Maîtriser l’inflation sans nuire à celles et ceux qui travaillent

Jusqu’à maintenant, nos gouvernements réagissent au problème de l’augmentation du coût de la vie à la pièce. On envoie un chèque et l’on se contente de laisser aller la Banque du Canada avec sa hausse accélérée des taux d’intérêt. Le problème est si sérieux et si pernicieux qu’il faudrait une stratégie globale beaucoup plus élaborée.

Ça ne va plus. Ça fait mal à des millions de Québécoises et de Québécois. Des travailleuses et des travailleurs se retrouvent de plus en plus à la banque alimentaire. Un récent sondage montre que cette épreuve est le lot de 12 % du personnel de soutien scolaire ! Les loyers ou les hypothèques sont extrêmement difficiles à trouver et à payer et rognent le budget pour l’alimentation.

La dernière offre du gouvernement aux travailleuses et travailleurs du Front commun, à 10,3 % d’augmentation sur cinq ans, ne leur permettrait même pas de conserver la tête hors de l’eau. C’est encore un appauvrissement, puisque ce salaire ne suivrait pas l’inflation.

Il faut que les grandes entreprises comme les épiceries ou les pétrolières cessent d’engranger des profits records sur le dos du monde ordinaire. Quand on sait que les personnes à la tête de ces entreprises gagnent 243 fois le salaire moyen de leurs employé-es, on comprend qu’ils sont déconnectés des vrais problèmes actuels.

La CSN a fait plusieurs recommandations pertinentes en consultation prébudgétaire au fédéral pour casser ce cercle vicieux et faire en sorte que la vie soit enfin plus abordable. En voici quelques-unes :

  • Le gouvernement doit mettre en place des politiques complémentaires à celle de la Banque du Canada pour lutter contre l’inflation : mieux contrôler le prix des loyers et des habitations, investir dans la construction de logements hors marché, réduire le prix des services gouvernementaux ou les offrir gratuitement et augmenter les transferts financiers aux ménages à faibles revenus.
  • Instaurer un régime universel d’assurance médicaments.
  • Permettre aux travailleurs étrangers temporaires de changer d’employeur.
  • Bonifier le financement du transport en commun.

Salaire minimum

Rappelons par ailleurs qu’il est impératif d’augmenter le salaire minimum, lequel n’a jamais suivi l’inflation. Les personnes qui gagnent le salaire minimum, environ 60 % étant des femmes, ont beaucoup moins de marge de manœuvre que les autres quand la facture d’épicerie et le loyer augmentent. Nous le disons et le redirons tant qu’il le faudra, on doit hausser le salaire minimum de façon très importante. Ces travailleuses et ces travailleurs ont souvent montré leur très grande utilité sociale pendant la pandémie, cette augmentation est nécessaire et méritée.

Un toit avant tout

La question du logement en particulier devient centrale. La hausse du coût de la vie engendre de l’itinérance ou des gens qui sont mal logés et qui utilisent une beaucoup trop grande part de leurs revenus pour le faire.

À Montréal en particulier, les mises en chantier sont à un creux historique. Ça n’a aucun sens ! Démarrer plus de chantiers, ça va demander des bras, il n’y a pas de miracle. Il faudra donc une stratégie pour attirer et conserver encore plus de travailleuses et de travailleurs de la construction.

Nous demandons aux deux gouvernements de faire leur part pour nous sortir de cette impasse qui ne se règlera clairement pas en laissant le secteur privé mener le bal. Si ça marchait, on le saurait ! La débandade des services publics au profit du privé ne fait qu’accentuer l’appauvrissement des ménages et compromettre l’accès au logement.

En cette période d’inflation élevée, nous devons, plus que jamais, rester solidaires avec tous les salarié-es qui luttent pour continuer à améliorer leur sort, à commencer par celles et ceux du secteur public qui font Front commun.

 

Autopsie d’une grève imminente

Voilà un peu plus d’un an déjà, le Front commun et ses organisations membres déposaient leurs demandes aux différentes tables de négociation en vue du renouvellement des conventions collectives du secteur public. Devant l’inflexibilité du gouvernement depuis ce dépôt, la grève se pointe maintenant le bout du nez.

Des demandes qui sont souvent des solutions à des problèmes vécus depuis longtemps sur le terrain, dans les établissements de santé et de services sociaux, dans les écoles et dans les collèges. Les solutions n’ont aucun impact si elles sont proposées à un gouvernement qui, dans ses meilleures semaines, se contente d’observer la chute de nos réseaux publics. « On fait quoi avec un gouvernement qui nous prend de haut comme ça, qui refuse d’écouter ? ». Une question lancée par François Enault, 1er vice-président de la CSN et responsable de la négociation du secteur public, à laquelle il s’empresse de répondre : « On l’oblige à bouger, on lui montre toute l’ampleur de la force de frappe des 420 000 travailleuses et travailleurs du secteur public ».

Celles et ceux qui aident ont besoin d’aide

À compter de mars 2020, les services publics ont été propulsés malgré eux au-devant d’une crise sanitaire sans précédent. « Au cœur de la crise, le Québec a réalisé toute l’importance qu’ont nos services publics. Des “ anges gardiens”, voilà ce qu’on a dit des femmes et des hommes qui ont tenu le Québec à bout de bras », rappelle François Enault. « Si la population s’en souvient et en est encore reconnaissante, M. Legault et la CAQ ont rapidement oublié tout le travail accompli quand est venu le temps de discuter des améliorations à apporter aux conditions de travail et au salaire de ces centaines de milliers de personnes », poursuit-il.

Des solutions sur la table depuis un an déjà

Le 28 octobre 2022, plus de 2000 membres étaient venus accompagner les porte-paroles du Front commun au dépôt des demandes syndicales. « Dès cet instant, on sentait déjà la grogne », indique François Enault. « Deux mille personnes à l’étape du dépôt, c’est un signe clair, mais le gouvernement ne l’a pas entendu et, un an plus tard, il ne l’entend toujours pas ».

Alors que la crise sanitaire a exacerbé les enjeux et les défis qui touchent les salarié-es des réseaux publics, il aurait été normal de s’attendre à ce qu’au moins quelques-unes des solutions proposées soient accueillies avec bienveillance, sinon avec un peu d’écoute. « C’est insultant ! La partie patronale est au courant des problèmes, tout le monde connaît les problèmes, on en parle dans les médias chaque semaine », s’insurge François Enault, « mais quand les gens sur le terrain proposent des solutions, les patrons font la sourde oreille ».

