La syndicaliste américaine qui veut électrifier les trains

« On vise l’électrification des trains taxis qui déplacent les wagons dans les gares de triage. Ce serait un gain du point de vue de la justice climatique, de la justice raciale et de la justice en matière de santé », mentionne Kari Thompson, responsable de la formation et de la stratégie internationale pour United Electrical (UE) des États-Unis.

En visite au congrès de la CSN, la syndicaliste américaine explique que les syndiqué-es de Wabtec ont déjà un prototype de locomotive hybride et entièrement électrique. Leur introduction réduirait la pollution pour les travailleuses et les travailleurs des gares de triage et des entreprises ferroviaires. Elle viendrait également diminuer la pollution dans les quartiers où se trouvent ces gares. Dans les grandes villes des États-Unis, ces quartiers sont souvent des endroits où résident des personnes racisées. Le gain est donc triple, pour le quartier, pour les syndiqué-es et pour l’environnement.

Le syndicat de UE ne se contente pas de fabriquer les trains électriques, il milite aussi afin de faire changer les règles qui limitent la pollution des trains de l’Environmental Protection Agency (EPA). « Des règles plus strictes sur les moteurs pourraient forcer les compagnies à acheter électrique », estime Kari Thompson, selon qui l’EPA est en voie de passer à l’action. Or, comme l’industrie ferroviaire du Canada et celle des États-Unis sont interconnectées, le lobby syndical de UE pourrait avoir un effet de notre côté de la frontière.

Solidarité internationale

Au-delà de l’exemple des trains électriques, la solidarité internationale peut s’exprimer de plusieurs façons.

« On doit mieux communiquer entre nous, fait valoir la représentante de UE. Elle précise que les gains en négociation des uns peuvent aider les autres syndicats dans les pays où cette multinationale est établie. Kari Thomson donne l’exemple de syndicats en Belgique, qui profitent de lois sur l’accès à l’information pour les entreprises et qui peuvent parfois informer les syndicats de la même multinationale dans d’autres pays.

La collaboration internationale entre les syndicats peut également s’appliquer lors de la négociation et de la mise en place des accords de commerce international. La représentante de UE rappelle que les derniers accords et programmes de soutien du secteur automobile incluent des exigences de fabrication en Amérique du Nord. Or, si les usines vont au Mexique, les conditions de travail ne seront pas les mêmes, conclut-elle.

Les salarié-es de Care Montréal ont gagné leur bataille

À l’origine, CARE Montréal est une petite halte chaleur d’Hochelaga destinée à la population en situation d’itinérance. Mais rapidement, l’organisme voit son financement être bonifié par le CIUSSS du Centre-Sud : son enveloppe budgétaire bondit de 11 millions de dollars. Le nombre d’employé-es passe alors de quelques-uns à environ 200 travailleuses et travailleurs qui fournissent nourriture et abris à plus de 250 usagères et usagers.

Pour les nouveaux salarié-es, commence alors la confrontation avec un employeur difficile et des conditions de travail déplorables, même pour les standards du milieu communautaire. Manque de respect, changements de tâches arbitraires, harcèlement, népotisme, piètre qualité ou absence des équipements de protection individuelle en pleine pandémie, la liste est longue. Après une campagne de syndicalisation difficile marquée par des représailles et de l’intimidation de la part de l’employeur, le Syndicat des travailleuses et travailleurs en intervention communautaire–CSN est enfin accrédité, le 8 mars 2022. Des négociations laborieuses en présence d’une conciliatrice du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale débutent alors.

« Ce combat syndical n’a pas été facile, ça m’a rassurée de pouvoir compter sur la CSN pour m’appuyer là-dedans, de savoir que j’avais quelqu’un de mon bord », explique Selena Goudreault, ancienne déléguée syndicale.

Détournements de fonds

À la fin de 2022, Catherine Roy Goyette, alors présidente du conseil d’administration de CARE, démissionne en claquant la porte. Elle dénonce des irrégularités financières de l’ordre de 600 000 $ qui auraient été commises par le directeur général et fondateur, Michel Monette. Dans un article de La Presse publié le 17 décembre dernier, l’ex-présidente évoque « d’importants contrats signés sans l’accord du conseil d’administration avec des proches, des disparitions de grosses sommes d’argent liquide, des doubles facturations, la facturation de services personnels […] ».

Pour les employé-es, ces malversations alléguées sont le clou dans le cercueil. « On s’en doutait depuis un moment, mais là c’était clair que le fondateur n’était pas là pour les bonnes raisons. Nous, les employé-es, on était là pour aider le monde », ajoute Selena Gaudreault.

Quelques semaines plus tôt, les employé-es étaient passés à un cheveu de faire voter une fusion de l’organisme avec le CAP St-Barnabé. À la dernière minute, l’employeur avait bloqué la procédure en utilisant un droit de veto. Qu’à cela ne tienne, les employé-es n’avaient pas dit leur dernier mot.

Lorsque les bailleurs de fonds ont pris la décision d’arrêter de financer l’organisme, CARE a été forcé de mettre la clé sous la porte. Enfin, les salarié-es pouvaient se joindre à leurs collègues du CAP St-Barnabé, lequel a récupéré les locaux et les financements de CARE à la suite d’un important travail de mobilisation. Pour les travailleuses et les travailleurs, cette transition représente des gains salariaux allant jusqu’à 5 $ l’heure et une amélioration du climat de travail.

Dans le milieu du travail communautaire, rien n’est jamais facile et si la transition vers le CAP St-Barnabé représente un progrès pour les anciens de CARE, ceux-ci sont toujours aux prises avec des enjeux propres au milieu. Faute de fonds, dans les derniers mois, le CAP St-Barnabé a dû interrompre certains de ses services aux usagers.

Ces dernières années, de plus en plus de travailleuses et de travailleurs du communautaire se mobilisent et adhèrent au mouvement syndical. En soutien à ce mouvement croissant, le STTIC–CSN, créé en 2003, est passé d’environ 7 sections en 2019 à presque 20 en 2023.

En collaboration avec la CSN, la Fédération de la santé et des services sociaux, le Conseil central de Montréal, le STTIC et ses membres continueront leurs luttes syndicales pour défendre et améliorer les droits des travailleuses et des travailleurs du communautaire que ce mouvement a mis en lumière.

L’oxygène du mouvement

Les agentes et agents multiplicateurs sont des militantes et des militants engagés sur le terrain afin d’établir des contacts et de développer la syndicalisation. Ils œuvrent dans des territoires inconnus et souvent hostiles. Les AMS sèment l’autonomie, la démocratie et la solidarité qui font la force de la CSN. Ces valeurs sont déterminantes pour l’organisation de milieux de travail non syndiqués.

Pour être efficace, une ou un AMS a besoin de préparation, de discernement et parfois d’un peu de chance.

Choisir son terrain pour s’en rendre maître

Les agentes et agents multiplicateurs en syndicalisation agissent près des milieux de travail pour des prises de contact, la distribution de contenus informatifs, la signature de cartes. La maîtrise du terrain consiste donc à repérer les zones à risque (propriété privée), celles qui sont exposées (entrée du site de travail) ou publiques (le Tim Horton au coin de la rue). Chacun de ces espaces possède ses propres règles du jeu. Une fois la question du terrain résolue par un repérage minutieux se pose la question de quand passer à l’action.

L’art subtil de se faire des camarades au travail

Les abus d’un employeur, la réputation de la CSN et ses victoires ne suffisent pas toujours à aller chercher de nouveaux membres. Convaincre du bien-fondé du syndicalisme est avant tout affaire de stratégie et de présence sur le terrain. La syndicalisation n’est pas nécessairement le premier réflexe pour régler ses problèmes au travail. Les AMS propagent par leurs actions la volonté de s’organiser dans nos régions. Ils sont un complément essentiel aux salarié-es du Service de syndicalisation de la CSN.

Le rôle infime, mais décisif de la chance

C’est souvent le manque de respect de l’employeur (sur le plan humain, organisationnel ou de la rémunération) qui agit en tant que force numéro 1 guidant l’adhésion syndicale. Toute campagne part d’un mécontentement profond et généralisé. Il faut donc trouver la bonne personne, au bon moment et au bon endroit. Il s’agit d’une part d’aléatoire non négligeable essentielle pour démarrer une campagne. Comme la présentation de l’action de syndicalisation de la CSN de mercredi l’a montré, la route est semée d’embûches antisyndicales : de l’envie de se syndiquer à l’accréditation, le travail d’AMS est parfois difficile et ingrat.

Mais ce que nous apprend l’histoire de la CSN depuis 1921, c’est qu’un combat juste doit toujours être mené.

