Projet de loi no 34 modifiant le règlement sur les traitements médicaux spécialisés

La CSN demande un véritable débat public sur la place du privé en santé

« Le projet de loi no 34 va trop vite en nous demandant d’avaliser une vaste gamme de services qui pourront être offerts par les centres médicaux spécialisés (CMS) alors que le réseau public manque de personnel. » Devant la Commission des affaires sociales, la vice-présidente de la CSN, Denise Boucher, qui présentait le mémoirede la centrale, a demandé au gouvernement de ne pas adopter ce projet de loi et de prendre le temps de tenir un véritable débat public sur ce qui devrait ou non être offert par les cliniques médicales privées. En traitant dans une seule et même législation de l’ouverture à l’assurance maladie privée duplicative, de l’établissement d’une garantie publique d’accès, du type de traitements médicaux spécialisés autorisés aux CMS et de l’encadrement de la qualité et la sécurité de la pratique médicale à l’extérieur des établissements publics, le gouvernement a emmêlé les choses. « Tant qu’il ne fera pas la preuve que cet exercice de législation et de réglementation pour encadrer la pratique médicale dans les cliniques, cabinets et laboratoires privés ne mène pas à plus de privatisation, nous ne pourrons être en accord. Pour nous le projet de loi no 34 entretient le fouillis, tente de concilier l’inconciliable et constitue un cheval de Troie », de déclarer la leader syndicale. Nous convenons qu’un balisage s’impose en regard de la qualité et de la sécurité des pratiques médicales qui prévalent à l’extérieur des établissements publics. Cependant, l’élaboration de cet encadrement doit se faire en toute transparence et dans une démarche indépendante, dédiée à cette seule finalité, en évitant absolument tout amalgame possible avec une velléité de privatisation qui viendrait la contaminer. Pour ce faire, la CSN réclame la tenue d’un débat public en commission parlementaire sur les types de services médicaux spécialisés permis en CMS. À cet égard, un document de consultation s’avère indispensable pour faire le point sur les pratiques actuelles des cliniques, cabinets et laboratoires privés et pour préciser la nature et les volumes des actes médicaux, les divers effectifs mobilisés, la nature des ententes et liens établis avec les établissements publics, les conditions d’exercices, de même que le coût des services offerts, etc. « Sans cette information, il est impossible d’apprécier l’étendue et l’impact de la gamme de services médicaux spécialisés qu’on s’apprête à confier aux cliniques médicales spécialisées privées », de plaider la vice-présidente de la CSN. Bien qu’on ait éliminé l’article qui rendait la liste de traitements médicaux spécialisés infinie et indéterminée, on retrouve encore quelque 53 traitements identifiés sans qu’on sache trop sur quoi on s’est basé pour fixer ce nombre. Il est inquiétant de constater que le projet de règlement étend la liste des chirurgies extrahospitalières aux chirurgies de cancer, notamment le cancer du sein et à des chirurgies abdominales, pelviennes et bariatriques. À l’instar des Médecins québécois pour un régime public, la CSN estime que seules des chirurgies mineures pour des patients à faible risque devraient être autorisées en cabinets et cliniques médicales, comme le prescrit le guide d’exercice du Collège des médecins, faisant en sorte que ces chirurgies ne requièrent qu’une courte période d’observation postopératoire, et ce, seulement en s’assurant de la disponibilité rapide de services additionnels en cas d’événements indésirables ou d’accidents. D’autre part, la CSN s’oppose vigoureusement à la chasse gardée que confère l’article 3 du règlement aux CMS de médecins non participants en matière de chirurgie de la hanche et du genou ainsi que pour tout traitement médical spécialisé dont la durée d’hébergement excède 24 heures. Ce monopole contribue à accentuer le drainage des ressources du public vers le privé. Avec des pénuries de main-d’œuvre devenues alarmantes et des désaffiliations de médecins qui prennent une ampleur inédite, et qui se font avec une facilité déconcertante ; adopter des mesures venant accentuer le problème n’est vraiment pas une solution. Afin d’aider à corriger ces difficultés, la CSN croit que le gouvernement devrait fournir au réseau public tous les appuis et moyens pour que chaque personne soit traitée à l’intérieur du délai fixé, sans avoir à recourir à l’extérieur du système public. « Le gouvernement ne doit tout simplement pas encourager la création de CMS de médecins non participants et la spirale de privatisation qu’elle induit. Nous ne voulons pas voir se développer un éventuel marché de l’assurance maladie privée duplicative, en parallèle avec le réseau public », d’expliquer Denise Boucher. La CSN demande plutôt au gouvernement de redoubler ses efforts pour freiner le désengagement des médecins et mettre en place des mesures d’attraction et de rétention pour favoriser la pratique médicale dans les structures des Groupes de médecine familiale et des Réseaux universitaires intégrés de service. Compte tenu des risques considérables que représente tout élargissement de l’assurance maladie privée, la CSN réclame également la modification de l’article 15.1 de la Loi sur l’assurance maladie afin de garantir que tout élargissement de l’assurance privée duplicative se fasse par modification législative plutôt que par simple règlement. Pour la CSN le projet de loi no 34 ne doit pas être adopté. Le gouvernement doit prendre le temps de bien faire les choses. « Après des années sans encadrement, on peut bien prendre quelques mois de plus pour faire les vraies discussions », de conclure Denise Boucher. La CSN et la FTQ, qui ont entrepris un recours devant la Cour supérieure, étudieront les suites qu’elles entendent y donner en fonction de ce qu’il adviendra de ce projet de loi. La Confédération des syndicats nationaux représente plus de 300 000 travailleuses et travailleurs, et ce, tant dans les secteurs privé que public.

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