Des dépôts patronaux qui frisent le ridicule

À la fin de décembre 2022, la présidente du Conseil du trésor, Sonia Lebel, et les comités patronaux de négociations présentaient leurs « offres » aux syndicats. Alors que les salarié-es réclament des augmentations importantes et justifiées, ainsi qu’un mécanisme pour les protéger face à une inflation hors de contrôle, le gouvernement répond maintenant par une offre de 10,3 % sur cinq ans, sous ses propres prévisions d’inflation et des attaques au régime de retraite. Là où les employé-es réclament des améliorations à leurs conditions de travail comme des outils pour contrer la surcharge et l’épuisement professionnel, et des améliorations à la conciliation famille-travail-études-vie personnelle, les employeurs répondent par des demandes de « souplesse », la possibilité de refuser plus facilement les congés, des horaires de travail plus longs, etc. François Enault est clair « c’était injurieux au moment du dépôt. Après un an sans mouvement significatif, je ne pense pas trouver de mots assez polis pour décrire la situation. Il ne reste qu’une solution pour faire comprendre au gouvernement le sérieux de nos demandes. »

Santé : cessera-t-on de centraliser et de privatiser ?

Après Couillard et Barrette, la réforme du réseau de la santé et des services sociaux concoctée par le ministre Dubé, qui s’incarne notamment dans le projet de loi 15, va complètement centraliser le réseau dans une seule agence nationale !

Une autre conséquence moins en évidence de cette réforme sera de placer le réseau public en concurrence plus constante avec le privé. Ce faisant, on risque fort d’assister à une croissance de la part des services assurés par le secteur privé, dont les trois nouveaux mini-hôpitaux annoncés par le ministre. Même si la majorité des services est encore aujourd’hui couverte par notre carte d’assurance maladie, nous payerons collectivement la facture supplémentaire qui viendra du privé, un peu comme la télémédecine offerte par certaines assurances collectives privées.

Le gouvernement et les partis d’opposition discutent encore des amendements possibles à faire au projet de loi. Malgré certaines modifications, la CSN estime toujours que ce projet de loi ne s’attaque pas aux racines du problème du réseau, soit la difficulté d’accès aux soins et services. Si le gouvernement avait consulté et tenu compte des demandes des citoyennes et des citoyens et de l’expérience des gens sur le terrain, le ministre Dubé aurait laissé tomber le recours à des services coûteux du privé et se serait plutôt intéressé à améliorer le réseau public en décentralisant les services afin de mieux répondre aux besoins de chacune des régions du Québec et des acteurs du réseau de la santé et des services sociaux. En Suède par exemple, le système de santé est principalement géré par les 21 régions du pays et mise beaucoup sur les soins ambulatoires plutôt que sur le nombre de lits dans le réseau. Or, ce pays réussit à respecter des délais rapprochés pour l’accès aux soins, dont les opérations ou les traitements appropriés qui se font dans les 90 jours.1 Ce pays réussit ce tour de force en utilisant significativement moins le privé que le Québec !

L’accès, pas la centralisation

Selon un sondage SOM dévoilé le 11 septembre dernier, l’amélioration de l’accès au système de santé est la priorité au Québec, avec 40 % des répondantes et répondants qui classent ce problème au sommet de leurs préoccupations. Malgré l’expérience traumatisante de la pandémie et après cinq ans au pouvoir, le gouvernement actuel n’a pas plus corrigé le tir que les précédents. Pire, le projet de loi 15 ne résout pas le problème d’accès, il risque même de l’empirer en diminuant le nombre de leviers régionaux.

Le projet de loi 15 du ministre Christian Dubé a été vendu sur la place publique comme une nécessité pour améliorer l’efficacité du réseau. Tout le monde s’entend là-dessus : il faut faire quelque chose. Or, le problème d’accès est en partie lié à celui du manque de main-d’œuvre. Il faudrait donc d’abord agir vigoureusement pour devenir un employeur de choix et ainsi faciliter l’embauche et la rétention du personnel.

La présentation de la réforme Dubé misait sur des mots avec lesquels il est difficile d’être en désaccord : efficacité et décentralisation. Mais au-delà des mots, où sont les mesures qui vont réellement en ce sens et qui règlent les problèmes constatés sur le terrain ? La création de l’agence Santé Québec sera, au contraire, une forme de centralisation. Remonter à Québec pour prendre certaines décisions risque souvent d’être encore moins efficace que dans les mégastructures actuelles que sont les CISSS. Imaginez des relations de travail à Québec lorsque l’on habite le Saguenay ou l’Abitibi ! Tout ça pour donner l’impression au gouvernement qu’un seul organisme peut tout contrôler. Si cette stratégie fonctionnait, la réforme Barrette aurait été un franc succès ! L’agence Santé Québec aura aussi comme effet collatéral d’éloigner la responsabilité des échecs de la cour du ministre. Ce dernier pourra en effet renvoyer les plaintes à l’agence.

Le leitmotiv de l’efficacité pourrait par ailleurs mener à des décisions qui manquent d’humanité. La mission de productivité de l’agence Santé Québec et la reddition de compte qui l’accompagnera vont se concentrer sur les statistiques de temps d’attente, ou sur le temps consacré à chaque traitement. Cette approche comptable n’aura pas le bien-être de la population et des employé-es du réseau comme priorité. Pour que le tableau de bord à Québec paraisse bien, on risque de donner moins de latitude à celles et ceux qui donnent les soins aux patientes et aux patients. On s’expose plutôt à chronométrer chaque tâche. Or, prendre la main d’une personne qui souffre n’est peut-être pas nécessaire ou important pour une ou un gestionnaire qui croit qu’un hôpital se gère comme une usine automobile, mais est essentiel pour lui donner un peu de dignité.

Vers de vraies solutions

La CSN estime qu’il n’est pas trop tard pour déclencher des états généraux sur la santé. Il faut réfléchir à ce que l’on veut comme système de santé, il faut identifier les solutions que l’on souhaite. C’est notre filet social qui est en jeu !

La santé et les services sociaux représentent près de la moitié des dépenses de l’État québécois. Le vieillissement de la population pourrait même accentuer cela. Ça mérite certainement que l’on revoie l’ensemble de l’œuvre pour s’assurer qu’il correspond à ce que les Québécoises et les Québécois veulent et que nous cessions de gaspiller collectivement des fonds publics qui vont aller grossir les profits du secteur privé. Le ministre Dubé a raison, il faut une réforme en profondeur.

Un modèle forestier parti en fumée

L’été 2023 a été marqué par des feux de forêt d’une ampleur jamais vue au Québec. Près de 4 millions d’hectares de forêt sont partis en fumée depuis le début de l’année. Quelles en seront les conséquences pour l’avenir du secteur ?

