Un coup de barre est nécessaire

Avec ses mesures d’austérité qui étouffent la création d’emplois et le développement régional, le gouvernement Couillard n’est pas parti pour respecter son engagement de créer 250 000 emplois d’ici la fin de son mandat. Un changement de cap s’impose.

Le 26 septembre dernier, le premier ministre Couillard, escorté de sa ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade, et de la ministre responsable des Petites et Moyennes Entreprises, annonçait en grande pompe le lancement d’une tournée régionale pour sensibiliser les entreprises du secteur manufacturier à la disponibilité d’un fonds d’investissement pour la modernisation de leur équipement.

Le gouvernement veut ainsi rappeler aux entreprises du secteur manufacturier qu’une enveloppe de 700 millions de dollars a été mise à leur disposition pour les aider dans leur démarche de modernisation. Si l’on ajoute à ce montant les 230 millions prévus dans le dernier budget pour soutenir l’industrie forestière, c’est près d’un milliard de dollars qui pourraient être consacrés au secteur manufacturier.

Depuis 2012, la CSN réclame des gouvernements qu’ils interviennent de manière soutenue pour aider au développement du secteur manufacturier. À ses yeux, il est primordial que le Québec se dote d’une politique industrielle englobante et structurante.

Sombre tableau

Lorsque les instances de la CSN ont eu à se prononcer sur les fondements d’une politique industrielle, le secteur manufacturier québécois vivait des moments difficiles. À l’instar de ce qui se passait dans de nombreux pays occidentaux, et cela, depuis le début du 21e siècle, notre secteur manufacturier connaissait une période de déclin. Alors qu’il a déjà correspondu à près de 21 % du PIB, il en représente aujourd’hui tout juste 14 %. C’est plus de 160 000 emplois qui ont été perdus depuis 2002, portant le nombre d’emplois du secteur manufacturier à 490 000 en 2013.

Le secteur de la foresterie a traversé plusieurs coups durs depuis 2003. | Photo : Jeannot Lévesque
Le secteur de la foresterie a traversé plusieurs coups durs depuis 2003. | Photo : Jeannot Lévesque

Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer cette réalité : la hausse du taux de change et le boom pétrolier albertain, la concurrence de pays où la main-d’œuvre est meilleur marché, les changements technologiques et l’échelle de production, le recours à la sous-traitance, et la crise économique. Tous ces facteurs illustrent l’ampleur des défis auxquels a été confronté le secteur manufacturier. Au premier chef, ce sont les travailleuses et les travailleurs qui ont écopé.

Une vision globale plutôt qu’une approche à la pièce

Au cours des dernières années, le gouvernement du Québec a préféré laisser aller le marché, ne se limitant qu’à quelques interventions éparses qui ne réussissaient pas à stimuler le secteur manufacturier. Il est évident qu’à ses yeux, le développement économique est l’affaire du secteur privé et que le rôle de l’État reste circonscrit à quelques incitations financières ou quelques mesures à peine plus encadrantes. Toutefois, pour la CSN, il en est tout autrement, puisqu’il est clair que « dans le secteur manufacturier, le laisser-faire ne peut mener qu’au déclin observé depuis une décennie ».

Au cours des dernières années, les entreprises ont vu leurs charges fiscales considérablement diminuées. Ces réformes qui les ont avantagées, ont-elles amélioré l’économie du Québec ? Non, bien sûr. Cette stratégie néolibérale n’a pas eu d’effets significatifs sur la croissance ni sur la productivité des entreprises. Ces dernières ont plutôt agi pour satisfaire l’appétit des actionnaires.

Que l’on parle des mesures pour lesquelles le gouvernement a entamé sa récente tournée régionale, des interventions en foresterie, du fameux Plan Nord ou encore de sa politique énergétique, toutes ces initiatives semblent dispersées et manquer de cohérence. Or, selon la CSN, il est impératif que « l’État doive aussi chercher à structurer le développement économique sur son territoire et, pour cela, il doit assumer un rôle central dans la coordination et la planification stratégique du développement économique ».

