Bilan des 20 ans de l'ALENA à Mexico

Droits de la personne bafoués, droits des entreprises accrus

Les organisations du Québec, du Canada, du Mexique et des États-Unis impliquées dans les luttes concernant les accords commerciaux, dont la CSN, se sont donné rendez-vous à Mexico du 28 au 31 janvier pour faire le bilan de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), entré en vigueur il y a maintenant 20 ans. L’objectif de la rencontre était aussi de favoriser les convergences face aux diverses initiatives, comme le Partenariat Trans-Pacifique (PTP) qui se négocie actuellement et qui vise à renforcer les « droits » des investisseurs et des entreprises, au détriment des droits fondamentaux de la personne.

La situation des travailleurs s’est détériorée partout Plusieurs dizaines de militantes et de militants syndicaux du Mexique, du Québec, du Canada et des États-Unis ont participé aux discussions. Un constat unanime s’est rapidement imposé : l’ALENA n’a pas profité aux travailleuses et aux travailleurs.

Au Québec, on se rend compte que l’ALENA n’a aucunement empêché la baisse des emplois dans le secteur manufacturier. Ceux créés l’ont été en grand nombre dans des secteurs qui ne sont pas soumis à la concurrence étrangère, comme la restauration ou le commerce où les conditions de travail sont souvent moins bonnes. En outre, comme les travailleuses et les travailleurs de l’Amérique du Nord sont de plus en plus mis en concurrence entre eux, les salaires ont stagné et les inégalités sociales ont augmenté de manière importante.

Au Mexique, le salaire minimum se situe autour de 150 $ US par mois, alors que le coût minimal de vie est de 500 $ US. Évidemment, les différences entre les États en Amérique du Nord sont considérables, particulièrement avec le Mexique. Mais les promesses de prospérités qui ont été faites au peuple mexicain n’ont certainement pas été tenues. Dans les trois pays, on a plutôt assisté depuis 20 ans à une croissance des inégalités.

Partout, on déplore des politiques visant une uniformisation des conditions de l’échange et des investissements qui amène un nivellement pas le bas des politiques fiscales, des protections sociales, syndicales, environnementales, etc. Par exemple, au Canada, pas moins de quatre réformes du régime de l’assurance-emploi ont eu lieu entre 1990 et 1996 pour se rapprocher de la réalité étatsunienne. À la suite de ces réformes, l’État s’est retiré de son financement, les prestations ont été réduites, des catégories de chômeuses et de chômeurs ont été exclues de la couverture (départ volontaire ou congédiement pour inconduite). Les économies générées par ces coupes ont ensuite été volées par le gouvernement fédéral. D’autres réformes régressives ont été réalisées par la suite, jusqu’au saccage de 2012.

Parmi les autres dynamiques communes, mentionnons la précarisation des conditions de travail, la baisse du taux de syndicalisation et du rapport de force syndical, les attaques aux droits collectifs et l’émergence des travailleurs migrants, avec ou sans papiers, comme citoyens de seconde zone.

Les femmes ont été particulièrement affectées par la libéralisation des échanges et des investissements. Au Mexique, on les retrouve notamment dans les maquiladoras, soit des manufactures installées dans des zones franches dont le nombre a explosé depuis l’entrée en vigueur de l’ALENA, où elles œuvrent de 12 à 14 heures par jour au salaire minimum. Les cas de harcèlement sexuel, de violence verbale, de lésions professionnelles sont fréquents et les femmes qui y réclament leurs droits sont criminalisées.

Droits bafoués Malgré la diversité des situations, un même constat : les accords comme l’ALENA et le TPP accordent davantage de droits aux entreprises et aux investisseurs, alors que les droits de la personne sont bafoués

Dans les discussions concernant le monde agricole, tout comme dans les forums sur le travail, les femmes, l’environnement et les minières, on constate une détérioration des droits fondamentaux, notamment sur les plans économique, social et culturel, pour lesquels il faudrait aussi renforcer la dimension environnementale. Les peuples autochtones mexicains et les communautés affectées dénoncent les agissements des minières canadiennes qui sont très présentes au Mexique, où environ 800 projets miniers sont à l’étude.

Les clauses d’États investisseurs que l’on retrouve au chapitre 11 de l’ALENA, sont particulièrement nocives. Non seulement des multinationales ont poursuivi le Canada ou ses partenaires en raison de législations visant la défense du bien commun ou de l’environnement, mais on remarque une autocensure des gouvernements à en instaurer de nouvelles par peur d’éventuelles poursuites. Enfin, pour respecter les prescriptions de l’accord économique, le Canada a abandonné certains pouvoirs lui permettant d’imposer des conditions aux multinationales désirant investir sur notre territoire, que ce soit en matière d’emploi ou autres.

Une déclaration communea été présentée et constituera un outil de communication et de mobilisation en vue de faire connaître les enjeux soulevés par les modèles de libre-échange comme l’ALENA et le PTP.

La délégation de la CSN était composée de Julien Laflamme, économiste au Service des relations du travail de la CSN, de Suzanne Audette, vice-présidente du Conseil central du Montréal métropolitain (CSN), et de Nathalie Guay, adjointe au comité exécutif de la CSN (Respectivement, premier, deuxième et troisième à partir de la gauche). La délégation québécoise, encadrée par le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC), comprend des des représentantes et des représentants de la Fédération des femmes du Québec, de la FTQ, de la CSD, des Amis de la Terre et du Comité pour les droits humains en Amérique latine.

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