À titre de comparaison, les feux ont ravagé 92 000 hectares au total durant la période 2018-2022. Il s’agit d’une catastrophe à plusieurs égards, notamment pour les travailleuses et les travailleurs qui vivent de la forêt québécoise.

Cela a amené la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM–CSN) à former une coalition avec divers acteurs du milieu, dont des associations d’employeurs, afin de réclamer diverses mesures à court et moyen terme et ainsi assurer la pérennité de l’industrie.

À court terme, la coalition réclame notamment des mesures pour s’assurer que tous les travailleurs et travailleuses touchés pourront réclamer l’assurance-emploi. De plus, elle réclame une aide financière du gouvernement pour épauler les entreprises qui ont dû faire face à de nombreuses dépenses d’urgence et des pertes d’équipements. Sans un tel coup de main, on peut craindre que de nombreuses entreprises soient forcées de mettre un terme à leurs activités.

États généraux

Pour la coalition, au-delà du reboisement, il y a une occasion à saisir pour revoir le régime forestier et l’adapter aux réalités d’aujourd’hui et de demain. Il est proposé de tenir, d’ici le 1er avril 2024, des états généraux sur la forêt réunissant tous les intervenants du milieu : entreprises, syndicats, Premières nations, scientifiques, environnementalistes et élu-es régionaux. Des représentantes et représentants de la FIM–CSN ont récemment rencontré la ministre québécoise des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette-Vézina, pour lui demander d’organiser ces états généraux. Le gouvernement doit se prononcer sur cette idée au cours des prochaines semaines.

Pour la coalition, au-delà du reboisement, il y a une occasion à saisir pour revoir le régime forestier et l’adapter aux réalités d’aujourd’hui et de demain. Il est proposé de tenir, d’ici le 1er avril 2024, des états généraux sur la forêt réunissant tous les intervenants du milieu : entreprises, syndicats, Premières nations, scientifiques, environnementalistes et élu-es régionaux. Des représentantes et représentants de la FIM–CSN ont récemment rencontré la ministre québécoise des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette-Vézina, pour lui demander d’organiser ces états généraux. Le gouvernement doit se prononcer sur cette idée au cours des prochaines semaines.

Enfin, la coalition propose qu’on développe de la formation pour tous les salarié-es afin qu’ils puissent contribuer davantage au déploiement des plans d’urgence face à de futurs feux de forêt.

« Ça fait des années qu’on parle de la nécessité de diversifier l’industrie », rappelle le président de la FIM–CSN, Louis Bégin. « L’objectif, c’est de mieux occuper le territoire et de mieux préserver les forêts pour les générations futures. Ce qui nous préoccupait il y a quelques années, c’était la prolifération des insectes qui ravageaient tout sur leur passage. Avec les feux qu’on a connus l’été dernier, c’est clair qu’il faut accélérer nos réflexions. Notre modèle industriel doit être revu non seulement pour garantir des emplois de qualité, mais surtout pour préserver l’environnement, les forêts, la faune et la flore, et assurer un développement véritablement durable dans l’ensemble du vaste territoire Québécois. »

Un CPE se verdit

Au Centre de la petite enfance (CPE) Le Repère des mousses, le virage vert amorcé depuis une dizaine d’années permet non seulement de réduire l’empreinte environnementale de l’installation, mais aussi de conscientiser les tout-petits à l’importance de préserver l’environnement.

Ce CPE de l’arrondissement Rosemont, sur l’île de Montréal, fait figure de pionnier dans l’adoption de mesures environnementales. « Les choses se sont mises en place tranquillement », raconte Nadine Joseph, éducatrice au Repère des mousses depuis 31 ans et vice-
présidente à la vie syndicale au Syndicat des travailleuses(eurs) des CPE de Montréal et Laval–CSN. Cette idée est vite devenue un projet d’équipe grâce au concours des travailleuses, des parents, des membres du conseil d’administration et de la direction générale.

Cette installation de 70 places, qui compte 15 travailleuses, a débuté par la mise en place du recyclage. En plus de diminuer la quantité de déchets produits, le recyclage a fait fondre les achats de matériel de bricolage. Dans la cour arrière, un jardin a été aménagé permettant de verdir l’espace et du même coup d’approvisionner la cuisine en fines herbes et en légumes frais. Le CPE a longtemps produit lui-même son compost avant de profiter de la collecte des résidus verts de l’arrondissement.

Résolument vert

Petit à petit, ces premières initiatives vertes ont mis la table pour d’autres mesures. Ainsi, le plastique à usage unique a été éliminé au profit de matériaux plus écologiques. La vaisselle, l’ameublement, les jouets et les modules de jeux extérieurs ont eu droit à cette métamorphose. Les couches lavables ont également remplacé les couches jetables.

À l’extérieur, le gazon a fait place à un couvre-sol beaucoup plus écologique et sans entretien coûteux. De plus, le CPE a fait l’achat d’un support à vélos et à trottinettes afin d’encourager les travailleuses et les parents à se déplacer à deux roues. Le Repère des mousses fait aussi une belle place à l’achat local. Plutôt que de s’approvisionner auprès des grandes chaînes d’alimentation, l’installation priorise les commerces du quartier.

Toutes ces initiatives ont même fait des petits auprès d’autres CPE. « La force de notre CPE, ç’a été d’embarquer toute l’équipe. Tout le monde met la main à la pâte », souligne Mme Joseph. Même les enfants sont mis à contribution.

« Nous expliquons aux enfants ce que nous faisons pour l’environnement. À partir de trois ans, ils en sont bien conscients », explique l’éducatrice. Ce virage vert constitue ainsi un outil pédagogique formidable auprès des tout-petits pour qu’ils puissent devenir des citoyens respectueux de l’environnement.

Quand les jeunes se syndiquent

En quoi les syndicats composés de jeunes travailleuses et travailleurs se démarquent-ils ? Sans tomber dans les généralités, le Point syndical a tenté de comprendre leur réalité. Un constat se dessine : l’importance de transmettre les valeurs de solidarité et de bien commun à la nouvelle génération qui intègre le marché du travail.

Le Syndicat des travailleurs et travailleuses d’Oasis Animation–CSN constitue un bel exemple de cette nouvelle dynamique syndicale avec un grand nombre d’employé-es dans la vingtaine et la trentaine. Chez Oasis Animation, un studio d’animation numérique qui compte dans son carnet de commandes des géants comme Netflix, la démarche de syndicalisation remonte à 2018. À l’époque, les employé-es n’étaient pas payés selon un taux horaire, mais plutôt sur la quantité d’images produites. « Bonne chance si tu tombais sur une image compliquée, illustre Jessica Dalpé, animatrice depuis sept ans au studio. Tu devais faire beaucoup d’heures supplémentaires et tu te ramassais avec une petite paye ! »

Devant ce rythme de travail effréné, les cas d’épuisement professionnel se succèdent et le taux de roulement du personnel s’accélère. De plus, chaque production étant dotée d’un budget différent, le tarif à l’image varie d’un projet à l’autre. « Il n’y avait pas de sécurité financière », souligne Jessica. Les travailleuses et les travailleurs couraient aussi le risque de ne pas être rappelés après un contrat, sans aucune explication, sinon celle de ne pas être dans les bonnes grâces de l’employeur. Épuisé par cette iniquité, ce favoritisme et autres « coups de cochon », un groupe d’animatrices et d’animateurs entame des démarches de syndicalisation avec la CSN. La requête en accréditation est déposée en novembre 2019, signant ainsi une première dans l’industrie de l’animation numérique au Canada !

Jessica Dalpé, animatrice depuis sept ans au studio Oasis Animation // Photo : Anne-Marie Gareau

Le groupe entame alors la négociation de sa première convention collective. En cours de route, un changement de porte-
parole patronal mène à un recul important à la table de négociation. L’équipe se serre les coudes et sort dans la rue pour manifester son mécontentement. Le lendemain, le vent tourne à la table et une entente de principe est conclue. Celle-ci prévoit des salaires basés sur un taux horaire, la reconnaissance de l’ancienneté, de même qu’un meilleur encadrement de la sous-traitance. « Un syndicat, c’est une réponse à une mauvaise gestion », résume Jessica Dalpé. « Notre syndicat nous a apporté une échelle salariale basée sur l’expérience ainsi que des augmentations annuelles pour s’ajuster à l’inflation », ajoute-t-elle. Les employé-es mis à pied temporairement sont désormais placés sur une liste de rappel prioritaire. Chez Oasis Animation, le mélange des générations fut une recette gagnante. « Peu importe la génération, tout le monde s’est vraiment impliqué », précise l’animatrice de 35 ans qui est considérée comme une senior.

Les animateurs d’Oasis Animation ont pavé la voie à la syndicalisation dans l’industrie du multimédia, reconnue pour presser le citron de ses artisanes et artisans. Toutefois, Jessica a pu constater que la dynamique s’avère différente selon les studios. Dans une autre boîte syndiquée qui compte beaucoup de « juniors », elle remarque que les employé-es y sont plus craintifs. « Chez Oasis, nous avons de la chance. Nos juniors comprennent bien que le syndicat ne les met pas en danger, bien au contraire ». Néanmoins, l’animatrice comprend la réalité différente des jeunes qui arrivent pour la première fois sur le marché du travail. « Quand tu commences en tant que junior, c’est la grosse affaire. Tu as travaillé tellement fort pour enfin avoir un poste et c’est tellement mieux que de travailler chez McDonald ! Tu vas baisser les yeux et faire ce que l’employeur te demande. En te battant avec le syndicat, tu as peur que l’employeur te mette sur une liste noire », se souvient Jessica. D’où l’importance de démystifier chez les jeunes leurs droits en matière de travail.

Des défis générationnels ?

La nouvelle réalité des syndicats composés majoritairement de jeunes travailleuses et travailleurs touche surtout les emplois considérés traditionnellement comme des « jobs d’étudiantes et d’étudiants ». Prenons l’exemple du Syndicat des employé-es des piscines et plans d’eau de Cowansville. Ce dernier compte près d’une vingtaine de membres majoritairement dans la vingtaine, mais aussi quelques jeunes d’âge mineur. « Même si nous sommes syndiqués, ce n’est pas toujours évident. Les patrons nous considèrent comme des étudiants. C’est très difficile de diminuer l’écart entre nos conditions et celles des cols bleus et des cols blancs », témoigne Jade Galipeau, qui occupe la présidence du syndicat depuis trois ans. La jeune femme a aussi constaté qu’il était difficile de garder les troupes motivées lors de la dernière négociation, au printemps dernier. Jade a également remarqué davantage de « je-m’en-foutisme » et un manque d’implication chez les jeunes. Est-ce une question de génération ou plutôt un autre signe de la montée de l’individualisme dans la société ? Peu importe la raison, l’actuelle présidente songe déjà à l’avenir du syndicat et espère une relève à sa tête afin de maintenir les acquis durement gagnés.

Crise du logement : en quête de sens et de solutions

Longtemps négligée, la crise immobilière s’est finalement invitée dans le débat politique. Il était temps : en septembre 2023, le loyer moyen au Canada a dépassé pour la première fois la barre symbolique des 2000 dollars.

Le 1er juillet, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a dénombré 490 ménages au Québec sans nouveau bail. Pour Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU, ces chiffres ne sont que la partie émergée d’un archipel de la misère, sans « tous ceux et celles hébergés chez des proches, obligés de camper dans leur voiture ou dans un motel, en maison de transition, ni tous ceux et celles ne s’étant pas manifestés auprès d’un service d’aide ou en situation d’itinérance ». Et sans les millions de travailleurs pauvres, de jeunes, d’immigrants, d’aînés, de minorités, et/ou de familles monoparentales qui louent un logement trop cher, trop petit ou insalubre. Ailleurs au Canada, la situation est encore pire, et la crise immobilière se conjugue avec deux autres crises : celle des opioïdes et de la santé mentale.

Le phénomène n’est plus seulement à Montréal ou quelques grandes villes, il percole partout au Québec. Il est même devenu un frein au développement économique des régions puisqu’on peine à loger les travailleuses et les travailleurs nécessaires à certains nouveaux projets comme ceux de la filière batterie.

Tous coupables ou (presque) tous victimes ?

Le grand jeu du blâme politicien, de l’inversion accusatoire et des explications pseudo-économiques a fonctionné tout l’été. Toutes les contrevérités ont été dites sur cette crise : elle serait la faute des jeunes incapables de tenir un budget. La faute des travailleurs mal payés et donc… de leurs syndicats. La faute des cessions de bail qui pénaliseraient les propriétaires. La faute des immigrants, alors que leur arrivée prévisible n’a été accompagnée d’aucun plan national de création de logements. Et même la faute de l’augmentation des salaires des travailleurs et travailleuses de la construction ! « Nos membres subissent aussi de plein fouet cette crise et l’inflation », réagit cependant Pierre Brassard, président de la CSN–Construction.

