Pour un programme de régularisation véritablement inclusif

Vingt organisations communautaires et syndicales, appuyées par de nombreux groupes et individus des milieux académiques, religieux et patronaux, se réunissent pour réclamer la mise en place d’un programme véritablement inclusif visant la régularisation des personnes sans statut migratoire. Ces organisations demandent aux gouvernements du Canada et du Québec de s’engager concrètement dans ce processus, et ce, en collaboration avec la société civile.

Un programme en cours d’élaboration
À la suite de la lettre du premier ministre Justin Trudeau qui demande au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté (IRCC) de créer un programme de régularisation, le gouvernement fédéral prépare un programme de régularisation des personnes sans statut migratoire. Bien que les détails du programme ne soient pas encore précisés, le gouvernement envisage de régulariser les quelque 500 000 personnes sans statut au Canada.

Qui sont les personnes sans statut migratoire ?
Selon les expériences des organisations œuvrant auprès de personnes sans statut, celles-ci sont généralement les personnes qui sont entrées au Canada avec un statut et qui l’ont perdu à un certain moment. Les raisons de la perte d’un statut varient, mais on constate que dans la majorité des cas, un statut est perdu soit parce qu’une demande d’asile a été déboutée, soit parce que la personne n’était pas en mesure de renouveler son permis de travail ou d’études. De même, si une personne titulaire d’un permis de travail associé à un employeur unique (permis de travail dit fermé) quitte son emploi pour fuir les abus de l’employeur, elle devient sans statut si elle n’arrive pas à trouver un autre employeur lui permettant d’obtenir un nouveau permis de travail. La perte d’un statut n’est pas un acte criminel, mais consiste en une situation administrative non anticipée qui se produit pour beaucoup de personnes migrantes.

Pourquoi une régularisation ?
C’est d’abord et avant tout pour des considérations humanitaires et de respect du droit international que les organisations signataires réclament la régularisation des personnes sans statut. Ces personnes, qui sont venues au Canada après avoir fui la persécution et l’insécurité sociale ou financière, vivent depuis avec nous. Alors qu’elles contribuent à notre société, elles vivent souvent des abus et de la discrimination en raison de leur absence de statut. Ces personnes n’ont pas accès aux services publics répondant aux droits fondamentaux de tout être humain (santé et minimum vital notamment) et vivent dans la peur de la déportation.

Tout se passe comme si elles avaient été sanctionnées pour ne pas avoir de statut. Or, comme le stipule la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies, « le droit de quitter tout pays » et « le droit à une nationalité » sont des droits fondamentaux censés être garantis à toutes les personnes. Dans l’esprit de cette déclaration, de nombreux pays, dont la majorité des pays membres de l’Union européenne, ont mis en place des programmes de régularisation au cours des dernières décennies, et, dans bien des cas, de manière récurrente.

C’est par ces considérations humanitaires et de respect du droit international que la demande de régularisation est justifiée. Il serait pourtant nécessaire de mentionner d’autres aspects positifs et importants que la régularisation peut apporter à notre société. Soulignons enfin que la majorité des personnes sans statut en sol québécois ont déjà accumulé des années d’expérience de travail au Québec. Un grand nombre d’entre elles ont continué à travailler même pendant la période de confinement (pandémie de la COVID-19) au risque d’être infectées. Leur contribution à l’économie de notre société est ainsi essentielle. Il faut la reconnaître, d’autant plus que leur apport est incontestable dans cette période de pénurie de main-d’œuvre. Sur le plan linguistique et culturel, ces personnes ont déjà commencé à s’adapter aux us et coutumes du Québec, à apprendre la langue française et à tisser leur réseau social en dépit des obstacles.

L’obtention d’un statut permanent leur permettra de faire valoir leurs droits, d’améliorer leurs conditions de travail et de vie dans la santé, la sécurité et la dignité et de participer à la vie sociale plus harmonieuse.

Revendications
Considérant tous les aspects mentionnés, les organisations signataires revendiquent :

  • Que le programme en élaboration soit véritablement inclusif ;

Afin d’inclure ces personnes se trouvant dans des situations variées, le programme de régularisation doit être inclusif, notamment en minimisant les exigences et en simplifiant le processus de demande. Il faut éviter, entre autres, le précédent créé par le programme de régularisation, dit « le programme d’anges gardiens », qui a exclu la majorité des personnes initialement visées, et par le fait même, qui est allé à l’encontre de « la reconnaissance de leur contribution essentielle ». De plus, il est nécessaire de revisiter l’ensemble du système d’immigration afin de mettre sur pied des programmes plus humains et plus inclusifs, permettant de protéger les droits de toutes les personnes.

  • Que le gouvernement du Québec s’engage dans sa mise en place.

Afin que ce programme soit mis en place au Québec, le gouvernement québécois doit s’engager dans le processus, et ce, en collaboration avec la société civile du Québec.

