Alexandre Ladouceur, l’un des témoins derrière les masques

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N95 : le TAT rabroue la CNESST

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Alexandre Ladouceur, l’un des témoins derrière les masques

Le CHSLD Lionel-Émond, situé à Gatineau, figure parmi les premiers centres d’hébergement de l’Outaouais à être aux prises avec une éclosion de COVID-19. De quatre cas confirmés, le nombre de bénéficiaires positifs grimpe à 19 en quelques jours.

À 29 ans, Alexandre Ladouceur semble rougir au bout de la ligne quand on lui demande si on peut le qualifier de « jeune homme fringant ». Ce préposé aux bénéficiaires admet néanmoins s’entraîner au gym cinq fois par semaine. Croyant que sa bonne santé le prémunirait de symptômes trop graves s’il attrapait la maladie, Alexandre s’était porté volontaire pour aller travailler en zone rouge, à l’aile du 4e étage où les usagers luttant contre la COVID-19 sont isolés. À temps plein, sur le quart de soir.

« J’ai commencé à avoir peur quand j’ai réalisé à quel point la maladie était aléatoire : des patients bien portants pouvaient mourir en l’espace de trois jours, alors que d’autres, bien plus faibles, étaient positifs, mais ne présentaient presque pas de symptômes », relate-t-il.

C’est en écoutant le premier ministre expliquer en conférence de presse que les masques de procédure protégeaient non pas la personne qui le porte, mais plutôt celle avec qui elle interagit, qu’Alexandre et ses collègues commencent à se poser des questions… Inquiets de la non-disponibilité des masques N95, certains commencent à apporter leur propre équipement de protection, qui un foulard, qui des lunettes de plongée…

Alexandre travaillera à temps complet pendant environ trois semaines avant de recevoir la confirmation le 27 avril, à son troisième test, qu’il avait été infecté.

« J’ai passé 19 jours seul dans mon appartement. J’appelais le 811 au moins une fois par jour, j’étais extrêmement faible, je crachais du sang… C’était rough. Et dur pour l’orgueil, aussi », reconnaît-il.

Peu de temps après avoir reçu un appel de la Santé publique lui indiquant qu’il était « guéri » (« je crachais encore du sang », fait-il remarquer), une gestionnaire du CHSLD le contacte pour lui proposer un retour au travail… en zone rouge. « Je ne veux pas mourir! », lui répond-il aussitôt. « Ce n’est pas de sa faute, à la pauvre dame, mais elle a reçu toute la frustration que j’avais accumulée. J’avais vraiment l’impression – et je l’ai encore! – d’avoir été trompé. Depuis le début, dans cette histoire, c’est comme si on renvoyait toute la responsabilité aux employé-es : lavez-vous les mains, faites attention, puis tout va bien aller, comme si c’était de notre responsabilité de ne pas tomber malade… »

Alexandre Ladouceur a été « profondément atteint » par le décès de deux collègues. L’un est décédé des suites de la maladie, l’autre s’est enlevé la vie après que sa mère se soit retrouvée aux soins intensifs après l’avoir lui-même contaminée.

« C’est d’une tristesse… Les deux étaient tout proches de la retraite, c’est désolant », laisse tomber Alexandre.

Pas de contamination par aérosols?
Tout au long de l’année 2020, l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) refusera de reconnaître la possibilité de contamination par aérosols – ces minuscules particules, plus petites que les gouttelettes – qui circulent dans l’air. Pour la santé publique, les masques N95 ne sont pas nécessaires. Pire, une ordonnance du Dr Horacio Arruda, émise en juin 2020, interdira tout usage des N95 dans le réseau à l’exception de cas bien précis, soit les interventions médicales générant des aérosols.

Malgré les nombreuses plaintes déposées par de nombreux syndicats du réseau de la santé et des services sociaux quant au manque de protection des travailleuses et des travailleurs, la CNESST refusera d’appliquer le principe de précaution, se collant sur les avis de l’INSPQ. Ce sont ces rapports d’intervention de la Commission des normes de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) qui seront contestés, et ce, dès le printemps 2020, devant le Tribunal administratif du travail (TAT).

Lorsque son délégué syndical, Simon Lacroix, le contacte pour tester son intérêt à venir témoigner devant le TAT afin de contester les avis de la CNESST, Alexandre y voit une occasion en or. « Je n’en veux pas aux gestionnaires avec qui je travaille, ils ont vraiment tout fait avec les moyens que nous avions. Mais les gens qui travaillent en zone rouge, ce sont des gens extrêmement courageux. Il me semble qu’on a une responsabilité de bien les protéger. Je ne sais pas combien ça coûte, un N95, mais la vie d’un travailleur, ça n’a pas de prix, ça je le sais. »

Dans sa décision, le juge qualifiera le témoignage d’Alexandre de « troublant ».

« J’ai expliqué au juge que de travailler comme préposé aux bénéficiaires, c’est dynamique : on bouge tout le temps. On voyait bien que la protection n’était pas suffisante. Quand il fait chaud, on sue, la visière glisse, le masque de procédure devient tout mouillé, il glisse aussi, on est proche du patient, on sent sa respiration sur notre visage… essaye de replacer ton masque quand tu es en train de changer une couche! »

Le juge Philippe Bouvier donnera raison aux prétentions syndicales : le risque de contamination par aérosols est réel, seul un appareil de protection respiratoire (de type N95 ou supérieur) peut en protéger les salarié-es, les employeurs n’ont pas assuré leur protection et la CNESST a failli à son devoir quant à l’application du principe de précaution. Il ordonne aux employeurs visés par la requête de rendre disponibles des masques N95 dès qu’un salarié, peu importe son titre d’emploi, se retrouve en présence d’un patient contaminé ou suspecté de l’être, soit en zone tiède et chaude, en plus d’offrir un test d’ajustement à tous les salarié-es qui doivent en porter.

C’est en pensant à ses collègues décédés et aux 30 000 travailleuses et travailleurs du réseau de la santé qui ont contracté la maladie qu’Alexandre a savouré la victoire en lisant la décision du juge Bouvier cette semaine. Une victoire qui laisse un goût amer, plus d’un an après le début de la pandémie, admet-il.

« Ça faisait tellement longtemps que je parlais de tous ces problèmes à mes proches, j’étais content de pouvoir enfin parler à quelqu’un en position d’autorité. Je ne suis pas un spécialiste, ni un médecin, ni un avocat, mais le juge a pris le temps de m’écouter. Attentivement. J’ai juste essayé de lui répondre au meilleur de mes connaissances. »

Et fort d’une expérience des plus traumatisantes, risquerions-nous d’ajouter.

 La semaine prochaine : blocages politiques, victoire juridique

 

 

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