont racontées. La CSN est une organisation de lutte et ses journaux en sont le reflet. »

Précurseur et longévité

En publiant un journal sur une base régulière depuis plus de 75 ans, la CSN fait figure de précurseur, qui témoigne de cette volonté de faire connaître à ses membres les positions votées par ses instances et de partager largement leurs luttes. « En excluant la presse écrite, dont les magazines, il y a peu d’éléments de comparaison au Québec et au Canada pour les organisations qui ont publié sans interruption, et sur une période aussi longue, un média pour ses membres, tout en rendant cette information accessible au grand public », mentionne Jacques Létourneau.

Cette tradition s’est poursuivie en 1995, alors que la CSN a été parmi les toutes premières organisations à se doter d’un site Internet au Québec. « Il y a là un réel souci de transparence, d’éducation populaire sur les grands enjeux sociaux, autant que cette nécessité de promouvoir une solidarité concrète au sein de la classe des travailleuses et des travailleurs. »

L’information syndicale connaît dans les années 1940 une véritable popularité qui n’est certainement pas étrangère aux nombreuses luttes pour la reconnaissance syndicale et pour l’amélioration des conditions générales de travail, notamment celles en santé et en sécurité du travail.

Ainsi, dans Portrait d’un mouvement, publié par la CSN en 2000, on note qu’en 1948, Le Travail double son tirage, de 25 000 à 50 000. En 1950, Le Travail passe de mensuel à hebdo­madaire et en 1954, sous la direction de Gérard Pelletier, son tirage de 60 000 exemplaires le place au premier rang de la presse syndicale au Canada. En outre, en 1965, le journal officiel de la CSN, redevenu mensuel et comptant pas moins de 32 pages, est envoyé au domicile des quelque 225 000 membres, une opération qui ne pourrait très certainement pas être reprise aujourd’hui pour des raisons budgétaires et de logistique.

Le Service de l’information a réussi un véritable tour de force en produisant mensuellement Le Travail dès 1978, tout en diffusant un hebdomadaire, Nouvelles CSN, qui est devenu le journal officiel de la CSN en 1981. À l’époque, la publication présentait des résumés des communiqués de presse du mouvement et recensait les nombreux conflits de travail. Bimensuel paraissant 18 fois par année, Nouvelles CSN a été publié pour la dernière fois le 14 juin 2001, soit après 508 numéros. L’année suivante, il est remplacé par Perspectives CSN, un magazine de 36 pages distribué quatre fois par année. Après 58 numéros, il cède aujourd’hui sa place au Point syndical, un tabloïd de 16 pages qui sera publié cinq fois par année.

Catholicisme, anticapitalisme, combativité

Des journaux syndicaux, il s’en publiait avant janvier 1942. Lorsque la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), l’ancien nom de la CSN, lance Le Travail et la Vie syndicale, les conseils centraux de Québec et de Montréal, notamment, diffusent déjà leur publication à leurs membres depuis les années 1920. C’est le 6 mai 1939 que le comité exécutif de la CTCC adopte une résolution pour doter la centrale syndicale d’un organe officiel et « que ce journal doit être un journal d’opinion ».

Le premier numéro publié au milieu de la Seconde Guerre mondiale en témoigne. Le soutien à l’effort de guerre, notamment dans les usines métallurgiques, et l’emprise du catholicisme dominent. Dans le tout premier éditorial, le président de l’époque, Alfred Charpentier, ne laisse aucun doute à ce sujet : « La responsabilité nationale et tout ce que ces mots comportent de compréhension mutuelle et de collaboration entre employeurs et ouvriers, puis entre ces deux groupes et l’État, surtout en ces temps difficiles, voilà la tâche urgente à laquelle la CTCC veut se consacrer plus que jamais. »

Le traitement de la nouvelle et des positions confédérales change au lendemain de la guerre, lorsque le président nouvellement élu, Gérard Picard, lance une campagne de promotion pour faire davantage connaître Le Travail, publié dès 1946. Les luttes ouvrières y sont abondamment traitées et le ton n’est plus caractérisé par cette complaisance à l’endroit des élites politiques et économiques.

Qu’on en juge à la page frontispice de l’édition de juin 1949 : « Les mineurs d’amiante n’ont pas déclaré la grève pour plaire à leurs officiers ou aux dirigeants de la CTCC. Ils veulent en finir avec l’arrogance des compagnies minières, les seigneurs féodaux de l’industrie capitaliste moderne qui voudraient régner sur la misère ouvrière comme sur leur montagne d’or. »

Et que dire de cette manchette à la une de l’édition de septembre 1949 : « Il faut remplacer le capitalisme. » Mgr Desranleau, bien connu pour avoir bruyamment appuyé en 1937 les grévistes de Sorel contre l’une des familles les plus riches et les plus puissantes au pays, les Simard, y déclare : « C’est ce capitalisme qui est la cause de toutes nos misères. Nous devons travailler contre, non pas pour le transformer, il est intransformable, non pas pour le corriger, il est incorrigeable, mais pour le remplacer. »

Bien qu’appuyées par la faction la plus combative du clergé, ces manchettes annoncent la déconfessionnalisation de la CTCC — alors présidée par Gérard Picard —, qui deviendra la CSN en 1960 et qui sera enrichie du syndicalisme de combat ainsi que du deuxième front théorisé par Marcel Pepin.

Des moyens diversifiés

En plus des nombreux conflits de travail qui se déroulent aux quatre coins du Québec, Le Travail relaie les positions sociales de la confédération pour améliorer les conditions générales de vie de ses membres, mais aussi celles de la population : un régime d’assurance-automobile (1947), un régime public et gratuit de santé et d’éducation incluant la gratuité scolaire (1958), une législation touchant les sociétés de finance, véritables requins qui égorgent les familles ouvrières (1964).

L’information est toujours au cœur de l’action de la CSN pour bien renseigner ses membres sur les revendications et les luttes syndicales autant que sur les positions votées par les instances du mouvement. Si la presse imprimée garde sa pertinence, les moyens déployés aujourd’hui sont à l’image des technologies qui ne cessent de se développer. À l’ère numérique, la CSN diffuse aujourd’hui des vidéos, une infolettre, des blogues et des nouvelles, depuis son site Web et dans les médias sociaux. En outre, elle offre aux syndicats des sites Internet conviviaux pour qu’à leur tour, ils profitent de ces avancées et puissent mieux informer leurs membres.