Les luttes communes
Les luttes seront poursuivies par toutes les organisations signataires ainsi que par d’autres groupes et individus appuyant la cause. La prochaine action commune est prévue en date du 6 novembre dans différentes régions du Québec, et d’autres activités suivront au cours des prochains mois.

Citations
« Nous sommes devenus sans statut, parce que le système d’immigration est complexe et restreint et ne nous protège pas des abus des employeurs, des recruteurs et d’autres personnes malhonnêtes. Ne pas avoir un statut migratoire, ce n’est pas un acte criminel, c’est un problème administratif. Nombreux pays dans le monde, comme l’Espagne, l’Italie, le Portugal ou l’Irlande ont mis sur pied des programmes de régularisation. Pourquoi pas au Canada et au Québec, dans notre pays, censé respecter les droits de la personne ? » 

  • Nina Gonzalez, Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI)

« On réclame un programme de régularisation sans exception ni discrimination et l’arrêt des déportations. Nous sommes un pilier fondamental pour la société québécoise et on devrait être soutenu inconditionnellement ! » 

• Samira Jasmin, Solidarité sans frontières (SSF) 

« Les personnes sans statut sont vulnérables face aux abus de toutes sortes de la part d’agences et d’employeurs sans scrupules. Nous avons le devoir d’assurer le respect de leurs droits. Régulariser leur situation permet également de mieux faire face à la pénurie de personnel et de protéger l’évolution des salaires et des conditions de travail de toute la population. Il faut favoriser l’immigration permanente et lutter contre la précarisation rampante à laquelle nous assistons depuis plusieurs années. C’est une question d’égalité et de justice sociale, mais aussi un enjeu de préservation des acquis sociaux pour lesquels plusieurs générations de travailleuses et de travailleurs se sont battues. » 

  • Katia Lelièvre, 3evice-présidente, Confédération des syndicats nationaux (CSN)

« Il est essentiel que le Québec s’associe au gouvernement fédéral pour le succès d’un programme de régularisation à l’intention des personnes sans statut du Québec. » 

  • Stephan Reichhold, directeur, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

« Les droits humains des personnes sans statut et à statut précaire sont constamment bafoués : leurs droits au travail, leur droit à la santé, et parfois même leur droit à la vie. La régularisation de leur statut migratoire est un moyen efficace pour protéger les droits de ces personnes. Ainsi, Amnistie internationale Canada francophone soutient la demande pour un programme de régularisation large et inclusif, au Québec et au Canada. » 

  • Marisa Berry Méndez, responsable des campagnes, Amnistie internationale Canada francophone

À propos

Cette prise de position est notamment soutenue par

  • Amnistie internationale Canada francophone
  • Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
  • Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
  • Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI)
  • Centre justice et foi (CJF)
  • Clinique pour la justice migrante (CJM)
  • Comité d’action de Parc-Extension (CAPE)
  • Conseil central du Montréal métropolitain–CSN (CCMM–CSN)
  • Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM)
  • Confédération des syndicats nationaux (CSN)
  • Debout pour la dignité
  • Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
  • Illusion Emploi de l’Estrie
  • Le Québec c’est nous aussi
  • Ligue des droits et libertés (LDL)
  • Médecins du Monde Canada
  • PINAY
  • Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ)
  • Solidarité sans frontières (SSF)
  • Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)

Toward a Truly Inclusive Regularization Program

Twenty community and labour organizations, supported by numerous groups and individuals from academic, faith, and business communities, have joined forces to call for implementation of a truly inclusive program aimed at regularizing the situations of persons lacking immigration status. These organizations are urging the governments of Canada and Quebec to demonstrate a concrete commitment to this process, in collaboration with civil society.

Program under development
Following a letter from Prime Minister Justin Trudeau asking the Minister of Immigration, Refugees and Citizenship (IRCC) to take action, the federal government is now preparing a program to regularize people without migrant status. Although the details of the program remain unclear, the government is looking at regularizing an estimated 500,000 non-status persons within Canada.

Who are non-status migrants?
According to organizations that work with persons lacking status, such non-status persons are generally people who entered Canada with status but then lost it at some point. Reasons for loss of status vary, but, in the majority of cases, status is lost either because a refugee claim was rejected or because the person was unable to renew their work or study permit. Similarly, if a person with a work permit associated with a single employer (a so-called “closed” work permit) leaves their job to escape abuse by that employer, they will lose status if they are unable to find another employer to obtain a new work permit. Loss of status is not a criminal act. Nonetheless, it results in an unanticipated administrative situation for many migrants.

Why regularization?
It is, first and foremost, for humanitarian considerations and out of respect for international law that the signatory organizations are calling for regularization of non-status persons. Since coming to Canada, having fled persecution and/or social or financial insecurity, these people have been living next to us and contributing to our society. Despite this, due to their lack of status, they often experience discrimination and abuse. Moreover, non-status persons cannot access public services to meet even their essential human rights requirements (in particular, basic health and living standards) and they live in constant fear of deportation.

