N’ayant pu en arriver à une entente de principe, malgré un blitz de négociation intensive, les membres du Syndicat des salariés(ées) d’entretien du RTC–CSN ont dressé des piquets de grève tôt ce matin devant le siège social du RTC au 720, rue des Rocailles à Québec. « C’est l’intransigeance et la nonchalance de la partie patronale qui nous amènent là », explique Nicolas Louazel, président du syndicat, « elle ne s’est pas gênée pour encourager la grève en plein Festival d’été de Québec (FEQ). »
L’état des négociations
Un blitz de négociation intensive avait pourtant cours depuis plusieurs jours en présence d’un médiateur nommé par le ministère du Travail à la demande du syndicat. « On a entendu la partie patronale, on a travaillé de bonne foi sur leurs priorités, on a fait des propositions et des compromis sur nos demandes, notamment salariales, mais rien n’y fait », s’indigne Nicolas Louazel. Dans les derniers jours, le syndicat a présenté pas moins de trois offres globales intégrant des propositions et des suggestions sur les dossiers prioritaires de la partie patronale, comme la formation et la mobilité de la main-d’œuvre, sans résultats.
« Elle ne fait aucun compromis, elle veut que l’on accepte intégralement toutes ses demandes, dans le fond. elle ne veut pas négocier, elle veut tout avoir », dénonce le président du syndicat. La négociation achoppe notamment sur des enjeux de flexibilité et de performance. Le syndicat est prêt à faire des compromis pour permettre à l’employeur d’atteindre ses objectifs, mais pas au détriment de la qualité de vie au travail. « Par exemple, on ne veut pas geler des gens sur des horaires de nuit ou sur des postes de bouche-trou, mais l’employeur est fermé à toute alternative », explique Nicolas Louazel. Le syndicat estime qu’il n’y a eu aucune avancée dans la négociation depuis le 3 juin.
Du côté syndical, les priorités de la négociation portent sur la limitation de la sous-traitance et le maintien de la qualité du service. « Il y a une expertise au RTC, un capital humain qu’il faut protéger et étendre », poursuit Frédéric Brun, président de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP–CSN). Au fil des ans, de nombreux ajouts de services se sont faits au RTC en ayant recours au privé et à la sous-traitance. « Notre objectif est de rapatrier à l’interne un maximum de travaux actuellement faits par le privé, comme l’entretien des flexibus », explique Frédéric Brun, « non seulement pour protéger la qualité du service, mais aussi parce que c’est moins cher et qu’il y a des économies à faire. »
Les salaires sont évidemment un enjeu, mais pas à la hauteur que l’on voit dans les médias. « Il faut que le maire arrête avec son 30 %, ce n’est plus d’actualité, on a fait des compromis et des contre-propositions à ce sujet », révèle Frédéric Brun. Le syndicaliste estime toutefois qu’il y a des limites à étirer l’élastique. « J’invite les politiciennes et politiciens à regarder les offres d’emploi dans la région. Oui ça reste de bonnes conditions, mais ce n’est plus comme avant, on peut trouver mieux ailleurs, on n’est pas les pires, mais on n’est pas les mieux payés non plus », dit-il, « c’est beau la capacité de payer des contribuables, mais il faudrait aussi parler de la capacité de recruter du RTC. Ce n’est pas comme si ça se bousculait aux portes pour travailler ici. »
À propos des services essentiels
« La politisation à outrance des sociétés de transport est un vrai cancer », lance François Enault, premier vice-président de la CSN, « et le dossier des services essentiels est un bon exemple de ça. » Le premier vice-président de la CSN dénonce d’ailleurs une campagne de désinformation à ce sujet. « Est-ce que le transport en commun est un service important pour la population à Québec? Oui, absolument. Est-ce que c’est un service essentiel au sens de la loi? Non », explique François Enault, « et ce n’est pas moi qui le dit, c’est le Tribunal administratif du travail. D’ailleurs, on va mettre une chose au clair : le syndicat du transport de Montréal n’a pas spontanément négocié une entente de service essentiel avec la STM pour assurer le service pendant le Grand Prix. Ça a été imposé par le tribunal. On n’est pas face à un gentil syndicat, à Montréal, et un méchant syndicat, à Québec, on est face à deux syndicats qui sont passés par le même processus légal et qui ont eu des réponses différentes parce qu’ils sont dans des villes différentes avec des systèmes de transport en commun différents. »
La direction du RTC est transparente dans toutes ses communications : elle veut que le transport en commun soit unilatéralement décrété service essentiel et limiter le droit de grève de ses syndiqué-es. « On est exactement face à tout ce qu’on a dénoncé concernant le projet de loi 89 du ministre Boulet », poursuit François Enault, « pourquoi est-ce que les employeurs négocieraient de bonne foi s’ils peuvent espérer une intervention du ministre? Le RTC n’est même pas encore couvert par la loi qu’ils se trainent déjà les pieds pour étirer le temps et espérer s’en tirer sans avoir besoin de négocier comme du monde. Heille! 62 séances de négociation et ce n’est toujours pas réglé? Voyons donc! Imaginez ce que ça va être quand les syndiqué-es vont avoir un rapport de force amputé, comme leur droit de grève… »
Le Festival d’été de Québec
Il a coulé beaucoup d’encre sur le choix de faire la grève durant le Festival d’été de Québec. « Je voudrais remettre les pendules à l’heure à ce propos », ajoute Barbara Poirier, présidente du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CCQCA–CSN), « premièrement, il est indécent de reprocher à des travailleuses et des travailleurs de choisir le moment où ils ont le meilleur rapport de force pour améliorer leurs conditions de travail, c’est la base, sans ça on a toujours juste des miettes. » Deuxièmement, selon la présidente du conseil central, la partie patronale aurait tout à fait pu éviter une grève en plein FEQ. « Le syndicat lui a proposé de commencer à négocier à l’avance, elle a refusé », rappelle Barbara Poirier, « ça fait depuis le 15 octobre 2024 que ça négocie, tout le monde le voyait où ça nous menait, voulez-vous bien me dire comment ça se fait que ça n’a pu se régler avant? Soit l’employeur est vraiment incompétent, soit c’était ça le plan de match. »
« Au conseil central, s’il faut absolument qu’il y ait une grève au RTC, et ça a pas mal l’air d’être un passage obligé, on préfère que ce soit pendant le FEQ », conclut Barbara Poirier. Pourquoi? Parce que l’autre fenêtre de règlement, c’est à la rentrée. « C’est moins spectaculaire qu’une grève pendant le FEQ, mais c’est la clientèle régulière du RTC qui serait la plus impactée par une grève à la rentrée », analyse Barbara Poirier. La présidente du conseil central réitère, en terminant, que les membres du syndicat peuvent compter sur l’appui et la solidarité de la CSN et de toutes ses composantes dans leur combat pour obtenir une convention collective à la hauteur de leurs attentes.
À propos
Le Syndicat des salariés(ées) d’entretien du RTC–CSN représente 363 travailleuses et travailleurs des garages de la société de transport. Il est affilié à la FEESP–CSN, qui regroupe 69 000 membres répartis dans 425 syndicats dans les services publics et parapublics ainsi qu’au Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches (CCQCA–CSN) qui compte 45 000 membres dans 240 syndicats de toutes provenances. Pour sa part, la CSN compte plus de 330 000 membres syndiqués provenant tant du secteur privé que du secteur public.