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Restauration : des bonnes conditions avec ça ?

Rarement la rue principale de Granby avait été aussi bruyante. Le 19 octobre dernier, une cinquantaine de personnes, drapeau à la main et trompette aux lèvres, sont venues saluer les employé-es du tout premier Burger King syndiqué au Québec. Cette annonce marque le début d’une offensive de syndicalisation en restauration, dont le fer de lance sera le Syndicat des employé-es de la restauration (SER–CSN).

À l’hiver 2018, le téléphone sonne à la CSN. Des employé-es du Burger King de Granby, insatisfaits de leurs conditions, veulent se syndiquer. « C’est comme ça que l’aventure a commencé. Les contacts se sont établis, les rencontres se sont succédé. Finalement, on a réussi à faire signer 100 % des cartes », explique David Bergeron-Cyr, président de la Fédération du commerce (FC–CSN). Il faut dire que les conditions de travail étaient — et sont toujours — exécrables. « L’employeur ne donne pas de talons de paye aux employé-es. C’est totalement illégal, pourtant c’est le cas, note le président. L’octroi des heures et les horaires sont également planifiés sans aucune considération pour l’ancienneté. »

La négociation a donc débuté au printemps. « Ce n’est jamais facile de négocier avec une grosse corporation comme RedBerry, le propriétaire du Burger King de Granby, qui ne compte pas de travailleuses et de travailleurs syndiqués. Ça traîne en longueur et l’employeur essaie de gagner du temps, précise David Bergeron-Cyr. Malgré tout, on avance tranquillement, mais sûrement, même si la bataille est loin d’être terminée. »

Le modèle SER–CSN
Le Syndicat des employé-es de la restauration est un nouveau modèle créé spécifiquement pour servir les travailleurs et les travailleuses de l’industrie de la restauration. « Bien souvent dans les restaurants, le nombre d’employé-es est trop faible pour faire vivre un comité exécutif autonome. On a donc décidé de pallier ce problème en créant un modèle regroupé et en occupant temporairement des postes au comité exécutif, en attendant que quelqu’un puisse le faire », explique David Bergeron-Cyr, qui est aussi le président du SER–CSN. Michel Valiquette, trésorier de la FC–CSN, occupe aussi le poste de trésorier au SER–CSN.

Les mauvaises conditions en restauration
Même si elles varient d’un restaurant à l’autre, en général, les conditions de travail offertes dans le milieu sont déplorables. « Les employé-es en restauration vivent toutes sortes d’injustices et d’abus. Que ce soit l’imposition du partage des pourboires, le non-respect de l’ancienneté ou les incitations à s’habiller de manière sexy, les employé-es subissent des pressions inappropriées », s’indigne David Bergeron-Cyr. Ces mauvaises conditions engendrent d’immenses problèmes d’attraction et de rétention dans l’industrie de la restauration. « Oui, nous sommes en rareté de main-d’œuvre. Mais soyons honnêtes : si les restaurateurs offraient de meilleures conditions, en respectant leurs employé-es, ces problèmes seraient moins criants », poursuit-il.

Au Québec, près de la moitié des employé-es travaillant en restauration sont âgés de 25 à 44 ans. Plus de 60 % du personnel de salle travaille à temps plein et c’est plus de 70 % du personnel de cuisine qui fait 30 heures ou plus par semaine. « On est bien loin de l’étudiant à temps partiel. Ces emplois sont très souvent la principale source de revenus pour les travailleuses et les travailleurs. Il est urgent qu’on les aide à améliorer leur sort », conclut David Bergeron-Cyr.

Le SER–CSN souhaite syndiquer les employé-es de tous les types de restaurants. Toutes les travailleuses et tous les travailleurs sont les bienvenus et, quel que soit leur titre d’emploi ou le type de restaurant, ils n’ont qu’à appeler au 1 800 947-6177. C’est totalement confidentiel.


Le Mount Stephen Club : un exemple concret

Dans le cadre d’une décision historique rendue le 1er novembre 2018, le Tribunal administratif du travail (TAT) a jugé que les agissements du Mount Stephen Club (MSC) contrevenaient à plusieurs articles de la loi et a tranché en faveur de la Confédération des syndicats nationaux, allant même jusqu’à démanteler deux syndicats de complaisance présents dans l’hôtel, qui ont été créés par l’entremise de l’employeur pour faire obstruction au Syndicat des travailleuses et travailleurs du Mount Stephen Club–CSN.

« À l’image du MSC, le domaine de la restauration compte beaucoup trop d’employeurs qui font la pluie et le beau temps en imposant des conditions déplorables, voire illégales, à leurs salarié-es. Nous avons lancé le Syndicat des employé-es de la restauration (SER–CSN) afin d’offrir la possibilité à ces travailleuses et travailleurs d’unir leurs forces contre les employeurs sans scrupules », affirme David Bergeron-Cyr.