L’intervention soutenue de l’État serait non seulement structurante pour le secteur manufacturier, mais elle permettrait de déterminer les grands axes autour desquels devrait s’organiser ce développement, comme la transition vers une économie verte ou encore la création de créneaux d’excellence.

Un manque de cohérence lourd de conséquences

L’actualité des dernières semaines a permis de faire ressortir deux secteurs industriels qui illustrent bien les conséquences de l’absence d’une politique industrielle globale. Ces deux secteurs, l’éolien et la foresterie, sont au cœur des défis posés par la nécessité d’une transition vers une économie verte et du développement de créneaux d’excellence.

Le secteur éolien est au cœur des défis posés par la nécessité d’une transition vers une économie verte. | Photo : Benoit Aquin
Le secteur éolien est au cœur des défis posés par la nécessité d’une transition vers une économie verte.
Photo : Benoit Aquin

L’adoption en grande pompe par le gouvernement Couillard d’une politique énergétique pouvait laisser penser que le Québec avait la volonté de développer le secteur des énergies renouvelables en favorisant l’émergence d’une expertise nous permettant de réduire notre dépendance aux combustibles fossiles. « Malheureusement, la politique énergétique n’est pas assez vigoureuse pour soutenir le secteur éolien, le gouvernement ne prépare pas assez l’avenir dans ce secteur. On remet son développement à plus tard, au risque de perdre une expertise qui s’est développée dans les dernières années », soutient Alain Lampron, président de la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM–CSN). Les conséquences pourraient être très préjudiciables au Québec, qui s’est constitué au fil des ans une expertise de pointe dans le secteur éolien.

Alors que le secteur éolien est en plein essor, il en va autrement pour la foresterie qui doit lutter contre une conjoncture qui lui est défavorable. La menace potentielle d’une surtaxe sur le bois canadien fait craindre une reprise de la crise du bois d’œuvre alors que le secteur du papier accuse un déclin structurel, notamment causé par les nouvelles technologies de l’information. Là encore, le gouvernement intervient à la pièce, entre autres par l’octroi d’un fonds de 200 millions de dollars qui devrait permettre à l’industrie de se moderniser. Pour Alain Lampron, « l’argent est là pour la forêt, mais il faut inciter les entreprises à faire des demandes. Il faudrait que le gouvernement soit proactif et pas seulement qu’il attende que les projets arrivent des compagnies ».

Il faut dire que le secteur forestier a aussi souffert du faible réinvestissement des entreprises dans la technologie et les nouveaux procédés.

Malgré des interventions gouvernemen­tales dans ces deux secteurs, les effets restent limités. « Il faut que le gouvernement soutienne davantage la recherche et le développement, en assumant un meilleur leadership et en assurant des retombées pour le Québec », soutient le président de la FIM–CSN. Pour lui, il manque « ce grand chapeau qu’est la politique industrielle, qui englobe tout et qui se décline de façon différente d’un secteur à l’autre afin de bien cerner le contexte de chacun ».

Et Ottawa dans tout ça ?

Bien que la politique industrielle soit une responsabilité du Québec, le gouvernement fédéral a également son rôle à jouer, particulièrement en ce qui a trait aux chantiers navals. Là encore, le manque de cohérence des politiques gouvernementales est patent. « Les plans du gouvernement québécois en la matière axent beaucoup trop sur le développement du tourisme, c’est ce que Québec, mais aussi Ottawa qui accorde d’importants contrats, doit corriger impérativement, poursuit Alain Lampron. C’est nécessaire pour que le Québec retrouve son expertise, notamment pour les chantiers navals qui ont été mis de côté au cours des dernières années. »

Soutenir et permettre le développement manufacturier par une politique industrielle offensive, c’est le pari que fait la CSN. Réalisée en 2012, cette réflexion ne perd pas de sa nécessité alors que les interventions gouvernementales éparses montrent leurs limites. D’ailleurs, la CSN va lancer une nouvelle tournée afin de sensibiliser les différents paliers de gouvernements à la nécessité d’une politique industrielle. Encore aujourd’hui, « des occasions se dessinent pour une industrie du 21e siècle, porteuse de progrès économique et social, et qui ancre son futur dans un nouveau mode de développement durable ».