Dernières coupables en date : la Banque du Canada (BDC) et l’envolée rapide des taux d’intérêt. Cet été, la CSN a déposé un mémoire pour les consultations prébudgétaires fédérales, dans lequel elle critique l’utilisation de la BDC comme seul outil pour juguler l’inflation. La centrale estime qu’agir ainsi accentue les inégalités sociales. D’autres politiques significatives sont nécessaires pour s’attaquer à l’inflation, y compris des moyens concrets de rendre le logement plus abordable.

Des solutions existent

Pour sortir de la « crise de l’offre », le FRAPRU estime la création de 50 000 logements sociaux à but non lucratif indispensable au Québec. Il s’agit là d’un minimum puisque la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) estime qu’il faudrait 620 000 nouveaux logements au Québec pour rétablir un équilibre dans le marché ! Une très grande corvée nationale est donc nécessaire.

Hélas, le secteur de la construction manque de bras, malgré une productivité record. « Nous alertons depuis longtemps sur le manque de main-d’œuvre. Une des causes sont de piètres conditions de sécurité dans l’industrie, car le secteur est le plus meurtrier au pays et montre de graves carences en matière de formation et de conditions de travail, pour attirer et garder ces professionnel-les », explique Pierre Brassard. Commentant la récente promesse par le premier ministre d’une formation accélérée payée et calquée sur celle des préposé-es aux bénéficiaires pendant la COVID, il ajoute : « la formation peut être attrayante, mais ce n’est pas en coupant dans les heures obligatoires pour obtenir un DEP qu’on formera les professionnel-les qualifiés dont on a tant besoin. Et la question de la rétention de ces travailleuses et travailleurs se pose toujours ».

En attendant, l’achat d’immeubles résidentiels existants par les villes sera nécessaire pour contrer « la financiarisation du logement » qui jette, chaque jour, des citoyennes et citoyens à la rue. Mais la volonté politique manque. Ainsi, la proportion de logements sociaux sur l’ensemble des logements locatifs québécois a diminué pour la première fois de l’histoire de la Belle Province, en passant de 11,2 % en 2016, à environ 10,1 % en 2021. Le FRAPRU estime que ce chiffre doit doubler et atteindre 20 % pour peser sur le marché locatif privé et permettre à tous de se loger dignement.

Tensions numériques à la SAQ

Alors que de nombreux secteurs ont vu leurs ventes en ligne exploser depuis les dernières années, pourquoi la SAQ fait-elle si piètre figure ? En misant sur le mauvais cheval, juge le Syndicat des employé-es de magasins et de bureaux de la SAQ (SEMB-SAQ–CSN).

Lors de la divulgation de son rapport annuel en juin dernier, la SAQ confirmait que les achats effectués sur SAQ.com avaient plafonné à 3,1 % pour l’année 2022. Au deuxième trimestre de l’année en cours, ils avaient reculé de près de 6 % par rapport à l’an dernier.

Aucunement mécontent du plafonnement des ventes qui échappent aux succursales, le syndicat pointe du doigt les interminables délais de livraison (jusqu’à cinq jours !) entraînés par la centralisation de la préparation et de l’expédition des commandes à partir de Montréal, au détriment des régions.

Le syndicat réclame depuis des années que les commandes effectuées en ligne puissent être préparées en succursale et disponibles beaucoup plus rapidement. Un système pourtant efficace à la SQDC, où l’on peut collecter, en 90 minutes, une commande préalablement passée en ligne.

Tout le contraire de la SAQ : les commandes sont assemblées à l’entrepôt de Montréal, expédiées par camion jusqu’en Gaspésie, cinq jours plus tard, malgré la disponibilité des mêmes bouteilles dans un rayon de quelques kilomètres. Bonjour les gaz à effet de serre !

Malgré l’échec annoncé, le gouvernement a pourtant accepté, en juin dernier, de tripler l’enveloppe accordée pour la construction d’un nouveau centre de distribution, toujours à Montréal. En deux ans, le budget est passé de 48 M$ à 137 M$, sans qu’une seule pelletée de terre soit effectuée. Un budget qui n’inclut pas le coût de l’immense robot chargé d’assembler les commandes à partir de 20 000 produits… plutôt fragiles.

Un véritable non-sens aux yeux des 5 500 membres du SEMB-SAQ–CSN. Dans le cadre du renouvellement de leur convention collective, ils demandent à ce que les ventes en ligne puissent être préparées rapidement en magasin, par des employé-es, et que les commandes puissent être ramassées par la clientèle du quartier.

« Si des clientes et des clients préfèrent faire leurs achats en ligne, qu’on leur offre au moins la possibilité de passer en magasin plus rapidement en s’occupant de la préparation sur place », souligne la présidente du syndicat, Lisa Courtemanche. « Tout le monde serait gagnant, que ce soit sur le plan environnemental ou économique, que du point de vue de la clientèle et des employé-es ».

RTC : un nouveau rapport de force

Le Tribunal administratif du travail (TAT) a rendu une décision historique dans le domaine du transport collectif pour les grandes agglomérations. Hélène Fortin, présidente du Syndicat des employé-es du transport public du Québec métropolitain–CSN, nous raconte la négociation de son syndicat avec le Réseau de transport de la Capitale l’été dernier.

Pour faire suite à l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan qui a constitutionnalisé le droit de grève, depuis 2019 c’est le TAT qui doit déterminer si une entreprise doit être soumise à l’obligation de maintenir des services essentiels pendant une éventuelle grève. Pour ce faire, les deux parties font leurs représentations et le TAT tranche en ayant pour mission de s’assurer que la grève projetée n’aura pas pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique. Auparavant, le gouvernement imposait l’assujettissement par décret.

Un précédent historique dans le transport collectif

Avec ce nouveau pouvoir du TAT, le Syndicat des employé-es du transport public du Québec métropolitain–CSN s’est dit qu’une belle fenêtre s’ouvrait pour faire le débat sur l’effet d’une grève quant à la santé ou la sécurité publique à Québec et ainsi tenter d’ouvrir une brèche pour les grandes villes québécoises. Historiquement, le gouvernement avait toujours assujetti les sociétés de transport des grandes villes québécoises aux services essentiels, à Montréal, à Québec, à Longueuil et à Laval.

Le débat a été complexe et long : il a nécessité près de 3200 pages de preuves, d’expertises, de pièces et d’arguments des deux parties. Avec un dossier de cette envergure, le juge saisi du dossier a eu besoin de temps, pendant le délibéré, pour soupeser le tout. Pendant ce temps, le syndicat se dirigeait vers une grève.