Solidarités avec le peuple palestinien et les employé-es d’Olymel

Ce mercredi en congrès, la CSN a réitéré son appui historique au peuple palestinien et s’est engagée à signer la déclaration intitulée Appel contre l’apartheid des syndicats palestiniens. La centrale encourage également ses organisations affiliées à faire de même.

Lundi dernier marquait le 75e anniversaire de la Nakba (la catastrophe en arabe), c’est-à-dire le début de l’occupation de la Palestine. Cet anniversaire survient dans un contexte d’accroissement des violences et du nombre de victimes du régime. Présent au congrès, le militant palestinien Mustafa Barghouti déplore déjà 98 morts de Palestiniennes et de Palestiniens cette année. L’an dernier, le total s’élevait à 230 décès.

Mustafa Barghouti réitère l’appel lancé par le mouvement syndical palestinien, le 10 avril dernier, pour que cesse « le système d’occupation, de colonisation et d’apartheid ». Il demande également à la CSN de faire pression sur le gouvernement canadien et québécois afin qu’ils « soutiennent les efforts des Nations unies pour enquêter sur l’apartheid israélien ; qu’ils interdisent le commerce des armes et la coopération militaro-sécuritaire avec Israël ; qu’ils suspendent les accords de commerce avec Israël qui sont complices de l’apartheid et de l’occupation militaire israéliens et qu’ils interdisent le commerce avec les colonies israéliennes illégales. »

Appui aux travailleuses et aux travailleurs d’Olymel Vallée-Jonction

En plus de réitérer son appui au peuple palestinien, le congrès a également appuyé une motion engageant la CSN et ses organisations affiliées à faire des pressions politiques pour que « l’ensemble des travailleuses et des travaillla précédente eurs de l’usine d’Olymel Vallée-Jonction puissent être reclassés dans un autre emploi, et ce, dans un rayon limitrophe de leur travail actuel ».

La motion mandatait également la CSN et ses organisations affiliées pour « faire pression sur les élu-es du gouvernement fédéral afin qu’ils passent rapidement de la parole aux actes en libérant de leurs chaînes les travailleuses et les travailleurs immigrants temporaires détenant un permis de travail fermé ». C’est le président de la Fédération du commerce–CSN, Alexandre Laviolette, qui en a fait la proposition au plancher. Ce dernier précise par ailleurs que 123 travailleuses et travailleurs étrangers temporaires de l’usine habitent en Beauce et désirent y demeurer.

C’est avec beaucoup d’émotion que le président du syndicat de Vallée-Jonction, Martin Maurice, a remercié les congressistes de leur appui.

Rappelons que les propriétaires de l’usine d’Olymel Vallée-Jonction annonçaient il y a un mois la fermeture à venir de leur usine, entraînant l’abolition de 1 000 emplois.

Ces nouveaux syndicats qui joignent la CSN

Les témoignages présentés par vidéo au congrès sont accablants. « On était vraiment isolés. Parfois, on travaillait de longues journées et on n’était pas rémunérés, car on est payés à l’image », explique Calvin Brett, professionnel de l’animation 2D, pour décrire les conditions prévalant avant la syndicalisation de son milieu de travail.

Andréanne Girard, intervenante en maison d’accueil pour sans-abris, renchérit : « Il y avait du favoritisme et beaucoup d’injustices, on n’avait pas de sécurité d’emploi, on pouvait travailler à temps plein une semaine et seulement huit heures la semaine d’après ». Elle ajoute : « Quand j’ai demandé pourquoi les employé-es d’agence étaient mieux payés que nous, on m’a répondu que j’étais un leader négatif. Et que les leaders négatifs, ils seraient renvoyés », se rappelle Philippe Couture, Sauveteur et Poteau au Village Vacances Valcartier.

On ne naît pas syndicaliste, on le devient. Et trop souvent, ce sont les abus d’un employeur ou sa cupidité qui poussent à s’unir pour se faire respecter.

Un plan commun de syndicalisation
Sans le travail formidable de l’équipe de syndicalisation de la CSN et des agentes et agents multiplicateurs en syndicalisation (AMS), il aurait été impossible d’atteindre ces nouveaux camarades, a rappelé David Bergeron-Cyr, vice-président de la CSN. « Toutes les luttes que nous menons ensemble inspirent des milliers de travailleuses et de travailleurs et les incitent à joindre notre mouvement », résume-t-il. Lors de sa présentation mercredi portant sur les nouveaux syndicats affiliés à la CSN, il a évoqué le plan commun de syndicalisation animé par une coordination nationale et ses excellents résultats. David a évoqué l’objectif majeur d’augmentation du taux d’adhésion syndical au Québec pour augmenter le rapport de force face aux employeurs.

Le symbole Amazon
La multinationale, symbole de tous les excès du capitalisme et deuxième employeur le plus important des États-Unis, est pour David Bergeron-Cyr un enjeu mondial. La moitié des accidents de travail dans les entrepôts aux États-Unis se produisent d’ailleurs chez Amazon. Partout dans le monde, les employé-es de cette multinationale s’organisent pour se syndiquer et pour contester la gestion brutale et inhumaine de son PDG plein aux as – sa richesse personnelle représente un tiers du PIB du Québec.

Après le succès inspirant des employé-es d’Amazon à Staten Island, en banlieue de New York en janvier dernier (la toute première accréditation syndicale d’Amazon en Amérique du Nord), il est légitime pour la CSN d’appuyer la syndicalisation des travailleuses et des travailleurs des entrepôts du Grand Montréal et d’ailleurs.

Le rapport de force, pourquoi et comment l’exercer ?

À la question portant sur la cohésion entre les orientations des organisations formant la CSN, plusieurs participantes et participants ont évoqué l’importance de « partir de la base ».

« Faut que ça parte du plancher et non le contraire », ont affirmé certains. « J’ai quitté une autre organisation exactement pour ça : on était gérés. On n’avait aucun contrôle sur notre syndicat ». D’autres ont toutefois nuancé. « Lorsqu’une organisation – un conseil central par exemple – se vote des orientations, ça vient des membres. Les syndicats ont aussi le devoir de faire vivre ces orientations, de les redescendre sur le plancher et d’y mener les débats. Ça part de la base, ça remonte, et ça doit redescendre. »

Sur l’éternel défi de favoriser la participation des membres, plusieurs ont souligné l’importance d’une communication efficace. Par efficace, on a sous-entendu « qui provoque l’écoute et engendre un dialogue ». D’autres ont évoqué la nécessité de bien comprendre la réalité des membres. Dans plusieurs syndicats, rejoindre les travailleuses et les travailleurs étrangers constitue un beau défi. « Chez nous, c’est 30 à 40 % de notre effectif. On a donc modifié nos méthodes pour aller vers une approche plus familiale, plus communautaire et ça fonctionne ! » Certains ont précisé avoir fait une place au sein du comité exécutif aux travailleuses et aux travailleurs d’origines diverses. « On n’a pas attendu qu’ils viennent à nous. On a pris les devants. Leur apport est précieux. »

À propos de ce que devrait être la priorité des actions politiques qui dénoncent les injustices vécues par les travailleuses et les travailleurs, le partage plus efficace de la richesse a largement été revendiqué. « Les plus riches de ce monde font 300 fois plus que nous autres. Y’en a de l’argent, de ce côté-là de la clôture. Ils ne veulent juste pas la partager. » Certains ont évoqué l’importance de partager non pas pour remettre aux individus, mais plutôt au collectif. « Dans les CPE, on a de plus en plus d’enfants à défis particuliers. On a besoin d’aide, on a besoin de soutien. Le partage de la richesse, ça doit servir au collectif aussi. »

Concernant la tenue d’éventuels états généraux sur le syndicalisme, la plupart étaient en faveur de ce genre d’exercice. Bien sûr, la délicate question de l’image médiatique du syndicalisme a fait réagir. « On est montré comme des chialeux, alors qu’on représente les solutions. Faut que le monde comprenne ça. » Toutefois, l’importance de la relève syndicale s’est démarquée comme l’un des enjeux prioritaires. « Si on est capables

d’attirer la relève, de convaincre de plus en plus de gens, il va en rester moins pour médire à propos des syndicats. La relève, c’est la clé. »

Finalement, l’analyse, le développement et l’exercice du rapport de force ont été ciblés comme étant prioritaires. Certains ont mis l’accent sur l’importance de bien calculer l’atterrissage suivant l’exercice musclé d’un rapport de force. « Quand ton rapport de force est très solide, les membres le savent et s’attendent à des résultats de même envergure. Il faut que le deal soit fort, sinon tes membres vont être déçus. De là toute l’importance d’analyser finement l’évolution de la conjoncture tout au long d’une négociation. »

Les résolutions seront débattues et soumises au vote demain.

Là où le mot « nation » prend tout son sens

Ce n’est pas d’hier que la CSN entretient des liens étroits avec les représentantes et les représentants du syndicat basque ELA (Solidarité travailleurs basques). À preuve, le premier contact entre la CSN et Amaia Muñoa, l’actuelle secrétaire générale adjointe du syndicat présente au congrès de la CSN, remonte à 2001, au Sommet des Amériques à Québec. Amaia venait alors tout juste d’être élue trésorière de ELA.

Une amitié tissée serrée
Malgré les images brouillées par les gaz lacrymogènes qui demeurent à l’esprit de bien des gens, les souvenirs que garde Amaia de cet événement demeurent limpides : « Je m’en souviens comme si c’était hier. Bien sûr, il y avait beaucoup d’agitation parmi les manifestantes et les manifestants et les affrontements avec les forces de l’ordre étaient particulièrement musclés. Mais ce qui m’a le plus marquée à l’époque, c’est cet accueil si chaleureux que nous avait réservé la CSN. C’est comme si nos partenaires de ce mouvement s’étaient fait un devoir de nous protéger dans tout le tumulte ambiant. C’est là que j’ai tissé mes premiers liens d’amitié avec le Québec et la CSN ».

Nations sans État et convergence des luttes
Lorsqu’on questionne Amaia et son collègue Unai Oñederra – lui aussi délégué de ELA présent au congrès de la CSN – sur la nature des liens qui unissent les deux organisations syndicales, les deux répondent du tac au tac : « Nous sommes deux grandes organisations syndicales évoluant au sein de nations sans État. Nous avons une histoire et un passé similaires, traversés par plus d’un siècle de luttes pour l’amélioration des conditions de travail de nos membres, mais aussi pour l’émancipation de nos nations respectives. Nous avons beaucoup appris de nos expériences mutuelles et avons encore beaucoup à apprendre de nos défis communs. »

Unai est aussi directeur de la Fondation Manu Robles-Arangiz créée par ELA en 1991 afin de promouvoir et de développer les valeurs du mouvement syndical basque. Pour lui, ces deux luttes, nationale et syndicale, sont indissociables : « La lutte pour l’amélioration des conditions de travail et des conditions de vie de nos compatriotes va de pair avec celle pour l’indépendance du Pays basque. Il s’agit des deux côtés de la même médaille », insiste-t-il.

Syndicalisme de combat
En plus de ces traits de convergence historiques, le style de syndicalisme même que pratique ELA s’apparente à celui de la CSN. « Pour faire face aux enjeux actuels et aux nombreux défis auxquels nous sommes tous collectivement confrontés, ça prend du nerf et de la détermination, explique Amaia. C’est ce que j’ai toujours aimé à la CSN, cette combativité dans le militantisme. On l’a vu encore dans la rétrospective des luttes présentée lors de la journée d’ouverture du congrès. C’est là qu’on voit tous les gains concrets qu’on peut réaliser lorsqu’on se mobilise avec pugnacité. »

50 ans de luttes conjointes : les syndicats demandent toujours le respect

La négociation du secteur public battant son plein, la CSN a voulu souligner les 50 ans du premier Front commun de 1972 par une courte rétrospective de cette négo au fil des ans. La projection du documentaire s’est close avec une ovation et des chants solidaires qui ont ouvert la troisième journée du rassemblement.

Dans la conjoncture politique du moment, les troupes se mobilisent devant un gouvernement qui « tend vers un appauvrissement des conditions de travail dans le secteur public », soutient François Enault, 1er vice-président de la CSN.

Pour le responsable de la négociation des secteurs public et parapublic, « les travailleuses et les travailleurs, comme en 1972 avec Robert Bourassa, considèrent que le gouvernement Legault a peu de respect pour leur profession. C’est pour ça que le monde se mobilise. » Pour une huitième fois au cours de l’histoire québécoise, les trois grandes centrales syndicales, accompagnées cette fois de l’APTS, ont décidé de se réunir à la table des négociations.

« Le Front commun, c’est super important. On est toutes et tous dans le même bateau, on a besoin du plus de bras possible pour assurer une bonne mobilisation et pour que le message passe », avance Yves Sabourin, vice-président à la vie syndicale, à la mobilisation et à l’information du Syndicat des travailleuses et des travailleurs de la santé et des services sociaux de l’Outaouais–CSN.

En 1972, la revendication principale était de 100 $ minimum par semaine. « En 2023, la moyenne de la demande salariale du Front commun équivaut, pour la première année, à 100 $ de plus par semaine. Le gouvernement dit que ça n’a pas de bon sens, mais en même temps, les député-es vont se voter dans quelques jours une augmentation de 30 %, ce qui équivaut à 582 $ par semaine. C’est rire de nous autres », affirme François Enault. Pour la majorité des élu-es, l’indemnité annuelle de base passerait à 131 766 $, à laquelle s’ajoutent des primes dans la plupart des cas.

Une privatisation accélérée

La sauvegarde des services publics est le nerf de la guerre dans la bataille de l’heure, pour les militantes et les militants du secteur. Avec le dépôt du projet de loi 15 et l’objectif d’implanter la mégastructure que sera l’agence Santé Québec, le mouvement vers la privatisation se fera en accéléré et ce sont les contribuables qui « risquent d’en payer la facture ». Pour le premier vice-président de la CSN, « la vraie bataille est celle du maintien des services publics forts au Québec. Il faut s’adresser à l’ensemble du monde, pour que le message soit bien compris par toute la population. Ce n’est pas vrai qu’on va laisser le gouvernement nous pousser vers une privatisation de plus en plus grande », ajoute-t-il dans son discours d’aujourd’hui.

Annoncer des reculs acquis au terme de longues batailles a habituellement un effet mobilisateur. Dans son dépôt de décembre dernier, la CAQ proposait des reculs dans les

régimes de retraite. Pour le Comité de coordination des secteurs public et parapublic (CCSPP), le gouvernement utilise comme prétexte les départs hâtifs à la retraite provoqués par la récente bonification du Régime des rentes du Québec (RRQ). Il cherche ainsi à réduire la rente et à reprendre d’une main ce qu’il a donné de l’autre, alors que le régime est en pleine santé. « Un des avantages que les travailleuses et les travailleurs du secteur public ont, c’est bien le régime public de retraite. Ça mobilise notre monde que le gouvernement touche à ça », estime François Enault.

Ensemble, la CSN, la FTQ, la CSQ et l’APTS représentent plus de 420 000 travailleuses et travailleurs de l’État québécois dans les secteurs publics, en éducation, en santé et dans les services sociaux ainsi qu’en enseignement supérieur. Cinquante ans après le premier Front commun, les centrales unissent une fois de plus leurs forces pour la ronde de 2023.

Les technologies doivent servir les travailleuses et les travailleurs

Les progrès technologiques touchent particulièrement certains emplois de l’industrie de la construction. Par exemple, il y a une vingtaine d’années, les arpenteuses et les arpenteurs travaillaient toujours en équipe de deux sur les chantiers. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Avec l’informatisation des équipements, l’utilisation de robots, de drones et des technologies de localisation comme le GPS, ils travaillent maintenant seuls. Et ce n’est pas sans conséquence.

Le vice-président de la CSN–Construction, Jean-Louis Simard, est bien placé pour en parler : il ne cumule pas moins de 60 000 heures sur les chantiers québécois. « Les arpenteurs doivent maintenant transporter seuls tout leur matériel, souligne-t-il. Il n’y a plus de transfert de connaissances entre les plus anciens et les nouveaux. C’est une source de stress importante pour les plus jeunes, puisqu’on sait qu’une seule erreur, en arpentage, peut coûter très cher. C’est aussi un risque accru d’accident, car toute ton attention est portée sur la machine et forcément moins sur l’environnement autour. »

Pour la CSN–Construction, qui place la santé-sécurité au sommet de ses priorités, c’est un enjeu bien réel. « Les employeurs sont prêts à investir dans les nouvelles technologies, mais malheureusement, pas mal moins dans la santé et la sécurité », déplore-t-il.

Pourtant, la technologie peut aussi servir à assurer la sécurité de toutes et de tous sur les chantiers. Il mentionne, par exemple, un système utilisé sur celui de l’échangeur Turcot : tous les salarié-es portent un capteur spécial dans leur casque, lequel est relié aux véhicules lourds. Ainsi, si un risque de collision est détecté, le véhicule tombe automatiquement au neutre. Une belle innovation, trop peu répandue.

Jean-Louis Simard croit qu’on verra de plus en plus d’automatisation complète de certaines tâches, et pas seulement dans l’arpentage. Pensons au travail de forage du tunnel du REM, sous le Mont-Royal, effectué par une machine téléguidée à partir d’un bureau. Le vice-président de la CSN–Construction se garde bien de rejeter ces nouvelles technologies. Il souligne que celles-ci peuvent faciliter certaines tâches et diminuer le risque d’erreur de calcul.

