19 janvier 2007

Affaire Brady

La Cour suprême reconnaît le bien-fondé des prétentions syndicales, mais rejette le grief pour des raisons techniques

La CSN est profondément attristée que le jugement de la Cour suprême, rendu ce matin dans l’affaire Brady, confirme le congédiement de madame Alice Brady, qui tentait de réintégrer son emploi de secrétaire médicale à l’hôpital Général de Montréal après une absence de plus de 36 mois. En dépit du rejet du grief, la Cour confirme cependant le bien-fondé des prétentions syndicales.

La Cour note que « l’accommodement raisonnable est incompatible avec l’application mécanique d’une norme d’application générale. En ce sens, le syndicat a raison de dire que la détermination de la mesure de l’accommodement ne peut reposer sur l’application aveugle d’une clause conventionnelle ».

« La Cour suprême confirme les prétentions syndicales voulant que les clauses de terminaison automatique d’emploi ne puissent pas être appliquées de façon aveugle et automatique. Ce qui constitue un gain majeur. Nous pourrons dorénavant utiliser cette jurisprudence », se réjouit la présidente de la CSN.

« Quand une personne, après 36 mois d’invalidité, est toujours incapable de reprendre le travail, ce n’est pas pour le plaisir ; il y a de sérieuses raisons qui l’en empêchent. C’est exactement ce qui est arrivé à madame Brady ! », rappelle Claudette Carbonneau.

Les faits

Madame Alice Brady travaillait à l’hôpital Général de Montréal depuis 1985 comme secrétaire médicale. Le 24 mars 2000, elle s’absente pour invalidité. Elle travaillera à raison de 3 jours par semaine pendant 16 mois, soit du 26 juin 2000 au 31 octobre 2001, dans le cadre de plusieurs périodes de réadaptation. Sa situation s’améliorant, un retour au travail est fixé par son médecin pour le 9 septembre 2002. Or, le 28 juillet 2002, madame Brady a un accident de voiture qui la rend inapte au travail. Elle ne peut donc revenir au travail le 9 septembre, tel qu’il est prévu.

Après 36 mois d’absence, soit le 12 mars 2003, l’employeur l’informe de son congédiement, et ce, en vertu de la convention collective, qui prévoit la fermeture automatique du dossier de tout salarié absent pour maladie autre qu’une lésion professionnelle. Le syndicat dépose un grief le 17 mars 2003, réclamant, à titre de mesure d’accommodement, le maintien du lien d’emploi de madame Brady.

Malheureusement pour madame Brady, on s’apercevra en juin 2003 qu’un mauvais diagnostic avait été posé lors de son accident d’auto. En effet, madame Brady souffre d’une fracture à l’épaule qui n’avait jamais été diagnostiquée. Au moment des audiences de son grief, madame Brady est en attente d’une opération pour réduire sa fracture. Lors de la dernière journée d’audience, l’arbitre est informé qu’elle sera opérée dans les jours suivants.

Le grief sera rejeté puisque l’arbitre considère que la clause constitue une règle impérative établie par les parties, à laquelle il est tenu et qui est d’application automatique. De toute façon, comment pourrait-on accommoder une personne inapte au travail ? La Cour supérieure refuse d’intervenir et approuve le raisonnement de l’arbitre.

La Cour d’appel déclare, quant à elle, que la perte du lien d’emploi de madame Brady après 36 mois d’invalidité représente une atteinte discriminatoire au sens de la Charte québécoise des droits de la personne. Elle casse la sentence arbitrale et considère que l’obligation d’accommodement impose de tenir compte de la situation réelle de chaque individu. Pour la Cour, il n’y a pas lieu d’appliquer aveuglément et de façon automatique la clause de convention collective qui rompt le lien d’emploi.

La Cour d’appel retourne le dossier à l’arbitre, afin que ce dernier examine si le maintien du lien d’emploi de madame Brady représente une contrainte excessive pour l’employeur, qui demande à son tour à la Cour suprême de réviser ce jugement.

« Nous sommes particulièrement heureux que la Cour suprême reconfirme le principe du caractère individualisé de l’obligation d’accommodement, lequel doit tenir compte de la situation des besoins et des caractéristiques particulières de chaque individu. La clause de convention collective constitue seulement un des éléments dont doit tenir compte un arbitre ou un employeur dans l’évaluation de la contrainte excessive », affirme Claudette Carbonneau.

« La Cour a accueilli l’appel, mais rejeté le grief parce que le syndicat était dans l’incapacité au moment de l’audience du grief de faire une preuve quant à la date de retour au travail de la salariée étant donné que son opération n’avait pas encore eu lieu, ce qui est fort regrettable », de poursuivre la présidente de la CSN.

« Nous lançons un appel humanitaire à l’employeur pour la réintégration de madame Brady. Nous sollicitons en son nom la compassion de l’employeur au-delà du débat juridique. Madame Brady est actuellement en parfaite forme et pourrait reprendre son emploi demain. L’employeur ne subirait aucun préjudice en la réintégrant. Il doit lui donner au moins une période d’essai pour démontrer sa bonne foi. Il ne doit pas se camoufler derrière la décision de la Cour suprême », de conclure la syndicaliste. La Confédération des syndicats nationaux compte plus de 300 000 travailleuses et travailleurs de tous les types de milieux de travail, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.


Sources : CSN – 26 janvier 2007

Pour renseignements : Michelle Filteau, directrice du Service des communications de la CSN, bureau : 514 598-2162 ; cellulaire : 514 894-1326

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