14 octobre 2005 – Réactions au documentaire de Paul Arcand – Les syndiqués – es CSN des centres jeunesse espèrent enfin se faire entendre

Réactions au documentaire de Paul Arcand

Les syndiqués-es CSN des centres jeunesse espèrent enfin se faire entendre

La réaction est unanime : la situation des jeunes et des enfants présentée par Paul Arcand dans son documentaire lancé vendredi dernier est inacceptable. Les intervenantes et les intervenants des syndicats des centres jeunesse affiliés à la CSN dénoncent depuis plusieurs années les dérapages du système de la protection de la jeunesse et espèrent que le battage médiatique autour de ce documentaire aboutira enfin à des débats sérieux et à des solutions concrètes.

« Nous ne sommes pas les seuls à soulever les aberrations du système. Plus d’une dizaine de rapports abondent dans le même sens, déclare la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau. Les multiples réorganisations et le démantèlement des équipes spécialisées ont eu des répercussions importantes sur les services à la jeunesse ; ce qui a eu pour conséquence de ne pouvoir assurer une stabilité dans l’intervention auprès des enfants. »

La surcharge des intervenants

Parmi les problèmes identifiés dans le documentaire et dénoncés par les syndicats, il y a la surcharge de travail des intervenants. Ceux-ci doivent souvent cumuler plus de 25 dossiers, alors que l’Association des centres jeunesse du Québec (ACJQ) en recommande 16 pour offrir un service adéquat. En plus de la surcharge de travail, l’encadrement clinique est quasi inexistant. « L’intégration des nouveaux se fait très souvent en les lançant dans la mêlée sans grande supervision et sans soutien clinique ou encore en les référant à leurs collègues qui sont déjà surchargés », constate Marie-Josée Brière, responsable de la mission jeunesse de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN.

Listes d’attente

Non seulement les cas traités par chaque intervenant sont trop nombreux, mais les intervenantes et les intervenants déplorent également que la situation devient encore plus critique au niveau des listes d’attente à la suite des signalements. La CSN dénonçait, en 2001, dans le cadre de sa politique sur les services sociaux à la jeunesse, le fait qu’au-delà des données officielles fournies par les établissements plusieurs centres jeunesse avait développé des pratiques qui ont toujours pour effet de camoufler une partie de ces listes en attribuant les dossiers aux intervenants sociaux qui n’ont pas la disponibilité nécessaire pour faire les interventions.

Il est à noter que le gouvernement Charest, pour qui la jeunesse serait une priorité, avait fait de la diminution des listes d’attente et de la réduction du nombre de dossiers par intervenant une de ses promesses électorales en 2003.

La réponse du gouvernement

La réponse du gouvernement au documentaire de Paul Arcand a été de réitérer son intention de réformer la Loi sur la protection de la jeunesse en redonnant des projets de vie aux enfants, comme l’adoption pour empêcher les déplacements multiples. « Nous ne croyons pas que le seul fait de donner plus de dents à la loi va résoudre en soi tous les problèmes, insiste Claudette Carbonneau. La proposition de réforme à la loi n’est pas mauvaise mais elle ne correspond pas à la réalité. Dans le contexte actuel, on n’aurait pas les moyens de l’appliquer », ajoute la présidente. Les intervenants croient en effet que le fait d’ajouter des tâches supplémentaires, qui découlent du projet de loi qui sera déposé la semaine prochaine, ne ferait qu’aggraver la crise si d’autres mesures ne sont pas mises en place immédiatement.

Appui au milieu

Marie-Josée Brière croit que l’appui au milieu naturel demeure indispensable. « Lorsqu’un placement est nécessaire, il faut que les familles d’accueil soient bien soutenues pour recevoir les jeunes blessés. Il faut aussi des intervenants en nombre suffisant pour assurer l’évaluation des familles d’accueil et les suivis, sans quoi nous risquons de faire face à des situations encore plus critiques que celles qui sont dénoncées actuellement. »

Solutions concrètes

Pour résoudre les problèmes évoqués dans le documentaire de Paul Arcand, il faudrait, avant toute chose, que nos politiciens décident d’investir dans notre avenir en choisissant d’investir dans nos enfants.

Depuis des années, les intervenantes et les intervenants dénoncent la surcharge comme une embûche majeure à la capacité de donner des services de qualité aux enfants et à leur famille. Une solution concrète et attendue : moins de dossiers par intervenant. La politique sur les services sociaux à la jeunesse présentée en 2001 par la CSN propose d’ailleurs un ensemble de solutions.

Afin de contrer la lourdeur de la « machine DPJ » et de dénoncer les irrégularités qui existent parfois, les intervenants croient que des mesures de contrôle plus resserrées seraient à envisager. Les différents centres jeunesse sont de grosses machines qui tournent parfois sur elles-mêmes. En effet, lorsque certaines situations sont dénoncées, elles peuvent être juge et partie à la fois, ce qui nous a toujours paru inacceptable.

Débat public

« Le documentaire a le mérite d’avoir lancé le débat sur la place publique », affirme Sylvie Théoret, présidente du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du Centre jeunesse de Montréal et intervenante sociale. « Les réactions qui ont suivi sa diffusion ont apporté des nuances importantes. La situation des jeunes présentée dans le documentaire est souvent révoltante pour nous comme pour le public. Nous savons que les solutions sont complexes », ajoute-t-elle.

« Il est à souhaiter que le débat amorcé par le documentaire de Paul Arcand ira au-delà du rôle de la DPJ et de la législation et qu’il interpellera l’ensemble de la société à propos de la détresse de nos enfants, y compris le personnel des centres jeunesse qui a la délicate et difficile tâche de prendre en charge les jeunes et leurs familles, dit Claudette Carbonneau. Ils sont une partie des solutions. »

Briser le silence

Dans les Voleurs d’enfance, une voix ne se fait effectivement pas entendre, celle des intervenants sociaux qui doivent faire face quotidiennement à la vive souffrance des enfants. Pourtant, lorsqu’il y a une faille, lorsqu’une situation se détériore à un point tel qu’elle attire l’attention des médias, ce sont ces intervenants qui se retrouvent sous les projecteurs. On ne se soucie alors guère de questionner les conditions d’exercice de leur profession, qui ont un impact direct sur la qualité des services et la vie de milliers d’enfants et de jeunes.

« Les intervenants sont doublement contraints au silence : par l’essentielle confidentialité prévue aux différentes lois, mais aussi par la loyauté exigée de leur employeur », lance Vincent Couture, adjoint au comité exécutif de la Fédération des professionnèles de la CSN. Marie-Josée Brière ajoute : « Ce documentaire nous permet enfin de faire entendre notre point de vue trop longtemps ignoré. Il est rare qu’une telle opportunité se présente. Le débat interpelle l’ensemble de la société et ne porte pas uniquement sur des situations précises. »

Les quelque 10 000 syndiqué-es CSN des centres jeunesse, qui sont souvent au bout du rouleau, espèrent que cette attention nouvelle envers la situation de nos jeunes maltraités aboutira à des solutions concrètes et que « le sujet à la mode » ne tombera pas dans les oubliettes, une fois de plus.


Source : CSN – 14 octobre 2005

Pour renseignements : Geneviève Meloche, tél. : 514 598-2290 ; cel. : 514 605-4432

Partager cette page sur Facebook Twitter LinkedIn Reddit Pinterest

Articles récents

Caroline Senneville sur la syndicalisation d'un entrepôt AMAZON à Laval
Partager cette nouvelle

Le Point syndical  automne 2023