CARIBOU FORESTIER

La transition économique comme voie de passage

Louis Bégin et Emmanuelle Vallières-Léveilllé respectivement présidente de la Fédération de l'industrie manufacturière – CSN et coordonnatrice biodiversité et forêt de Nature Québec, et quatre autres signataires *

Avec le débat qui s’anime au sujet du caribou forestier, il faut entendre le cri du cœur des régions face aux craintes que font naître les décisions à venir. Toutefois, le déni n’est pas une solution viable. Le temps est venu de se mettre en mode solution pour tracer une voie de passage. Nous croyons que celle-ci réside dans la préparation d’un plan pour une transition économique juste qui mettra le sort des travailleurs et travailleuses au centre des préoccupations.

Les connaissances scientifiques sont sans équivoque, le caribou ne pourra subsister sans une réduction de la pression de coupe dans son habitat. On ne peut plus ignorer cet état de fait. Le contexte politique n’offre guère plus de portes de sortie. Les gouvernements, tant provincial que fédéral, se doivent de respecter leurs propres lois et engagements internationaux. La volonté de réconciliation avec les Premières Nations fait aussi partie de ces engagements. Elle ne pourra se réaliser sans une reconnaissance de la place que prend le caribou dans la culture autochtone.

Ignorer ces réalités ne peut faire autrement que de laisser perdurer une controverse qui n’en finit plus. Cette situation est nuisible au caribou. Elle est probablement tout aussi nuisible à l’économie en laissant planer un climat constant d’incertitude.

En même temps, réduire les niveaux de récolte aura des conséquences économiques malheureuses pour certaines communautés. Il faut s’occuper simultanément des deux problèmes et trouver une voie de passage commune. Selon nous, celle-ci se trouve dans une réponse économique qui mettra le sort des travailleurs et travailleuses au centre des préoccupations. Elle se trouve dans la transition économique juste.

UN PLAN POUR UNE TRANSITION JUSTE

Face à un tel choix de société, les régions concernées n’ont pas à assumer seules les conséquences. Elles doivent recevoir tout le soutien nécessaire pour opérer une transition vers une économie plus diversifiée et vigoureuse. Pour y arriver, nous proposons un plan de transition qui comporte trois volets.

1. Des mesures d’atténuation à court terme

Tout d’abord, des mesures doivent être mises en place à très court terme afin d’atténuer les conséquences immédiates que pourraient subir certains groupes de travailleurs. Beaucoup de chiffres (parfois inutilement alarmistes) ont circulé jusqu’ici. Pour bien orienter les efforts à déployer, le gouvernement devra s’appuyer sur une analyse des impacts sur les approvisionnements de chacune des usines concernées. Selon les résultats, des mesures d’atténuation pourront alors être conçues sur mesure selon les groupes d’employés touchés. Des réorganisations dans la structure des approvisionnements des usines peuvent être envisagées comme cela s’est déjà vu dans le passé. Des programmes sylvicoles spéciaux peuvent aussi être élaborés afin d’atténuer temporairement les effets sur les travailleurs qui œuvrent en forêt. Toutes les pierres doivent être retournées.

2. La diversification économique plus que jamais à l’ordre du jour

L’élément central d’un plan de transition consiste à entreprendre un vaste chantier de diversification économique régional. Celui-ci devrait reposer sur deux axes principaux : une modernisation de la filière bois et une diversification du tissu économique des communautés.

Avec le déclin du secteur des pâtes et papier, la modernisation de la filière bois est de toute façon à l’ordre du jour. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour développer, dans les communautés affaiblies, la deuxième et troisième transformation qui reste peu présente à certains endroits ?

Pourquoi ne pas améliorer la capacité de l’industrie à contribuer à la lutte contre les changements climatiques en augmentant la proportion des produits du bois qui peuvent se substituer à des produits à haute empreinte carbone ?

Le gouvernement est en train de mettre en place un vaste chantier de transition énergétique. Les investissements à venir devraient comporter une préoccupation sociale qui prendrait en compte les communautés à risque. Finalement, en s’inspirant de l’expérience de la région de Bécancour en 2010, un fonds régional de diversification économique devrait être mis sur pied. Il faudra que Québec et Ottawa investissent les sommes nécessaires pour que le plan donne les résultats que les régions sont en droit d’attendre.

3. Des correctifs à apporter pour assurer un approvisionnement durable en bois de qualité

Pour être performante, la prochaine structure industrielle devra pouvoir compter sur un approvisionnement en bois qui sera durable et de qualité. À ce chapitre, il nous semble que des correctifs doivent être apportés à la gestion des approvisionnements. Les choix d’investissement doivent pouvoir reposer sur une juste appréciation de l’offre de bois. Par exemple, la prise en compte des risques comme les feux est essentielle pour assurer la prévisibilité. Par ailleurs, les efforts sylvicoles actuels devront être mieux encadrés si l’on veut que les résultats escomptés soient véritablement au rendez-vous.

CANALISER LES ÉNERGIES

Nous croyons fermement que l’annonce de la stratégie de protection du caribou doit être accompagnée d’un plan structuré pour une transition juste. Un tel plan est essentiel pour rassurer les communautés. Il est aussi le meilleur moyen pour canaliser les énergies vers la recherche d’une solution constructive, réaliste et surtout durable.

* Cosignataires : Louis Bélanger, Marie-Ève Desmarais, Jean-Pierre Jetté et Gérard Szaraz, ingénieurs forestiers

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