L'objectif des chroniques linguistiques est de présenter succinctement des informations liées à l'usage du français au Québec. Quelques termes du domaine de la linguistique seront introduits afin de décrire des phénomènes intéressants au sujet de la langue.

Les jugements sur la langue

Recherche et rédaction par Francis Lapointe, linguiste.

Tout comme on peut « bien s’habiller » en portant des vêtements d’une marque prestigieuse, on peut « bien parler » en utilisant des mots et des prononciations propres à une variété de langue prestigieuse.

Selon l’âge d’une personne, l’endroit où elle est née, son éducation et le contexte plus ou moins familier où elle se trouve, sa façon de parler varie et suscite des jugements de la part de ses interlocuteurs. Dans chaque communauté linguistique, il existe plusieurs ensembles de normes (registres) qui influencent les façons de parler selon les contextes de communication.

Le français de France

À cause de l’importance de la France sur les plans économiques, politiques et culturels, les francophones de la planète ont historiquement attribué beaucoup de prestige au français parlé en France.

La modernisation du Québec suite à la Première Guerre mondiale a entraîné la popularisation de la télévision qui a permis aux Québécois-es d’entendre les accents des pays européens. L’idée qu’un locuteur québécois se fait du français de France n’est cependant pas la même que celle d’un français au sujet de sa propre langue. Les Québécois-es ont accès à des versions partielles et modifiées du français de France, à travers les produits culturels français, comme les films, les téléjournaux, les journaux, les livres… En vérité, il existe plusieurs variétés de français en France et plusieurs registres parmi ces variétés.

Avec le temps et les changements sociaux, certaines prononciations perdent de leur prestige, tandis que d’autres en acquièrent. Par exemple, la façon de prononcer de la noblesse française du 18e siècle a rapidement perdu de son prestige après la Révolution française au profit de la prononciation de la bourgeoisie. Intouché par ces bouleversements, notre côté de l’Atlantique a longtemps continué de dire « mwé » et « twé » (moi et toi) plutôt que les nouvelles formes « mwa » et « twa ».

Un autre exemple: les r roulés étaient bien entendu à Montréal et dans tout l’ouest du Québec il y a quelques générations seulement, mais la popularisation de la radio et de la télévision ont de nouveau fait traverser l’Atlantique aux r de France et les nouvelles générations se sont empressées de les adopter.

Le français standard

Les variétés de français qu’on enseigne dans les écoles du Québec et qu’on consomme à travers les médias québécois sont souvent regroupées sous l’étiquette de français standard québécois. Cet ensemble de normes se rapproche davantage du français standard de France que le français parlé au Québec dans des situations informelles et familières. Ainsi, deux mots peuvent s’écrire de la même façon, mais se prononcer différemment de part et d’autre de l’Atlantique. Par exemple, le mot août se prononce sans t au Québec, mais avec t dans certaines régions de la France.