Une décision in extremis

« Nous avons reçu notre décision favorable sur toute la ligne le 9 juin alors que nous avions déjà voté la grève, que nous avions déposé notre avis de grève le 5 juin et que nous envisagions de la déclencher du 1er au 16 juillet. Avec le Festival d’été de Québec (FEQ) qui arrivait à grands pas, celui-ci figurait évidemment dans notre analyse, notre rapport de force venait de prendre une tout autre allure : nous pouvions désormais déclencher la grève sans avoir à négocier une liste d’autobus à maintenir pendant le débrayage. Après cinq jours de grève, nous avons obtenu une entente de principe le 5 juillet. »

« Le jour où nous avons reçu la décision, nous étions au bureau, en médiation et j’ai oublié de fermer ma caméra… le médiateur, avec qui c’était le premier rendez-vous, nous a donc vu danser dans notre bureau syndical, heureux de la décision que nous venions de recevoir. »

« On ne voulait pas sortir en grève, mais en même temps, nos membres avaient vécu tellement de pression dans l’attente de cette décision que notre sortie en grève a finalement permis de l’évacuer. On avait mené nos moyens de pression au sommet et nos membres tenaient à aller au bout de leur démarche. »

La Ville de Québec a bien tenté de présenter le FEQ comme un événement nécessitant des services essentiels alors que ce type de rassemblement n’a jamais été reconnu comme tel. Le TAT a retenu qu’avec les alternatives qui existent à Québec, dont le télétravail, l’augmentation potentielle de la circulation lors d’une grève sans services essentiels ne serait pas assez importante pour susciter des embouteillages pouvant empêcher les pompiers, les policiers et les ambulanciers d’accomplir leurs devoirs respectifs.

Une seconde décision rendue le 1er août 2023 pour les répartiteurs du RTC est venue confirmer la solidité de celle des conductrices et conducteurs ; décision qui pourrait bien entraîner des répercussions sur d’autres services de transport collectif au Québec.

Permis de travail fermé: une prison?

En vertu du régime des permis de travail fermés qui s’applique aux travailleurs étrangers temporaires, les nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes sont liés par contrat à un seul et unique employeur. Impossible pour eux de changer d’employeur, sous peine d’être renvoyés dans leur pays d’origine.

Célestin* travaille comme préposé aux bénéficiaires dans un centre d’hébergement privé de Québec, un établissement syndiqué à la CSN. Comme travailleur étranger temporaire, il se sent prisonnier de son employeur, et ce, même s’il est protégé par une convention collective : « nous sommes à la merci de notre employeur, ce qui fait que nous avons peur de parler. Je connais à Québec plusieurs préposé-es non syndiqués originaires de mon pays qui sont abusés par leur employeur. Ils sont menacés d’être retournés dans leur pays, alors ils ne disent rien et acceptent des conditions injustes. »

Son collègue Marco*, lui aussi préposé aux bénéficiaires à Québec, est témoin de l’intimidation de certains employeurs : « Je connais beaucoup de préposé-es à Québec qui sont abusés par leur employeur, et ce, surtout dans les milieux non syndiqués. Ils sont intimidés et forcés de faire des heures supplémentaires par crainte de nuire à leur dossier d’immigration. Les employeurs détiennent leur billet d’avion et n’hésitent pas à exercer des pressions. Dans certaines résidences syndiquées, le syndicat hésite à déposer des griefs ou à porter plainte parce qu’ils sont des travailleurs étrangers avec des permis de travail fermés. »

« Théoriquement, les travailleurs étrangers temporaires syndiqués ont les mêmes droits que les autres, mais la capacité à les appliquer est plus limitée. On a quelqu’un qui a été congédié avec un permis de travail fermé, mais on a beau déposer des griefs et contester, même si on gagne la décision, la personne risque d’être déportée avant qu’elle soit rendue. Il faut mieux s’outiller pour défendre ces gens-là. », confirme Raphaël Poirier Goupil, conseiller à la FSSS–CSN.

À Québec, là où Marco travaille, 80 % des préposé-es aux bénéficiaires de son centre d’hébergement privé syndiqué à la CSN sont des travailleurs immigrants temporaires qui détenaient un diplôme d’infirmier dans leur pays d’origine. Nettement surqualifiés et sous-payés, soumis aux aléas de l’employeur, ils rêvent tous d’obtenir un permis de travail ouvert. Marco mentionne : « Si j’avais le ministre de l’Immigration devant moi, je lui demanderais de mettre fin aux permis de travail fermés et d’accorder dès le départ des permis de travail ouverts. Ça faciliterait notre intégration au Canada. Je pourrais travailler ailleurs pour combler les besoins d’autres résidences pour aîné-es et ça m’aiderait à subvenir à mes besoins. Ce serait aussi une solution à la pénurie de main-d’œuvre qu’on voit dans les résidences privées. Avec un permis ouvert, nous pourrions combler une partie des besoins de main-d’œuvre. On pourrait travailler 40 heures à un endroit et donner nos disponibilités pour faire du remplacement ailleurs et combler des besoins. Ça nous aiderait aussi à connaître d’autres personnes, d’autres expériences et ça faciliterait notre intégration. » Malgré leur faible rémunération et des conditions de travail très difficiles, les préposé-es aux bénéficiaires sont un rouage essentiel des services de santé, comme le témoigne Célestin : « Nous les préposé-es, nous sommes les pieds, les mains et la tête des résidentes et des résidents âgés. Si nous n’étions pas là, beaucoup de personnes âgées seraient mises en difficulté. Il n’y aurait personne pour s’en occuper.

De nouveaux défis pour la CSN

L’arrivée au Québec d’un grand nombre de travailleurs étrangers temporaires, c’est une histoire relativement récente, mais depuis le début, la CSN est présente pour aider ces travailleurs et travailleuses à intégrer le marché du travail et la société québécoise. La Fédération du commerce (FC) a produit un dépliant en trois langues à leur intention. Jonathan Aspireault-Massé, conseiller à la FC, a été un des premiers à les accueillir : « En 2018, je ne savais pas ce que ça mangeait un travailleur étranger temporaire. J’ai dû créer une lettre d’entente pour couvrir le plus de cas de figure possible. En fait, on a appris à piloter l’avion en plein vol. Il a fallu maîtriser rapidement les règles de l’immigration, du logement, de l’assurance-chômage et de la CNESST. »

L’arrivée d’un grand nombre de ces travailleurs, c’est du « droit nouveau » qui demande beaucoup d’adaptation de la part des syndicats, des officiers syndicaux et des collègues de travail. « Quand 30 % de ton effectif débarque en même temps dans ton entreprise, ça transforme ton milieu de travail. », nous dit Jonathan Aspireault-Massé.