GPS
Lorsqu’on parle de nouvelles technologies dans la construction, on ne peut faire fi de l’introduction d’un nouveau système de compilation des heures qui a été au cœur d’un conflit de travail ces dernières années. Les syndicats s’opposaient à l’obligation pour les travailleuses et les travailleurs d’installer une application de pointage sur leur téléphone personnel. Les syndicats, dont la CSN–Construction, n’ont pas pu en empêcher le déploiement. Toutefois, ils ont forcé la mise en place de plusieurs balises afin de protéger la vie privée des salarié-es, dont l’obligation pour l’employeur d’obtenir le consentement écrit de la personne salariée.

Réforme annoncée
Les prochains mois ne seront pas de tout repos à la CSN–Construction. En effet, le gouvernement a annoncé son intention d’augmenter la « versatilité » sur les chantiers. À ses yeux, cela implique de revoir l’organisation de l’industrie, notamment en ce qui a trait à la distribution des tâches entre les différents métiers. Le gouvernement demande à la Commission de la construction du Québec (CCQ) de trouver un terrain d’entente entre les syndicats et les employeurs.

De tels changements doivent d’abord être débattus au Comité sur la formation professionnelle dans l’industrie de la construction, un lieu paritaire. Car plusieurs questions sont en jeu, notamment celle de la formation pour les futurs salarié-es comme pour celles et ceux qui sont déjà dans l’industrie. De plus, il faudra s’assurer que ces changements n’auront pas comme effet de diminuer la rémunération pour certains d’entre eux, puisque les taux de salaire ne sont pas les mêmes dans tous les métiers… Des discussions sont en cours, mais personne ne peut prédire actuellement si un consensus pourra émerger.

Si le gouvernement et les patrons ont tendance à dénoncer « l’immobilisme syndical », il faut rappeler que les syndicats ont déjà accepté, dans le passé, de procéder à certains changements, par exemple en permettant aux apprenti-es dans certains métiers de procéder au ramassage de débris, ce qui était auparavant réservé aux manœuvres de l’industrie. Rappelons également que les syndicats ont déjà accepté de réunir les métiers d’opérateurs de machinerie lourde et de pelle mécanique. Si ce changement n’est pas mis en œuvre actuellement, cela s’explique surtout par la vétusté du système informatique de la CCQ, datant de 1972…

Pareils, mais différents

« Nos organisations mènent des luttes similaires, dont celle contre ce que nous appelons la digitalisation du travail, une dévalorisation qui se manifeste par l’absence ou le manque de créativité, les tâches répétitives, bref, par une perte de sens au travail. Cette perte de sens est accentuée par l’inégalité des statuts d’emploi qui implique forcément une inégalité des salaires versés. Alors que le secteur public tirait les conditions de travail vers le haut avec des emplois dits statutaires (permanents), nous constatons que le privé ne fait pas mieux et que même dans le public, les conditions sont tirées vers le bas avec la création de postes plus précaires.

« Les travailleuses et travailleurs sans-papiers vivent aussi de la discrimination similaire à celle contre laquelle vous luttez ici. Plus précaires, ils acceptent souvent des postes mal payés que d’autres refusent, des emplois peu valorisants. Nous militons donc pour qu’il y ait une régularisation de leur statut, ce qui amènerait automatiquement un rehaussement important de leurs conditions de travail afin de tirer ces salarié-es vers le haut et de contrer la dévalorisation du travail.

Et différents

« Notre organisation regroupe 1,5 million de membres, y compris les sans-emploi affiliés que nous représentons et à qui notre organisation verse les indemnités de chômage que nous recevons de l’État. Plus besoin de déclarer ses semaines au gouvernement, le versement se fait plus rapidement, plus facilement et nous soutenons leurs efforts pour retrouver un emploi, pour refaire leur CV, etc. Les sans-emploi sont membres à part entière et participent à tous nos congrès.

Contrer l’ubérisation et la précarisation du travail

« Nous travaillons aussi à la syndicalisation des travailleuses et des travailleurs de plateforme, de celles et de ceux, par exemple, qui livrent des repas via des applications, les faux indépendants qui ont le même employeur, afin d’élever leurs conditions de travail. On veut assurer leur santé et leur sécurité au travail tout en leur donnant accès aux protections sociales. Nous avons récemment vu, au Brésil, des applications pour obtenir les services d’un avocat payé à l’acte et donc précarisé, et nous devons organiser ces nouvelles formes d’accès au travail afin de leur garantir de bonnes conditions d’exercice.

« Nous travaillons également sur la mise en place de lois qui imposeraient un devoir de vigilance. Cela impliquerait que les maisons-mères des multinationales soient responsables et redevables pour toute la chaîne de production, du producteur de cacao en passant par celui qui le transforme pour le consommateur. Nous avons d’ailleurs tissé des liens avec la CSN lors de la courte grève des salarié-es de Barry Callebaut, en septembre 2019. Puisque nous avons la transparence financière en Belgique, nous avons divulgué les renseignements financiers nécessaires à la négociation des salarié-es de Saint-Hyacinthe.

« Finalement, comme vous, nous vivons une montée de l’extrême droite et nous sommes très vigilants à cet égard. Les élections européennes arrivent chez nous en 2024, à tous les niveaux de pouvoir du pays, et cela coïncide aussi avec les élections syndicales qui ont lieu tous les quatre ans. Nous avons des règles concrètes afin d’éjecter tout délégué-e affichant de telles postures politiques. Il n’est pas question pour nous de laisser l’extrême droite prendre place dans des organisations qui luttent pour la solidarité, l’entraide et la justice sociale. »

La CSN en bonne santé financière grâce à une forte croissance du nombre de membres

Fidèle à la longue tradition de transparence et de reddition de comptes propre à la CSN, le trésorier de la confédération, Yvan Duceppe, a présenté aujourd’hui aux délégué-es du congrès les états financiers de l’exercice se terminant le 28 février 2023, en plus des prévisions budgétaires 2023-2026.

Les quelque 2 000 congressistes présents ont ainsi pu constater que la CSN demeure en bonne santé financière avec des excédents enregistrés dans chacun des trois fonds sur lesquels repose la structure financière de l’organisation, à savoir le Budget de fonctionnement, le Fonds de défense professionnelle (FDP) ainsi que le Fonds de soutien extraordinaire (FSE).

Croissance du nombre de membres
Ces excédents, notamment celui du Budget de fonctionnement qui s’élève à près de 27,7 M$, s’expliquent entre autres par une forte croissance du nombre de membres CSN qui a porté les revenus de per capita à un niveau jamais atteint auparavant. « Au cours du dernier exercice financier, il y a eu en moyenne près de 28 000 membres cotisants de plus que ce qui avait été budgété lors du dernier congrès, portant ainsi les revenus de cotisations à plus de 281,6 M$ », se réjouit Yvan Duceppe.

« Cette croissance importante du nombre de membres cotisants témoigne de toute l’attractivité du mouvement CSN. Il va sans dire que cela constitue aussi une bonne nouvelle pour la santé financière de notre organisation », poursuit le trésorier.

Plusieurs nouvelles ressources
Cette situation, jumelée à l’atteinte d’économies substantielles découlant de la pandémie, a donc permis à la CSN de bonifier les services aux syndicats et de déployer un programme de mentorat. Celui-ci vise à accompagner et à outiller les conseillères et les conseillers du mouvement pour assurer la continuité des services et mieux répondre aux besoins des syndicats.

« Nous croyons que l’ajout de ces ressources représente une marque de foi envers l’avenir de notre mouvement, puisque le déploiement de celles-ci va nous permettre d’aborder les nombreux défis qui nous attendent avec encore plus de confiance », ajoute Yvan Duceppe.

FDP : l’outil de solidarité par excellence
Du côté du Fonds de FDP, le nombre moyen de prestations hebdomadaires de grève et de lock-out a plus que quintuplé par rapport au dernier mandat, passant de 93 en 2017-2020 à 538 en 2020-2023. Voilà qui représente un montant total versé de plus de 25,6 M$ aux membres affectés par ces conflits depuis la bonification du niveau des prestations qui avait été adoptée lors du dernier congrès.

Malgré cette somme importante, les revenus du FDP demeurent plus élevés que les dépenses, ce qui en confirme la bonne santé financière. « Plus que jamais, le FDP est en mesure de soutenir les luttes de celles et de ceux qui veulent améliorer leurs conditions de travail ou simplement se faire respecter. C’est dans un tel contexte qu’un outil de solidarité aussi puissant que le FDP prend tout son sens », conclut Yvan Duceppe.

