L'objectif des chroniques linguistiques est de présenter succinctement des informations liées à l'usage du français au Québec. Quelques termes du domaine de la linguistique seront introduits afin de décrire des phénomènes intéressants au sujet de la langue.

La féminisation des textes

La féminisation des textes désigne un ensemble de procédés d’écriture qui permettent d’éviter les ambiguïtés au sujet du genre des personnes et d’améliorer la visibilité et la reconnaissance des femmes. Elle est le plus souvent employée dans des documents administratifs ou à caractère politique.

En pratique, la féminisation est une remise en question partielle du principe selon lequel le masculin serait le genre non marqué en français. Elle vise, entre autres, à rectifier une tendance sexiste des théoriciens normatifs du français des derniers siècles.

Les innovations linguistiques en général apparaissent souvent comme bizarres et déplaisantes à la génération qui les voit apparaître. Les mots nouveaux remettent en question des conventions que nous avons apprises de manière intuitive au cours de notre enfance et sonnent faux. Ainsi, un mot comme secrétaire au féminin (une secrétaire) était inusité au dix-neuvième siècle, mais est banal aujourd’hui.

La transformation progressive des milieux de travail a mené à l’apparition de formes féminines ou masculines de noms de métiers traditionnellement réservés à l’un ou l’autre des genres.

Dans le passé, les formes féminines de certains titres ont servi à désigner les épouses des hommes qui exerçaient ces métiers (par exemple, la générale pour l’épouse du général). Le Bon Usage de Grevisse note aussi que le mot étudiante a été utilisé au XIXe siècle pour désigner l’amante d’un étudiant.

Des titres de postes au féminin sont encore parfois aujourd’hui associés à une perte de prestige de ces postes et certains textes officiels les évitent (par des formules comme Madame le ministre). Notons à ce sujet que des mots courants au Québec comme écrivaine et professeure sont encore plutôt inusités en France.

La chronique Techniques de féminisation des textes vous informera sur les différents procédés d’écriture à employer pour féminiser un texte.

Techniques de féminisation des textes

Les modifications aux normes et habitudes langagières que requiert la féminisation trouvent leur justification dans le mouvement féministe et la volonté d’améliorer la visibilité et la reconnaissance des femmes. D’un point de vue linguistique, cette volonté se traduit par des techniques d’écriture qui permettent d’éviter les ambiguïtés au sujet du genre des personnes qu’un texte désigne. Les textes administratifs ou politiques sont des contextes particulièrement susceptibles de justifier le recours à ces techniques.

Les normes qui guident la féminisation des textes sont multiples et en constante mutation. La publication Spéciale édition de la CSN (numéro 3 – novembre 2000) présente en détail de bonnes pratiques à ce sujet. Nous citons ici ce document comme référence et le commentons.

Voici les quatre consignes que nous jugeons être les plus utiles en matière de féminisation des textes :

  1. Utiliser des mots génériques ou neutres et des tournures de phrases qui ne provoquent pas d’ambiguïté.

Les mots génériques désignent des catégories de personnes, plutôt que des individus en particulier. Ainsi, le personnel est un nom générique tandis que l’employé ne l’est pas. Les noms clientèle, direction et main-d’oeuvre sont d’autres exemples de génériques, tout comme le pronom quiconque.

Les mots neutres (ou plus précisément épicènes) ne laissent pas paraître de distinction de genre. Certains noms, adjectifs et pronoms ont la même forme au masculin et au féminin. Les mots camarade, pianiste et astronome sont des exemples de noms qu’il est inutile de féminiser au pluriel.

Les tournures impersonnelles, qui sont fréquemment employées dans les textes administratifs, évitent les mots marqués par le genre par le recours à des constructions neutres. Ainsi, une phrase comme (1) peut être réaménagée de façon impersonnelle, comme en (2).

 

(1)       Le travailleur doit déposer son équipement dans le bac.

 

(2)       L’équipement doit être déposé dans le bac.

 

  1. Prioriser la féminisation des noms plutôt que celle des adjectifs.

Il est intéressant de constater que la variation en genre d’un adjectif n’affecte pas le sens de cet adjectif. Les adjectifs vert et verte ont le même sens, tandis que les noms un orange ou une orange ont des sens différents (le premier réfère à une couleur, l’autre à un fruit). En termes de morphologie, la variation en genre des adjectifs est de nature flexionnelle tandis que la variation en genre des noms est dérivationnelle.

Bref, la féminisation des adjectifs apporte rarement de l’information pertinente. Le syntagme « les administratrices et administrateurs élu-es » peut dont être écrit « les administratrices et administrateurs élus ».

 

  1. Lorsqu’un mot a la même consonance au masculin et au féminin, nous suggérons le trait d’union suivi de es (Spéciale Édition numéro trois).

 

Nous reproduisons ici l’argumentaire présenté dans le numéro trois de Spéciale Édition:

Nous estimons le trait d’union très utile dans les textes de la CSN, souvent destinés à être lus publiquement. Dans un discours, en effet, déléguées et délégués feront sourire. Dans un texte où ce mot doit apparaître souvent, la répétition des deux genres alourdira considérablement le contenu et gênera la lecture.

Il est suggéré d’écrire é-es, plutôt que é-e-s ou és-es (délégué-es, plutôt que délégué-e-s ou délégués-es).

 

  1. Utiliser les deux genres d’un substantif.

La féminisation requiert parfois d’utiliser les deux genres d’un nom ou d’un pronom. La forme féminine se place généralement devant la forme masculine afin de rendre plus naturels les accords des adjectifs et participes qui suivent. Par exemple : les conseillères et conseillers syndicaux.

S’il arrive qu’un article ou un adjectif soit placé devant les substantifs, on placera alors le masculin devant le féminin. Par exemple : les nombreux travailleurs et travailleuses.

TERMIUM Plus, la banque de données terminologiques et linguistiques du gouvernement du Canada, offre un excellent document de référence pour vous aider à féminiser vos textes.