À la CSN, on fait le pari que les campagnes d’information et de sensibilisation permettront d’aplanir les difficultés, car l’avenir de nos entreprises, de nos institutions et de nos services publics repose en bonne partie sur les nouveaux arrivants qui ne demandent qu’à s’intégrer à la société québécoise. On peut désormais espérer que les (nouvelles) conditions de travail négociées pour les travailleurs étrangers permettront de bonifier les conventions collectives des travailleurs québécois.

* Nom fictif destiné à protéger l’identité du travailleur

Grève des casinos : les gains humains

Les travailleuses et les travailleurs des casinos du Québec ont une longue histoire syndicale qui prend racine au début des années 1990. Combattants et présents dans les jeux en ligne, mais aussi à Charlevoix, Gatineau, Mont-Tremblant et Montréal, ils et elles ont traversé de nombreux conflits et bâti un milieu de travail qui fait aujourd’hui l’envie de toutes et de tous.

Deux ans de pandémie et une inflation record ont terni ce lustre. L’échéance des conventions collectives au printemps 2022 a préparé le terrain pour une mobilisation sans précédent chez les syndiqué-es. Pour la première fois, les 1700 travailleuses et travailleurs des huit syndicats présents aux quatre coins du Québec ont négocié d’une même voix afin d’éviter le déclin de leurs conditions de travail.

Après un an de négociations et une grève de trois mois, on peut dire que c’est mission accomplie. Une recommandation du conciliateur a été acceptée par près des trois quarts des membres en septembre dernier, mettant ainsi fin au conflit de travail. Pour l’occasion, le Point syndical vous propose une incursion dans l’univers syndical des établissements de jeu.

Une longue tradition

Ancien policier pour les chemins de fer du Canadien National (CN), Riccardo Scoppeleti travaille à la sécurité du Casino de Montréal depuis 1993. Il se souvient avec amusement de la signature des cartes survenue deux ans après son embauche dans les salles de bain du casino, à l’abri des regards. Fort de son expérience de délégué syndical au CN, il s’implique dans son nouveau syndicat dès sa fondation.

Pour lui, la recette gagnante d’une grève se trouve dans l’appui des membres, de son exécutif et de la CSN, le « mothership » comme il l’appelle affectueusement. Au cœur de son engagement qui dure depuis bientôt vingt ans se trouve sa volonté de trouver des solutions, mais surtout, d’écouter.

« Ma mère m’a toujours dit qu’on avait deux oreilles et une seule bouche pour une bonne raison. Je pense qu’on doit écouter deux fois plus qu’on parle, c’est ce qui me permet de trouver des solutions », explique le président de l’unité de sécurité du Casino de Montréal.

L’écoute, c’est ce qui a fait la différence pour Valérie Bergeron, haute dirigeante syndiquée au Casino de Charlevoix. Au quotidien, elle s’assure que les clientes et clients exécutifs, ou VIP, ont tout ce dont ils ont besoin. Peu à peu, le stress de sa première grève a laissé place à une routine structurée autour des lignes de piquetage. Ce changement de perspective, elle l’attribue en grande partie à Éric Dufour, président de l’unité.

« Éric a vraiment été capable de nous mettre à l’aise, il répondait à toutes nos questions et je n’ai jamais eu l’impression de le déranger. C’était très rassurant de pouvoir nous appuyer sur lui », conclut Valérie, qui ressort de la grève forte des liens de solidarité qu’elle a tissés.

1972, une année de bouillonnement

Au Québec, l’année 1972, celle du premier Front commun, aurait pu être « révolutionnaire ». Mais elle aura plutôt été frappée du sceau de la répression, si bien que, pour Olivier Ducharme, le phénomène de la dépossession politique est au cœur de cette année mouvementée. L’auteur d’À bout de patience montre jusqu’où l’État et ses institutions, en imposant des limites à la liberté d’informer, de manifester, de créer et de penser à coups de lois spéciales, de mesures répressives et de censure, sont prêts à aller pour mater toute contestation et décrédibiliser toute pensée critique et dissidente.

De cette année ponctuée par d’importants bouleversements politiques, culturels et sociaux, notre mémoire collective n’a généralement retenu que les épisodes les plus spectaculaires, comme l’importante grève du Front commun de la fonction publique et l’emprisonnement de ses chefs syndicaux [Marcel Pepin, Louis Laberge et Yvon Charbonneau]. Mais on assiste aussi à la montée des mouvements féministes, autochtones et environnementaux, et plusieurs autres événements témoignent d’un Québec en pleine ébullition : les femmes bravant l’interdiction d’entrer dans les tavernes, les grèves sauvages de mai, les occupations, les « cégeps parallèles », la censure à l’ONF, la résistance des Premières Nations… C’est également l’époque des hauts faits d’armes du syndicalisme de combat : en 1972, les trois grandes centrales syndicales [CSN, FTQ et CEQ] ne craignaient pas de critiquer sévèrement le capitalisme.

Puisant dans les archives de presse et s’appuyant sur une riche iconographie, Olivier Ducharme nous plonge dans les événements qui ont marqué 1972 en dressant, de sa plume vivante, un portrait inédit d’une année de bouillonnement politique, social et culturel. Il nous rappelle également que le projet de faire advenir une société québécoise anticapitaliste demeure d’une criante actualité.

Docteur en philosophie, Olivier Ducharme est l’auteur de Michel Henry et le problème de la communauté, Pour une communauté d’habitus (L’Harmattan, 2013), Une vie sans bon sens, Regard philosophique sur Pierre Perrault (avec Pierre-Alexandre Fradet, Nota bene, 2016), Todd Haynes : cinéaste queer et également Liberté, identité, résistance (Varia, 2016). Il dirige la série Cinéma aux éditions Varia.

Soutien scolaire : des données inquiétantes

Selon un sondage mené auprès de 35 000 membres de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN), pas moins de 12 % du personnel du soutien scolaire fréquente les banques alimentaires. Également, 52 % des répondantes et répondants ont affirmé que leur emploi de soutien scolaire ne leur permet pas de combler leurs besoins de base mensuels comme le logement, l’alimentation, le chauffage et l’électricité ! Quelque 78 % ont déclaré vivre d’une paye à l’autre et 19 % disent devoir occuper un autre emploi pendant l’année (excluant la période estivale) pour combler leurs besoins. Voilà des données qui montrent bien que le maintien du pouvoir d’achat et un rattrapage salarial sont indispensables pour ce secteur comme pour d’autres.