Tout au long de la séance plénière, les délégué-es ont pu débattre des différentes propositions portant sur les finances. Les débats se poursuivront jeudi, jour où les congressistes seront appelés à adopter la proposition budgétaire 2023-2026 qui permettra à la CSN de soutenir les activités de ses organisations affiliées et, au premier chef, celles de ses membres.

Une première série d’ateliers portant sur la transformation et la protection de nos emplois

Deux propositions du comité exécutif sont soumises aux membres en atelier avant d’être débattues en plénière jeudi après-midi. Retour sur la première série qui s’est déroulée ce matin et qui abordait le thème de la transformation et de la protection de nos emplois.

Mise au jeu de la première thématique

Un premier panel composé d’Anne-Céline Guyon, chargée de projet experte climat chez Nature Québec et de Bruno-Pierre Gauthier, président du secteur transport à la FEESP–CSN, a abordé les défis liés à la transition énergétique à partir de l’exemple de l’électrification des transports collectifs. Les panélistes ont mis l’accent sur « l’importance d’écouter les gens qui sont au cœur de la machine » pour s’assurer d’une transition durable et juste qui ne laisse personne derrière.

En plus des impacts de la crise climatique, la proposition du comité exécutif aborde les conséquences sur la transformation de nos emplois des changements démographiques, des progrès technologiques, de la robotisation des entreprises, de l’intelligence artificielle ou de la délocalisation de nos emplois. Face à ces réalités complexes, la CSN souhaite entendre ses membres pour mieux orienter ses actions dans les années à venir.

Une formule revisitée

Pour ce 67e congrès, davantage d’espace a été prévu afin que les membres puissent échanger en petits groupes et s’approprier les enjeux avant de débattre plus formellement des propositions en plénière. Trente et un ateliers composés d’une quarantaine de personnes ont permis aux membres d’échanger sur les impacts de ces transformations dans leurs milieux, à partir d’une diversité de réalités tant sectorielles que régionales.

Les délégué-es ont parlé des emplois menacés par les progrès technologiques, dans les secteurs du commerce et de l’industrie, mais également dans les milieux moins affectés par ces changements historiquement, tels que les services de santé et l’éducation. La déshumanisation du travail inquiète pour ses effets sur les services et ses répercussions sur la santé mentale des salarié-es : « Les êtres humains ont appris à travailler ensemble, mais on n’a pas encore appris à télétravailler sans que ça génère une forme ou une autre de détresse psychologique ». On souligne que ces progrès peuvent aussi être à l’avantage des travailleuses et des travailleurs s’ils permettent d’améliorer la qualité des services et de leur vie au travail. Mais pour cela, les salarié-es doivent être au cœur des discussions, ce sont les vraies personnes expertes de l’organisation du travail.

On réclame plus de moyens pour accompagner les travailleuses et les travailleurs dans ces transformations : « Lorsqu’on constate que 70 % de la pollution est produite par les grandes entreprises et les industriels, il faut que la responsabilité soit également partagée. Les employé-es ne peuvent pas être les seuls à porter la responsabilité d’opérer une transition juste. ». L’inaction actuelle des gouvernements contribue grandement à la privatisation des profits et à la socialisation des coûts, notamment en matière de santé publique.

La dévitalisation des régions a aussi fait l’objet de nombreuses interventions ce matin, lesquelles ont souligné les disparités qu’elle entraîne. « Le fly-in fly-out provoque de sérieux effets secondaires. Les entreprises offrent des conditions de travail bonifiées afin que les salarié-es acceptent d’aller en région éloignée. Ironiquement, les travailleuses et les travailleurs locaux ne peuvent en bénéficier et les gens doivent à leur tour s’expatrier pour avoir droit à de meilleures conditions, vidant ainsi la région en question de sa main-d’œuvre. »

« Nous devons apprendre à vivre avec la planète au lieu de seulement l’exploiter. »

La configuration des salles en cercle dans les ateliers a favorisé l’écoute face aux diverses réalités. Il en ressort que ces changements affectent les travailleuses et les travailleurs de manière bien différente. Pour assurer une transition juste, écologique et équitable, les délégué-es ont rappelé que la solidarité doit rester au cœur de l’action de la CSN sur ces enjeux. Ils invitent aussi à développer des liens avec d’autres mouvements sociaux.

Ces discussions mettent la table aux délibérations qui se dérouleront lors de la plénière de jeudi après-midi. D’ici là, un deuxième chantier de discussion sera mis au jeu demain matin : celui de la construction de notre rapport de force collectif et solidaire.

Des milieux de travail alliés contre la violence conjugale

Un dîner-causerie accueillait ce midi les délégué-es interpellés par la question de la violence conjugale en milieu de travail. Si on se fie à la participation à cette activité qui affichait complet, la mobilisation des syndicats dans la lutte contre la violence semble essentielle.

Nathalie Arguin, secrétaire générale de la CSN et responsable du dossier de la condition féminine, ouvrait la rencontre. L’objectif était « d’aborder un sujet important et délicat, celui de la violence conjugale. Même si on en parle un peu plus, selon Statistique Canada, seulement 30 % des victimes portent plainte… c’est donc un fléau et il y a plusieurs enjeux sur lesquels s’attarder aujourd’hui ». La secrétaire générale invitait chaleureusement les personnes présentes à participer à la période d’échange qui s’est tenue après la conférence.

Cette activité, qui s’est déroulée au Holiday Inn Montréal centre-ville en marge du congrès, est portée par Emmanuelle Proulx, responsable du comité confédéral de la condition féminine de la CSN. « Le but de la rencontre est d’initier les gens à la réalité de la violence conjugale en contexte de travail. Il faut que les gens réalisent que la violence conjugale, ça se poursuit au travail, pas nécessairement en matière d’actes, mais que la victime vit ça, même quand elle est sur les lieux de travail. Notre objectif est vraiment qu’il y ait une prise en charge syndicale de cette réalité », explique la conseillère syndicale.

Pour l’occasion, les organisatrices de l’événement ont invité Arina Grigorescu, chargée de projet des milieux de travail alliés contre la violence conjugale au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, à présenter une conférence de sensibilisation en la matière. Ce regroupement est un vaste réseau engagé depuis 1979 pour le droit à l’intégrité physique et psychologique des femmes. « Notre travail, c’est de représenter les droits des femmes et des enfants victimes de violence conjugale. Au regroupement, on va porter leur voix et sensibiliser les gouvernements et les autres intervenants sociaux, » annonce Arina Grigorescu.

Le programme Milieux de travail alliés contre la violence conjugale a été mis sur pied en 2021. Il propose aux employeurs et aux syndicats québécois une série d’actions de sensibilisation et de mesures visant à rendre les milieux de travail plus sécuritaires et aidants pour les victimes de violence conjugale. Les syndicats doivent désormais se positionner comme des alliés en favorisant la prévention des impacts de la violence conjugale au travail.

Entente de principe acceptée à Bibliothèque et Archives nationales du Québec

L’entente de principe intervenue entre le Syndicat des travailleuses et travailleurs unis de Bibliothèque et Archives nationales du Québec–CSN et l’employeur a été acceptée à 77 % en assemblée générale ce lundi soir 15 mai.

« Sur une entente de six ans, nous avons obtenu 2 % d’augmentation pour 2020, 2021 et 2022 et une clause de parité liée à la négociation du secteur public avec une garantie d’un minimum de 1 % pour 2023, 2024 et 2025. Nous avons également obtenu une majoration salariale pour les plus bas salarié-es et nous toucherons divers montants forfaitaires pour les années 2020 et 2021. Nous avons triplé la contribution de l’employeur à nos assurances collectives, nous avons bonifié diverses primes et nous avons notre propre structure salariale qui diffère de celle du secteur public. Seul bémol, nous n’avons pas reçu de sommes compensatoires à la hauteur de ce que l’exercice du maintien de l’équité salariale nous aurait permis d’obtenir. Malgré tout, dans le contexte actuel, nous sommes satisfaits des gains obtenus. Il va sans dire que dans le cadre de notre prochaine négociation, nous allons revenir à la charge afin d’obtenir de meilleures conditions pour toutes et tous », déclare Sylviane Cossette, présidente du syndicat.

« Nous saluons la mobilisation des membres du syndicat qui leur a permis d’aller chercher des gains satisfaisants pour la majorité d’entre eux. Rappelons que les salarié-es de BAnQ partaient de loin : ils touchaient les salaires parmi les plus bas dans le domaine des bibliothèques et archives du Québec. Rappelons également que les budgets de BAnQ ne sont pas indexés et que l’établissement assume un déficit constant qui augmente chaque année, ce qui affecte directement ses opérations. Tant que le gouvernement ne corrigera pas ce sous-financement chronique, il sera difficile d’obtenir de meilleures conditions de travail pour celles et ceux qui protègent pourtant notre culture collective », ajoute Stéphanie Gratton, présidente par intérim de la Fédération des employées et employés de services publics–CSN.