Le TAT démantèle deux syndicats de complaisance au Mount Stephen Club

Dans le cadre d’une décision historique rendue le 1er novembre 2018, le Tribunal administratif du travail (TAT) a jugé que les agissements du Mount Stephen Club contrevenaient à la loi et a tranché en faveur de la Confédération des syndicats nationaux, allant même jusqu’à démanteler deux syndicats de complaisance créés par l’entremise de l’employeur.

« Il s’agit d’une victoire majeure pour nous, puisqu’elle vient dire aux employeurs qu’ils ne peuvent abuser impunément de tactiques illégales pour nuire aux syndicats. Tout d’abord, le TAT a reconnu que les accusations publiques du Mount Stephen Club (MSC) envers la CSN n’avaient pour objectif que d’entraver le travail du Syndicat des travailleuses et travailleurs du Mount Stephen Club–CSN (STTMSC) afin de le rendre vulnérable puisque, finalement, le MSC n’avait pas l’intention de fermer ses portes de manière définitive, de déclarer David Bergeron-Cyr, président de la Fédération du commerce (FC–CSN). Dans cette décision totalement inédite, la preuve déposée était tellement solide que le TAT est allé jusqu’à dissoudre les deux syndicats de complaisance créés par l’employeur — ceux-ci ayant même été qualifiés de syndicats de boutique —, parce qu’il y avait apparence de collusion entre l’employeur et son représentant dans plusieurs dossiers ».

En 2012, le MSC fermait ses portes et blâmait notamment le STTMSC d’en être responsable par ses demandes salariales trop élevées et sa conduite trop rigide de la négociation.

« Le TAT a également annulé deux congédiements, la preuve déposée démontrant que le MSC a licencié arbitrairement deux serveurs dans le but de les empêcher de communiquer avec la CSN, de souligner le président de la FC–CSN. Le MSC a même refusé d’embaucher un travailleur pour le seul motif qu’il était membre de la CSN dans un autre restaurant montréalais et qu’en entrevue, il avait précisé qu’il pouvait s’accommoder de travailler dans un établissement syndiqué. »

Finalement, le TAT reconnaît que dès le dépôt de l’accréditation, le MSC n’a cessé d’entraver le travail du STTMSC par une série de gestes l’empêchant d’entrer en contact avec ses membres. L’employeur a favorisé notamment la venue d’un autre syndicat de boutique afin de syndiquer les nouveaux salarié-es de l’hôtel avant même sa réouverture. En agissant de la sorte, l’employeur tentait de bloquer le syndicat déjà légalement constitué affilié à la CSN. En 2011, la syndicalisation rapide du Mount Stephen Club par la CSN avait trouvé écho parmi les travailleurs parce qu’ils étaient soumis à l’arbitraire de la gestion de la direction et au favoritisme manifesté à l’égard de nouveaux employé-es, une pratique malheureusement trop courante dans l’industrie de la restauration.

« Le domaine de la restauration compte beaucoup trop d’employeurs qui font la pluie et le beau temps en imposant des conditions totalement illégales à leurs salarié-es. Quand ils ne se réapproprient pas tous les pourboires pour n’en redonner qu’une partie à leurs serveuses et serveurs, ce qui est carrément contraire à la loi, ils chargent le coût des uniformes à leurs salarié-es ou les congédient dès que l’un des leurs revendique le respect de ses droits au travail. Voilà pourquoi nous avons lancé le Syndicat des employé-es de la restauration–CSN (SER), afin d’offrir la possibilité à ces travailleuses et travailleurs d’unir leurs forces contre les employeurs sans scrupules », de poursuivre monsieur Bergeron-Cyr.

« Aujourd’hui, nous prenons les devants : si la Coalition avenir Québec (CAQ) tient vraiment à moderniser les syndicats, qu’il établisse des règles claires dans le domaine de la restauration afin de faire face aux enjeux actuels qui minent les relations de travail dans ce secteur et de mettre un terme à l’arbitraire qui y règne. Ce ne sont pas tous les restaurateurs qui agissent de la sorte, mais contre les trop nombreux délinquants, ce n’est qu’avec un rapport de force égalitaire digne de ce nom que les salarié-es pourront enfin espérer obtenir le respect auquel ils ont droit », de conclure le président de la FC–CSN.

La FC–CSN compte 30 000 membres regroupés au sein de 330 syndicats œuvrant dans les domaines du commerce de gros et de détail, de l’agroalimentaire, de la finance et du tourisme.