Les héros de Saint-Paulin

Avec leurs collègues, notamment ceux qui prennent leur relève une semaine sur deux, ils répondent à 800 appels d’urgence médicale par année, couvrant, avec deux ambulances – une seule les soirs et la nuit – quelque 1200 km2 de territoire, soit la superficie des villes de Montréal, Québec et Gatineau réunies !

C’est pour des questions budgétaires que les services préhospitaliers d’urgence en milieu rural fonctionnent sur de tels horaires, dits de faction ou 7/14. Une situation officiellement temporaire… qui dure depuis des décennies ! Ces horaires ont évidemment un impact considérable tant sur l’organisation du travail que sur la qualité de vie des paramédics, bien que certains trouvent avantageux d’être complètement libres une semaine sur deux. Toutefois, en ce qui a trait à la qualité des services à la population, il est clair que cette pratique peut engendrer des délais d’intervention plus importants alors que dans certaines situations, le temps d’intervention fait la différence entre la vie et la mort.

Alexandre Gendron habite la caserne, une semaine sur deux. Il sera bientôt papa et sa conjointe vient le voir de temps en temps. Leur domicile familial est situé trop loin de la caserne pour qu’il puisse y attendre un appel en vaquant à ses obligations familiales. « J’ai toujours aimé aider les gens, dit-il. J’ai été préposé aux bénéficiaires avant d’être paramédic. Je suis vraiment bien là-dedans. En plus, j’ai besoin de cette adrénaline et j’aime bien ne jamais savoir d’avance comment va se passer ma journée. »

Son coéquipier, Kevin Cossette, lui, a choisi d’emménager à quelques pas de la caserne de Saint-Paulin. Il y vit avec sa petite famille. Un placard, près de la porte d’entrée, sert exclusivement à entreposer son matériel et son uniforme qu’il doit enfiler à la vitesse de l’éclair pour sauter dans l’ambulance, y rejoindre Alexandre, à chaque appel d’urgence. En fait, Kevin est si rapide qu’il arrive parfois à l’ambulance en même temps qu’Alexandre qui dort à côté ! Personnellement, il s’accommode bien de l’horaire 7/14 et du fait que cela lui donne sept jours consécutifs pour s’occuper exclusivement de sa jeune famille, ce que peu de personnes peuvent se permettre. Il a d’ailleurs déjà travaillé en caserne avec un horaire régulier, mais il préfère sa situation actuelle. « Ce qui me dérange cependant, avec cet horaire, c’est que je sais bien que pour plusieurs de mes collègues, ça ne répond pas à leurs attentes et puis ce n’est pas l’idéal du point de vue des services à la population. »

Perspectives CSN les a rencontrés le lundi 8 août 2016. Quelques jours auparavant, ils étaient intervenus, en pleine nuit, pour secourir une fillette en arrêt cardiorespiratoire. Déjà morte à leur arrivée, un peu plus de 20 minutes après que l’appel ait été enregistré à la centrale d’urgence, ils ont tout tenté pour la ranimer, sans succès. Ils ont trouvé ça difficile. « On est préparés à ça, assure Kevin. Mais quand le médecin, à l’hôpital, a annoncé au père qu’elle était morte, sa réaction m’a touché, moi aussi j’ai pleuré. »