À propos

Le Syndicat des travailleuses et travailleurs unis de BAnQ–CSN rassemble 350 salarié-es œuvrant dans 13 établissements de BAnQ.

 

 

Crise de l’information : un avenir en demi-teinte

La transition vers une information hybride, parfois papier, parfois entièrement numérique, ne s’est pas faite sans heurts pour les médias québécois. Comme partout dans le monde, la recherche d’un modèle de revenus qui assurerait la pérennité de l’information s’est faite au rythme des mises à pied et des fermetures des salles de presse.

C’est une génération entière de nouveaux journalistes qui ont été préparés à la précarité professionnelle dès les bancs d’école. Or, la situation économique de certains médias semble enfin se stabiliser. La pandémie a eu des retombées positives dans les salles de presse et a amené un afflux de lectrices et de lecteurs, de même que de nouveaux revenus publicitaires, notamment des différents paliers gouvernementaux.

« Je suis très optimiste en ce qui concerne le futur du Devoir, j’ai l’impression que la volonté gouvernementale est là. Les gens comprennent l’importance de la liberté de la presse », explique Andréanne Bédard, présidente du syndicat de la rédaction du Devoir.

Même son de cloche du côté de La Presse, qui a amorcé quant à elle l’année 2023 avec des bénéfices évalués à 11 millions de dollars.

Le chemin a toutefois été long pour que le gouvernement agisse concrètement afin d’assurer la viabilité et l’indépendance des médias d’information, et c’est notamment la pression mise par la Fédération nationale de la culture et des communications–CSN qui a permis d’obtenir la mise en place d’un crédit d’impôt remboursable de 35 % pour la masse salariale des salles de nouvelles.

Sur le plan canadien, les travailleuses et les travailleurs du domaine de l’information devraient bientôt pouvoir compter sur l’adoption de la loi C-18 qui forcerait les Google et Facebook de ce monde à négocier des ententes d’indemnisation équitables avec les médias pour le partage de leurs contenus journalistiques, un autre gain de la FNCC–CSN.

Une réalité en demi-teinte

La situation semble plus difficile du côté de la nouvelle Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i) qui rassemble une série de quotidiens régionaux (Le Soleil, Le Droit, Le Quotidien, La Voix de l’Est, La Tribune et Le Nouvelliste). Alors qu’ils avaient réussi à conserver l’édition papier de leurs journaux jusqu’à maintenant, ils se voient finalement forcés de transitionner totalement vers le numérique. Sur le banc des accusés, le coût toujours plus élevé de la production et de la distribution du papier. Cette transition s’accompagne de compressions d’une centaine d’emplois, soit près du tiers des effectifs de la coopérative.

À Montréal, la situation est précaire pour l’information locale, alors que la trentaine d’artisanes et d’artisans derrière le journal Métro et de ses hebdos de quartier pourraient bientôt perdre leur emploi. Métro Média attend toujours l’aide promise par l’administration Plante pour faire face à l’arrêt de la distribution des Publisac et à la perte draconienne de revenus publicitaires.

« Une vraie inquiétude règne au sein de la rédaction depuis quelque temps. On a tous conscience qu’il y a une crise dans l’industrie depuis plusieurs années, on sent que notre domaine d’emploi est précarisé », explique Zoé Magalhaes, présidente du syndicat montréalais de l’information qui représente les employé-es du Métro.

Ainsi, si la situation semble bonne dans certains grands médias, la santé financière est loin d’être au rendez-vous pour toutes et tous. Récemment, Québecor annonçait la suppression de 240 postes, dont 140 directement à TVA. De ces coupes, la majorité ne semble pas affecter les postes de journalistes, mais Pierre Karl Péladeau envisage de nouvelles compressions.

Du côté de Radio-Canada, c’est le spectre de Pierre Poilievre et du Parti conservateur qui angoisse. Ce dernier a récemment réitéré sa proposition de privatiser CBC/Radio-Canada s’il est porté au pouvoir lors des prochaines élections.

Les médias sont donc loin d’être sortis du bois et si certains font preuve d’optimisme, la majorité d’entre eux continuent de faire face aux défis que suppose la transformation en profondeur de leur modèle économique. La fin du modèle papier continue de s’imposer, mais bien futé celui ou celle qui prédira jusqu’où ira ce changement.

Transformation du monde du travail et beaucoup d’émotions

C’est au palais des congrès de Montréal que s’ouvrait ce matin le 67e Congrès de la CSN, où près de 2 000 participantes et participants se sont déplacés. Ce rassemblement permet aux centaines de syndicats présents de se prononcer démocratiquement sur les grands thèmes qui orienteront les actions de la centrale syndicale au cours des trois prochaines années.

Dans son allocution d’ouverture, la présidente de la centrale, Caroline Senneville, a souligné à grands traits les bouleversements profonds qui frappent le monde du travail. « La pandémie a laissé des traces. Nous nous sommes démenés pour que les services soient maintenus, pour que les industries roulent, pour que les biens soient transportés, les personnes logées, les bâtiments construits. Maintenant, nous devons nous adapter au télétravail, à la robotisation, à la numérisation, à l’intelligence artificielle, à la transition verte, aux impacts de la pénurie de main-d’œuvre et à l’inflation, notamment. »

La transformation des emplois – tout comme leur protection – est effectivement l’une des deux grandes orientations qui seront mises au jeu cette semaine. « À la CSN, on souhaite trois choses : tout d’abord, que nos syndicats soient alertés, qu’ils interpellent leur employeur sur ces enjeux et qu’ils soient mis au jeu pour orienter les transformations en cours dans leur milieu. Ensuite, comme centrale, c’est notre rôle d’outiller nos membres. Enfin, nous devons transmettre un message clair aux gouvernements pour qu’ils soutiennent ces transformations : si vous parlez aux patrons, vous devez parler aux syndicats. Toujours. »

Un nombre de conflits et un budget de soutien records

L’ouverture du congrès a également été l’occasion de souligner le nombre record de luttes qui se sont tenues au cours du dernier exercice. Ce sont d’ailleurs plus de 26 millions de dollars qui ont été remis aux grévistes CSN entre 2020 et 2023 en prestations de grève. Du jamais vu. « La CSN est la seule centrale syndicale qui s’est dotée de ce type de fond de grève, afin que nos membres gardent la tête haute… et hors de l’eau. La preuve que nous soutenons concrètement notre monde dans leur lutte pour obtenir des conditions de travail intéressantes ».

Des moments touchants

En conclusion de cette première journée, les ex-politiciennes Françoise David et Véronique Hivon sont venues parler aux participantes et aux participants de leur engagement militant et de la façon dont elles ont su rallier autour d’elles les personnes et les moyens nécessaires pour mener à bien les projets qui leur tenaient à cœur.

Le dernier acte du lundi fut sans doute le moment le plus émouvant et le plus attendu par les congressistes : la projection d’une vidéo retraçant l’ensemble des conflits du dernier mandat. Portées par la voix de la comédienne et dramaturge Évelyne de la Chenelière, les images de travailleuses et de travailleurs en conflit ont su tirer des larmes à de nombreuses personnes sur place.

Les congressistes seront en atelier demain avant-midi sur la question de la transformation des emplois. Les médias sont cordialement invités à y participer. Le congrès de la CSN se poursuit jusqu’au vendredi 19 mai.

Pouvoir combattre le cynisme et le désintérêt, maintenant

C’est un vibrant plaidoyer en faveur de l’engagement, du militantisme et de la solidarité qu’ont livré Françoise David et Véronique Hivon, cet après-midi, en ouverture du 67e Congrès de la CSN. Invitées à prendre la parole devant les 2000 congressistes, les deux ex-députées, respectivement de Québec solidaire et du Parti québécois, ont livré leur propre interprétation du thème du congrès, Pouvoir maintenant.

Rappelant qu’elle a elle-même été syndicaliste de 1977 à 1984, Françoise David a confié à l’assistance que c’est au cours de ces années à la CSN qu’elle a appris « comment on construit des stratégies, comment on mobilise les collègues, comment on gagne…  ou savoir quel chemin prendre quand on perd. » Car les victoires ne sont pas toujours immédiates, a-t-elle rappelé en citant les enseignements de Madeleine Parent. « Parfois, ça prend plus de dix ans, comme l’équité salariale », a ajouté Mme David.

L’ex-co-porte-parole de Québec solidaire a appelé les membres de la CSN « à travailler ensemble, pour le bien commun. Il faut prendre conscience qu’on a besoin les uns des autres » pour faire avancer notre société sur une base progressiste. « Le choix que nous faisons aujourd’hui, pour le bien commun, ce fut le choix de millions de personnes à travers les siècles pour changer leur vie, une révolution à la fois. Je nous fais confiance. Je sais que nous en sommes capables ».

Des propos qui ont trouvé beaucoup d’écho chez Véronique Hivon. « Il faut croire en ses capacités, sans attendre les conditions parfaites. On peut faire bouger les choses avec notre force militante ».

L’ancienne ministre et députée du Parti Québécois a rappelé aux congressistes la nécessité de construire un pouvoir ancré dans la base : un changement ancré dans la base, dans la réalité des citoyennes et des citoyens. Elle a souligné à plusieurs reprises que tout changement progressiste prend racine dans le militantisme. « Pour que les réformes aient du sens, elles doivent partir du monde. S’ancrer dans leur vie, dans leur vision. »

Une responsabilité que Véronique Hivon souhaite partager avec les militantes et les militants de la CSN présents au palais des congrès aujourd’hui. « Notre ennemi commun, c’est le cynisme, le désintérêt, la désaffection », a-t-elle conclu.

Appel à une solidarité renforcée

Comme le veut la tradition, les autres centrales syndicales ont été invitées au 67e Congrès de la CSN. La dirigeante de la FTQ ainsi que les deux dirigeants de la CSQ et de la CSD se sont adressés aux délégué-es de la confédération, en cette première journée d’événement. En pleine négociation du secteur public, les allié-es de la CSN dans le Front commun ont salué cette collaboration et lancé un appel à une solidarité encore plus tissée serrée.

D’entrée de jeu, Magali Picard, présidente de la FTQ, a souligné la belle complicité qui s’est établie au sein du Front commun. « C’est là qu’on voit que les valeurs syndicales vont bien au-delà du nom qu’on porte. Sachez que le Front commun est bien enraciné. On est une équipe de feu ! On a une belle lutte devant nous », a poursuivi Mme Picard. La présidente de la FTQ a rappelé l’adoption, lors du congrès de son organisation, d’une résolution demandant la tenue d’États généraux sur le syndicalisme. « On va avoir besoin de se tenir les coudes serrés. Vos valeurs sont les nôtres. La journée qu’on va toutes et tous vraiment travailler ensemble, ça va être un nouveau Québec et il n’y a rien qui va pouvoir nous arrêter », a-t-elle conclu.

« Malgré la pluralité syndicale, on est capables de travailler ensemble, de pousser dans le même sens. C’est notre force au Québec », a poursuivi Éric Gingras, président de la CSQ. Bien que la CSN et la CSQ soient différentes à bien des égards, dans la forme et sur le fond, M. Gingras a invité les congressistes de la CSN à « mettre le focus sur les choses qui nous rassemblent ». Il a également proposé de « reprendre notre position d’acteur social crédible dans l’espace public. Partout, on se fait dire qu’on est trop forts, qu’on n’a plus notre place », a-t-il rappelé en soulignant que les différentes centrales auront probablement un prochain rendez-vous lors d’États généraux sur le syndicalisme.

« Les luttes qu’on fait au Québec, ce n’est pas juste pour nos membres, mais pour la société tout entière », a enchaîné Luc Vachon, président de la CSD. M. Vachon a voulu saluer l’importance de l’implication des militantes et des militants pour des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs. « Être militante et militant, ce n’est pas toujours choisir la voie simple, la facilité. On fait souvent face à l’adversité, mais vous continuez, parce que vous êtes convaincus que c’est ensemble que notre voix porte plus loin. Vous donnez une voix à celles et à ceux qui n’en ont pas ou qui n’osent pas parler », a terminé le dirigeant.

En route pour un autre cent ans !

L’un des moments importants de tous les congrès est la présentation du rapport du comité exécutif. C’est l’occasion de revenir sur les événements marquants du dernier mandat du comité exécutif, élu en 2021, et sur les défis qui attendent la CSN au cours des prochaines années. C’est ainsi que s’est ouvert hier le 67e Congrès de la CSN, alors que la présidente de la CSN, Caroline Senneville, dressait le décor entourant les discussions qui se tiendront toute la semaine et qui visent à nous donner collectivement des objectifs et des orientations pour les trois prochaines années.

Des bouleversements profonds
Ces dernières années, on a assisté à des bouleversements importants qui interpellent encore les syndicats. Bien entendu, on ne peut passer sous silence la pandémie qui a révélé de nombreuses lacunes dans nos services publics. En santé, nous avons eu du mal à faire face à la pandémie, notamment à cause d’une gestion déshumanisante que nous dénoncions depuis longtemps : manque de personnel, horaires atroces, conditions de travail et salariales laissant à désirer, manque de valorisation et de reconnaissance… C’est dans ces conditions déjà difficiles que la pandémie s’invitait.

En éducation et en enseignement supérieur, la pandémie a forcé le recours désorganisé, voire improvisé, à l’enseignement à distance, entraînant de la détresse tant chez les enseignants que chez les apprenants. Dans ce milieu scolaire déjà en manque criant de ressources, on a assisté à un accroissement des épisodes de violence.

Dans le secteur privé également, la pandémie a frappé fort. Elle a mis en lumière à quel point le travail des salarié-es du commerce de détail, du secteur de l’alimentation ou de la rénovation est essentiel dans notre société. Pourtant, nous le savons, les conditions de travail y sont difficiles. De plus, dans certains milieux comme les commerces à fort achalandage ou les usines de transformation de viande, on a assisté à des taux de contamination très élevés au virus de la COVID-19.

Comme syndicats et comme travailleuses et travailleurs, nous nous sommes démenés pour que les services soient maintenus, pour que les industries roulent, pour que les biens soient transportés, les personnes logées, les bâtiments construits…

La pandémie a eu des répercussions sur notre organisation elle-même. Il a fallu repenser la mobilisation en contexte de crise tout en recréant des liens pour nous donner les moyens de partager nos réalités et nous redonner des objectifs concrets.

« Certes, des emplois manufacturiers se perdent, mais des usines ont continué de croître. Dans l’adversité, plusieurs ont su explorer le potentiel de reconversion des entreprises, rajeunir les procédés et les équipements, voire parfois réorienter les activités de production. La CSN croit en cet élan et nos gouvernements doivent y croire aussi. »

Par ailleurs, la pandémie nous a rappelé cruellement notre dépendance à l’égard de l’importation dans des secteurs stratégiques, pensons à l’approvisionnement déficient en équipements de protection individuelle pour le personnel au front dans la santé et les services sociaux.

Ces dernières années, les transformations se sont également accélérées dans le secteur culturel. On a déploré de nouvelles coupes de postes dans les salles de presse au moment où tous les médias voient leurs sources de revenus publicitaires se tarir au profit de géants du Web qui utilisent notamment, en toute impunité, le contenu de nos médias québécois sur leur plate-forme. Dans le milieu des arts et des spectacles, la pandémie a aussi laissé des traces. Heureusement, on assiste actuellement à une certaine reprise dans le milieu et la réforme des lois sur le statut de l’artiste devrait permettre de combattre la précarité.

Montée de la droite
Ces deux dernières années, les événements dramatiques se sont multipliés sur la planète. Guerres, catastrophes, crises économiques, reculs des droits des femmes dans certains pays… Cette instabilité mondiale est d’autant plus préoccupante qu’on assiste également à la progression partout dans le monde de mouvements populistes de droite et d’extrême droite.

Cette montée de la droite n’épargne pas le Canada ni le Québec. À Ottawa, l’arrivée de Pierre Poilièvre à titre de chef de l’opposition du parti conservateur est préoccupante, alors qu’il met en avant des idées complètement opposées à celles que nous défendons, par exemple l’abolition de la taxe carbone, la fermeture de CBC, le pendant anglophone de Radio-Canada et ses énoncés flous sur le droit à l’avortement et sur ceux de la communauté LGBT+. Quant au parti libéral, force est de constater qu’une certaine usure du pouvoir pourrait mettre en péril le projet de régime public d’assurance médicaments ainsi que la réforme du régime d’assurance-emploi, une revendication phare de la CSN depuis des années. En début de mandat, le comité exécutif de la CSN a pu saluer l’entrée en vigueur de la Loi sur l’équité salariale au fédéral. Enfin, une loi anti-briseurs de grève, semblable à celle qu’on connait au Québec depuis 45 ans, entrera prochainement en vigueur pour les salarié-es qui travaillent dans des organisations de compétence fédérale.

Inflation et main-d’œuvre
En pleine pénurie, plutôt que de décider d’accueillir les personnes migrantes et leur famille pour qu’elles puissent pleinement contribuer à la société québécoise, on fait venir du cheap labor. Si ces personnes sont suffisamment intéressantes pour venir travailler chez nous, elles le sont également pour venir y vivre : elles ont le droit de vivre au Québec dignement, comme elles l’entendent.