This is like being punished for not having status. Yet, as stated in the United Nations Universal Declaration of Human Rights, the “right to leave any country” and the “right to a nationality” are fundamental rights, which are to be guaranteed to all people. In the spirit of the Declaration, many countries, including the majority of EU member states, have implemented regularization programs over the past decades – in many cases, on a recurring basis.

In view of humanitarian considerations and the requirements of international law, regularization is a reasonable demand. But it is also necessary to acknowledge the important, positive aspects of regularization for our society. And it ought to be noted that the majority of non-status persons in Quebec have already accumulated years of work experience, while working in Quebec. Many of them even continued to work through the COVID-19 pandemic restrictions, at substantial personal risk of infection. As such, their contributions to our economy and society have been essential. Their undeniable contributions during the current period of labour shortages must also be acknowledged. In terms of language and culture, these people have already begun to adapt to the customs and traditions of Quebec, to learn the French language, and to build new social networks, despite all the obstacles they face. Obtaining permanent status will permit them to assert their rights and improve their working and living conditions in health, safety, and dignity, and thus to participate fully in the social life of our society.

Declaration

In consideration of the factors listed above, the signatory organizations hereby declare:

  • That the program currently under development be truly inclusive.

To accommodate these individuals’ diverse needs and contexts, a regularization program has to be inclusive. This must include keeping requirements to a minimum and simplifying the application process. Among other things, the precedent set by the so-called “Guardian Angel” regularization program – which, in the end, excluded the majority of those it originally targeted and thus worked against the “recognition of their essential contribution” – must be avoided. Further, there is great need for a comprehensive revision of the entire immigration system, in order to create more humane and inclusive programs that protect the rights of all people.

  • That the Government of Quebec commit to implementing the program.

For this program to be implemented in Quebec, the Quebec government must commit itself to the process fully and in collaboration with Quebec civil society.

Struggles in common
The signatory organizations are committed to advancing this campaign together with other supportive organizations and individuals. Our next joint action is scheduled for November 6, in various locations throughout Quebec. Further activities will follow in the coming months.

Relevant Quotes

“We have lost status because the immigration system is complicated and restrictive, and does not protect us from abuses by employers, recruiters, and other underhanded persons. Not holding immigration status is not a criminal act, it is an administrative problem. Many countries in the world, such as Spain, Italy, Portugal, and Ireland, have set up regularization programs. So why not in Canada and in Quebec, in our own country, which is supposed to respect human rights?”

—Nina Gonzalez, Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI – Immigrant Workers’ Centre)

“We demand a regularization program without exceptions or discrimination, and an end to deportations. We are a fundamental pillar of Quebec society and ought to be supported unconditionally!”

—Samira Jasmin, Solidarité sans frontières/Solidarity Across Borders

“Non-status people are vulnerable to all sorts of abuse by unscrupulous agencies and employers. It is our duty to ensure that their rights are respected. Regularizing their situation will also help us to address labour shortages and ensure the betterment of salaries and working conditions of the entire population. We must support permanent immigration and fight the rampant casualization that we have been witnessing now for several years. This is a question of equality and of social justice, but it is also a matter of preserving the social gains fought for by multiple generations of workers.”

—Katia Lelièvre, 3rd Vice-President, Confédération des syndicats nationaux (CSN)

“It is essential that Quebec partner with the federal government to ensure a successful program of regularization for non-status persons in Quebec.”

—Stephan Reichhold, Director, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI – Roundtable of Organizations Supporting Refugees and Immigrants

“The human rights of non-status persons and persons of precarious status are constantly violated: their right to work, their right to health, and sometimes even their right to life. Regularization of immigration status is an effective way to protect the rights of these persons. Amnesty International Canada supports the demand for a broad, inclusive regularization program in Quebec and in Canada.”

—Marisa Berry Méndez, Campaigns Manager, Amnesty International Canada (Francophone)

About

This position paper is supported by:

  • Amnistie internationale Canada francophone
  • Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
  • Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
  • Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTTI)
  • Centre justice et foi (CJF)
  • Clinique pour la justice migrante (CJM)
  • Comité d’action de Parc-Extension (CAPE)
  • Conseil central du Montréal métropolitain–CSN (CCMM–CSN)
  • Conseil régional FTQ Montréal métropolitain (CRFTQMM)
  • Confédération des syndicats nationaux (CSN)
  • Debout pour la dignité
  • Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
  • Illusion Emploi de l’Estrie
  • Le Québec c’est nous aussi
  • Ligue des droits et libertés (LDL)
  • Médecins du Monde Canada
  • PINAY
  • Réseau d’aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ)
  • Solidarité sans frontières (SSF)
  • Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI)