Le 25 novembre dernier, la CSN témoignait en commission parlementaire au sujet du projet de loi 3, sournoisement intitulée Loi visant à améliorer la transparence, la gouvernance et le processus démocratique de diverses associations en milieu de travail.
La CSN réclame le retrait pur et simple du projet de loi. Pour la centrale syndicale, les mesures proposées par le ministre du Travail – à savoir la transparence, la gouvernance et le processus démocratique des syndicats qui la composent – sont, au mieux, déjà couvertes par les lois, les statuts et les règlements qui nous gouvernent ; au pire, elles contreviennent directement aux droits des travailleurs et des travailleurs tels que reconnus par nos chartes et nos plus hauts tribunaux et s’inscrivent dans un plan « d’affaiblissement des organisations qui sont en mesure de jouer un rôle de contre-pouvoir ».
Sur le caractère « facultatif » de certaines activités syndicales
Les conditions de travail et les conditions de vie des travailleuses et des travailleurs sont « indissociables », fait valoir la CSN, qui rappelle à juste titre que les lois régissant les associations de salarié-es prévoient que celles-ci poursuivent « le développement des intérêts économiques, sociaux et éducatifs » de leurs membres. La Cour suprême du Canada a d’ailleurs reconnu, à plus d’une reprise, la légitimité de l’action politique des syndicats tout comme leur contribution au débat politique et social.
Malgré cela, le gouvernement s’entête : certaines activités devraient être financées exclusivement par des cotisations dites facultatives. Parmi celles-ci, on retrouve :
- La contestation d’une loi, d’un règlement, d’un décret ou d’un arrêté ministériel, que le litige touche ou non au droit du travail, la négociation ou l’application d’une convention collective
- Les campagnes de publicité
- Toute participation à un mouvement social
Pour ce qui est de la contestation d’une loi, la CSN rappelle que plusieurs législations en ont fait l’objet au fil des ans par les organisations syndicales : la Loi sur l’équité salariale, les lois restreignant le droit à la syndicalisation des ressources de type familial ou des responsables de services de garde, tout comme la loi 15 sur les régimes de retraite du secteur municipal. Toutes des lois qui avaient une incidence directe sur les conditions de travail des personnes concernées. « Il nous apparaît antidémocratique de limiter la portion des ressources des organisations de travailleurs qui pourront être consacrées à défendre des droits reconnus légalement ou constitutionnellement », souligne la CSN.
Limiter le recours à la publicité par les organisations syndicales viendrait brimer leur liberté d’expression et leur liberté d’association, défend le mémoire. Tout cela alors que les gouvernements et les entreprises privées dépensent sans compter en publicité.
Quant à la participation à un mouvement social, le mémoire présenté par la CSN est riche en rappels historiques : les premiers bureaux d’accès à l’emploi ont été créés dès 1921 par des syndicats catholiques. Les premières organisations en défense des consommateurs émanent du Service du budget familial de la CSN, pavant la voie à la création des premières associations coopératives d’économie familiale, les ACEF. En plus de revendiquer la construction de logements sociaux dès 1936, notre mouvement diffusa dès 1971 une proposition de projet de bail type – il faudra attendre 1996 afin qu’il devienne obligatoire au Québec. Le mémoire souligne également l’implication indéniable de la CSN dans la création du réseau des CPE et du Régime québécois d’assurance parentale.
Forcée de rappeler que la liberté d’association et la liberté d’expression des associations accréditées sont protégées par les chartes canadienne et québécoise, la CSN est d’avis que les activités énumérées ci-haut « sont essentielles à l’accomplissement des buts et des objectifs des syndicats et sont bien loin d’être facultatives […] Le droit de s’exprimer politiquement est un aspect fondamental à la liberté d’expression et requiert un haut degré de protection ».
Le projet de loi va plus loin : il impose que les cotisations facultatives soient soumises au vote secret de l’ensemble des salarié-es visés, même si certains ne sont pas membres du syndicat. Pour la CSN, « il s’agit d’une brèche majeure dans le principe mis de l’avant par la formule Rand voulant que ce ne soit que les membres du syndicat qui ont le pouvoir sur la régie interne de leur association. L’équilibre difficilement tracé par le juge Rand s’en trouve grandement fragilisé, ce qui n’est pas de bon augure pour la paix industrielle à moyen terme », précise le mémoire déposé cette semaine.
Sur les procédures de vote
Le projet de loi imposerait également de nouvelles contraintes en matière de vote secret portant sur les élections, la cotisation principale, le vote de grève et la signature de conventions collectives : qui devraient se dérouler sur une période de 24 heures.
Le mémoire présenté par la CSN illustre l’ensemble des complications inutiles et des coûts supplémentaires engendrés : les membres devront-ils revenir 23 heures plus tard pour reprendre leurs délibérations ? Par qui seront surveillées les boites de scrutin scellées ? Les employeurs accepteront-ils de libérer ces personnes si longtemps ?
« Le gouvernement ne semble pas comprendre comment fonctionne une assemblée générale lorsqu’un vote à scrutin secret y est tenu », martèle la CSN.
De tels votes devront être précédés par la transmission d’avis à tous les salarié-es, dicte le projet de loi. Si les syndicats tiennent à jour les coordonnées de leurs membres, il en va autrement des employé-es qui n’ont jamais voulu y adhérer. « Comment un syndicat pourra-t-il s’assurer de rejoindre des salarié-es dont il n’a pas les coordonnées ? Le gouvernement envisage-t-il d’obliger les employeurs à fournir au syndicat l’ensemble des informations requises ? », s’interroge la CSN dans son mémoire.
« La vérité est que ce projet de loi est hypocritement présenté comme de simples mesures d’encadrement des pratiques syndicales alors qu’il s’agit d’une frappe planifiée et mesurée qui s’inscrit dans un programme gradualiste et réfléchi de neutralisation des syndicats. L’objectif réel de ce projet de loi est de limiter le plus possible la fonction de contre-pouvoir et la capacité d’action collective des syndicats au Québec », conclut le mémoire présenté par la CSN au sujet du projet de loi 3.
Pour consulter le mémoire, visiter le :
https://www.csn.qc.ca/wp-content/uploads/2025/11/20251121_memoire_pl-3-1.pdf