Au Québec, des taux d’inflation à 7 %, c’est du jamais vu depuis des décennies. Les écarts de richesse se creusent encore davantage. Pendant que les multinationales de l’alimentation en profitent pour augmenter leurs marges de profits, on voit plus que jamais des travailleuses et des travailleurs à temps plein visiter les banques alimentaires. Ils peinent à se trouver un logement abordable ; ils n’ont pas accès à la propriété. Le mouvement syndical doit agir comme un rempart contre la pauvreté, comme le redistributeur de la richesse par excellence.

Comme la main-d’œuvre se fait plus rare, on peut penser que les salarié-es ont le gros bout du bâton. Pourtant, un trop grand nombre d’entre eux écopent : multiplication des heures supplémentaires, intensification du travail, épuisement, perte de sens du travail, manque de temps pour l’accompagnement des personnes nouvellement embauchées, diminution de la qualité des services offerts, diminution des critères d’embauche…

Certaines solutions se trouvent également à l’extérieur des conventions collectives. La CSN a contribué aux travaux menant au projet de loi sur l’encadrement du travail des enfants au Québec. Avec la rareté de main-d’œuvre, on assiste à l’arrivée massive de personnes immigrantes. Certaines de ces personnes n’ont même pas le droit d’offrir leur force de travail à un autre employeur. La CSN recommande que ces « travailleurs étrangers temporaires » ainsi que les sans-papiers puissent se voir octroyer le statut de résident permanent. De plus, les efforts doivent redoubler en francisation, en particulier en milieu de travail.

Perspectives
Bénéficiant d’une majorité confortable grâce au mode de scrutin qu’elle avait promis de modifier cinq ans plus tôt, la CAQ poursuit ses stratégies populistes pour un second mandat. En bonne partie des gestionnaires du privé, les élu-es caquistes, et surtout, le premier ministre, ne consultent pas, négocient sur la place publique, agissent en fonction des sondages et font leurs annonces via les médias sociaux.

Les choix économiques et fiscaux caquistes favorisent généralement les mieux nanti-es. Le gouvernement s’est privé de 5 milliards cette année au lieu d’investir pour répondre aux besoins qui sont nombreux : pensons aux services publics, au logement, à la francisation des personnes immigrantes ou encore à la nécessaire décarbonisation du Québec.

Soulignons que l’opposition généralisée a forcé le ministre de l’Économie à renoncer à repousser l’âge d’accès au Régime des rentes du Québec de 20 à 62 ans.

En santé et services sociaux, tout pointe vers encore plus de privatisation et un vaste rebrassage de structures. La CAQ se sert des difficultés vécues sur le terrain durant la pandémie pour mieux vendre l’idée de la privatisation à la population.

En éducation, elle peine à répondre aux besoins qui vont de la ventilation des écoles aux services de soutien. Saura-t-elle répondre aux enjeux du numérique, de l’enseignement à distance et de la montée de l’intelligence artificielle ? Le manque de places en services de garde éducatifs représente également tout un défi.

Négociations
Le renouvellement des conventions collectives du secteur public, en front commun CSN–FTQ–CSQ–APTS sera également des priorités confédérales à court terme.

Dans le secteur privé, les négociations récentes nous montrent que les travailleuses et les travailleurs retrouvent un certain rapport de force dans cette conjoncture économique faite d’inflation et de pénurie de main-d’œuvre. Plusieurs syndicats ont obtenu des augmentations record de 20, 30 voire 40 %. Notre Fonds de défense professionnelle (FDP) aura joué son rôle pour aider les grévistes à tenir la minute de plus : plus de 26 millions $ en prestations ont été versés ces trois dernières années.

Le dernier mandat a aussi été marqué par la coordination des négociations sur quelques enjeux, soit aucun salaire sous 18 $ l’heure, la déjudiciarisation et la négociation de clauses en santé–sécurité. Cela a porté ses fruits, puisque 70 % des syndicats dont la convention venait à échéance en 2022 ont complètement éliminé les salaires de moins de 18 $ l’heure. En parallèle, nous poursuivons la lutte pour l’augmentation du salaire minimum à 18 $ l’heure, avec nos allié-es, une cible qui sera revue cet automne.

Santé–sécurité
En santé et en sécurité du travail, on a vu l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions. Malheureusement, nous pensons que le gouvernement aurait pu faire beaucoup mieux. Notre mobilisation et nos sorties publiques, en alliance, ont tout de même permis de faire reculer le ministre sur certains aspects.

Le travail se poursuivra lors du prochain mandat, notamment avec nos allié-es. Nous organiserons un grand sommet santé–sécurité, en 2025.

Transitions
Nous entrons dans deux périodes de transition majeure qui marqueront les prochaines années, notamment les relations de travail et notre action syndicale. La première transition est liée aux changements climatiques. Plus que jamais, il faut défendre une transition juste : rendre l’économie plus verte, mais aussi plus équitable et plus inclusive !

L’autre transition en cours est celle du numérique. L’économie numérique et l’intelligence artificielle sont en déploiement. Cela pose de nombreuses questions en ce qui a trait à l’emploi, à la protection de la vie privée, à l’autonomie professionnelle ainsi qu’à la constitution du rapport de force en négociation. Une des clés sera la formation qualifiante.

Il faut innover, investir, former, et surtout, mettre les travailleuses et les travailleurs au cœur des processus de transformation.

Protection du français au Québec : une histoire de lutte des classes

Dans son documentaire Une histoire sur le goût de la langue, Hélène Choquette brosse le portrait des luttes menées pour la reconnaissance et la protection de la langue française au Québec, de l’arrivée des premiers colons à aujourd’hui. À travers les témoignages divers, elle montre comment la langue est devenue une composante essentielle de l’identité et de la cuture québécoises.

« Porteurs d’eau, scieurs de bois, locataires et chômeurs dans leur propre pays »
La lutte pour la reconnaissance du français au Québec est avant tout une lutte des classes, le français étant historiquement la langue de la classe ouvrière. L’infériorisation linguistique des Québécoises et des Québécois francophones va donc de pair avec leur exploitation économique. La question linguistique est présente dès la fondation des premiers syndicats catholiques. Dans les années 1950, la CSN s’est battue pour le droit de travailler et de négocier en français. Le documentaire retrace des grèves marquantes comme celles des ouvriers d’Arvida en 1957 et des réalisateurs de Radio-Canada en 1959 qui marquera le début de la carrière politique de René Lévesque et un déclencheur de son engagement en faveur de la souveraineté du Québec.

La langue, c’est l’ADN d’un peuple
La défense du français est au cœur du projet souverainiste et fait partie intégrante de l’affirmation de l’identité québécoise. Du foisonnement culturel des années 1970 aux deux référendums de 1980 et 1995, le documentaire inscrit la lutte pour la protection du français dans le projet souverainiste, alors porté majoritairement par les mouvements de gauche, syndicalistes et féministes. Ces derniers s’inspirent des mouvements sociaux de libération, dont ceux des communautés noires pour les droits civiques aux États-Unis.

L’adoption de la loi 101 en 1977 marquera un tournant majeur dans la reconnaissance du statut du français comme langue publique commune de toutes les personnes qui vivent au Québec. Alors que René Lévesque parlait du Québec comme « la patrie de tous les Québécois qui l’habitent et qui l’aiment », le documentaire met le doigt sur le rapport complexe, parfois difficile, entre immigration et protection de la langue française au Québec. Le témoignage d’un « enfant de la loi 101 » souligne qu’historiquement, les communautés immigrantes ont joué un rôle essentiel dans le maintien du français au Québec. D’un autre côté, les propos de Jacques Parizeau lors de l’échec du deuxième référendum ont provoqué une rupture majeure entre des communautés immigrantes et le mouvement souverainiste.

« Je trouve que le documentaire met bien la table au débat actuel, alors que les mouvements de droite instrumentalisent la protection de la langue française au profit d’un discours nationaliste anti-immigration. « Pourtant, les personnes immigrantes sont majoritaires à étudier et à travailler en français », partage une déléguée présente à la projection.

À la toute fin du documentaire, on évoque les solidarités à créer entre les Québécoises et les Québécois francophones et les peuples autochtones autour de ces enjeux. « J’aurais trouvé intéressant que le documentaire développe davantage cet aspect, car selon moi, notre lutte pour protéger la langue française est inséparable des luttes menées par les peuples autochtones pour défendre leurs langues et leur droit à l’autodétermination », soulève un autre délégué.

Produit à l’initiative de la CSN, le documentaire a été diffusé juste avant l’ouverture du 67e Congrès de la CSN. Il est accessible en ligne sur le site de la CSN.