Un retour en force du Défilé de la Fierté

Après l’annulation du Défilé de la Fierté de l’année passée, l’édition du 13 août 2023 était fortement attendue dans les communautés queers. Au total, plus de 15 500 personnes ont affiché leurs couleurs sous le soleil de la métropole, un record de participation.

Sur place, le contingent de la CSN était l’un des plus gros du défilé. Nos membres ont saisi l’occasion (et leurs pancartes) pour rappeler les discriminations que vivent, encore aujourd’hui, les personnes appartenant aux diversités sexuelles et de genre dans leur milieu de travail.

De façon symbolique, la marche a débuté près de l’ancien secteur 2SLGBTQIA+ de Montréal, au coin du boulevard René-Lévesque et de la rue Metcalfe et s’est terminée dans le Village actuel. Par la suite, plusieurs ont poursuivi les célébrations à l’Esplanade du Parc olympique pour le spectacle de clôture de la Fierté.

Un an de résistance

Le syndicat des employé-es de bureau du Cimetière Notre-Dame-des-Neiges a entamé son 14e mois de grève. Plus d’un an à revendiquer le respect d’un employeur qui ne manifeste que du mépris à leur égard. Après tant de mois passés sur la ligne de piquetage, les syndiqué-es se retrouvent dans une phase de résistance éprouvante.

Rien ne va plus dans les opérations de l’institution. Les crémations et les inhumations ne peuvent se faire correctement sans le retour en poste du personnel administratif.

Unis contre les horreurs de la CAQ

Le 31 octobre, la coalition Main Rouge appelait à une manifestation colorée pour dénoncer les horreurs de la CAQ. Ce fut l’occasion de dénoncer quelques projets de loi caquistes présentement à l’étude, dont celui portant sur la réforme Dubé en santé et services sociaux, les réformes en éducation, ainsi que le projet de loi sur le logement.

Plus de formation sur les Autochtones

La CSN a profité de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation du 30 septembre dernier pour réclamer de revoir complètement la formation au personnel de la santé et des services sociaux, mise en place à la suite du décès tragique de Joyce Echaquan. La demande vise également à étendre la formation à l’ensemble des services publics, notamment le secteur de l’éducation, afin d’assurer la sécurisation culturelle des 11 nations autochtones du Québec. Il est très important de réviser le contenu de cette formation, en collaboration étroite avec les Autochtones, pour s’assurer notamment que celle-ci reconnaisse le principe de Joyce et le racisme systémique. Une grande partie de la formation en place porte par ailleurs sur l’histoire et propose peu de mises en situation concrètes susceptibles de survenir dans les services.

Projet de loi 15 : vaste coalition contre la réforme Dubé

Une coalition de près de 300 syndicats et groupes de la société civile dénonce le manque de consensus envers le projet de loi 15. Le ministre Christian Dubé défend depuis un an sa vaste réforme. Celle-ci mènera à la création de l’agence Santé Québec qui englobera tout le réseau de la santé et des services sociaux. Les organisations membres de la coalition reprochent au gouvernement de ne pas avoir consulté le milieu au préalable et demandent maintenant au ministre de prendre un pas de recul pour débattre démocratiquement des enjeux soulevés par le projet de loi 15. On pense notamment à la très grande centralisation et à l’ouverture à plus de services offerts par le secteur privé. Santé Québec deviendrait le plus grand employeur au Canada, ce n’est pas rien !

En plus de cette vaste coalition, on note la sortie de six anciens premiers ministres du Québec qui craignent essentiellement que cette réforme entraîne la perte d’autonomie des institutions qui sont des pôles de recherche universitaire. Il faudra surveiller le gouvernement pour voir s’il utilisera la méthode antidémocratique du bâillon pour faire passer son projet de loi avant Noël.

Les salarié-es de chez Autobus Robert déclencheront la grève générale illimitée sous peu

Lors d’une assemblée générale extraordinaire tenue ce 10 novembre, les membres du Syndicat des travailleuses et travailleurs des Autobus Robert–CSN (STTAR–CSN) ont adopté un mandat de grève générale illimitée à 89 %, par voie de scrutin secret.

« Le syndicat est rendu à négocier les clauses à incidences salariales et l’employeur n’entend pas verser la part des sommes qu’il a reçues du gouvernement afin de bonifier les salaires. Et comme dans presque tous les syndicats qui n’ont pas encore renouvelé leur contrat de travail, les salaires versés actuellement ne parviennent pas à attirer et à retenir les salarié-es nécessaires pour effectuer ses routes chaque jour. Et ce sont les enfants et leurs parents qui en paient le prix », précise Josée Dubé, présidente du Secteur transport scolaire de la Fédération des employées et employés de services publics–CSN.

Au mois de février dernier, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, est lui-même intervenu sur la place publique afin d’appuyer les revendications du secteur du transport scolaire en soulignant que les chauffeuses et chauffeurs doivent avoir leur juste part.

« L’employeur devra reconnaître les nouvelles données salariales qui sont en vigueur dans le secteur du transport scolaire. Plusieurs règlements reconnaissent enfin le difficile travail des conductrices et des conducteurs. Tous les employeurs ont reçu une bonification variant de 15 à 30 % de la valeur de leurs contrats et cet argent doit se rendre dans les poches de celles et ceux qui conduisent les autobus, ajoute Frédéric Brun, président par intérim de la Fédération des employées et employés de services publics–CSN. Si l’employeur veut régler la négociation rapidement, il n’a qu’à délier les cordons de la bourse. »

« À l’image de tous les autres syndicats qui négocient actuellement dans le transport scolaire, nous déplorons que les salarié-es d’Autobus Robert doivent recourir à la grève pour aller chercher leur juste part. Pour nous, la balle est clairement dans le camp de l’employeur et nous allons être aux côtés des travailleuses et des travailleurs jusqu’à ce qu’ils obtiennent cette juste part », de conclure Annette Herbeuval, présidente du Conseil central de la Montérégie–CSN.

À propos

Le STTAR–CSN compte 70 membres responsables d’autant de parcours de transport scolaire.

La CSN félicite la réélection de Robert Comeau à la présidence de l’APTS

Félicitations à Robert Comeau pour sa réélection au poste de président de l’APTS ainsi qu’à l’ensemble du comité exécutif national.

 

« Le mouvement syndical a besoin de leader comme Robert et nous poursuivrons avec plaisir notre collaboration, notamment dans le cadre de la négociation du secteur public menée en Front commun », affirme la présidente de la CSN, Caroline Senneville.

 

« Les prochaines semaines nous demanderons toute la solidarité que connaissent nos organisations et nous aurons plaisir de poursuivre le travail déjà accompli », ajoute la présidente.

 

Solidarité !