Priorité 3, code 21

Ce 8 août, c’était une journée un peu plus tranquille pour les héros de Saint-Paulin. Un seul appel leur est dédié, vers 19 h 30. C’est une priorité 3, un code 21. L’ambulance doit se rendre à environ une demi-heure de route de la caserne. En chemin, les informations se raffinent. Une dame est aux prises avec des saignements de nez abondants et répétitifs. Les paramédics échangent sur les différentes possibilités de façon à être bien préparés mentalement pour l’intervention. Ils ne font pas de diagnostic. Toute leur pratique est gérée par des protocoles stricts couvrant pratiquement toutes les situations. Ils amèneront la patiente jusqu’à l’urgence de l’hôpital le plus approprié et lui administreront les premiers soins tout au long du trajet.

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Derrière le volant, Kevin nous fait remarquer que si par malheur une autre urgence se déclarait sur leur territoire, il faudrait faire appel à une autre ambulance stationnée très loin de Saint-Paulin, à Louiseville, voire à Shawinigan. Or, pour sauver des vies, chaque minute compte.

Arrivés à 20 h au domicile de la patiente, Kevin et Alexandre prennent la situation en main et constatent l’état de la patiente selon leurs protocoles d’intervention. Le retour vers l’hôpital se fera sans les gyrophares, car la situation n’est pas urgente. La patiente sera finalement déposée à l’hôpital de Louiseville vers 20 h 15. Tout au long du trajet, Alexandre multiplie les petites attentions envers la dame alors qu’il lui administre les premiers soins et contrôle ses signes vitaux.

C’est décidément un travail de sang-froid, mais aussi d’empathie et d’altruisme. « C’est sûr qu’il faut aimer entrer en relation avec les gens pour faire ce travail. Le monde nous fait vraiment très confiance et ça, c’est très valorisant. On ne fait pas que soigner. Souvent, on fait du travail social. On doit trouver le moyen de calmer les gens, de les mettre en confiance. Les gens croient qu’on travaille toujours avec des mourants, des accidentés graves, mais dans les faits, c’est une minorité de nos interventions ! Le défi, c’est surtout de garder un certain détachement dans ces relations humaines qu’on crée », nous explique Kevin. Nous avons pu constater à quel point Kevin et Alexandre sont appréciés et respectés dans leur communauté. Tout le monde au village sait très bien qu’un jour ils pourraient devenir leurs héros…

Le conjoint de la patiente nous suit en automobile jusqu’à l’hôpital. Pourquoi avoir appelé l’ambulance dans ce cas ? « Je ne sais pas ce qu’il en est de ce cas précis, dit Kevin. Il peut y avoir toutes sortes de motifs légitimes. Mais je pense généralement qu’il faudrait en faire plus quant à l’éducation. Par exemple, il y a beaucoup de gens qui croient encore que parce qu’ils arrivent en ambulance, ils vont passer plus vite à l’urgence. Ça, c’est complètement faux. Ils vont prendre la voie normale du triage dès leur arrivée à l’hôpital et dans la plupart des cas, le transport par ambulance leur sera facturé. »

Et la négociation dans tout ça ?

Entrevue avec Dany Lacasse, vice-président des secteurs privés, FSSS–CSN

Retrouve-t-on encore beaucoup d’horaires 7/14 dans le milieu préhospitalier ?

Malheureusement, il y en a encore trop, considérant les délais supplémentaires que ça ajoute à chaque intervention. Ces situations sont concentrées dans les milieux ruraux, mais aussi dans quelques zones semi-urbaines. Dans certains endroits, on est encore en horaires 7/14 malgré qu’on y enregistre jusqu’à 1500 appels par année. La conséquence, c’est que les citoyennes et citoyens qui habitent dans ces municipalités n’ont pas le même niveau de services que d’autres qui vivent dans les villes. Ce n’est pas normal.

Le secteur préhospitalier est présentement en négociation pour renouveler les conventions collectives. Est-ce que ça fait partie des enjeux ?

Oui, dans la négociation actuelle, nous réclamons l’abolition complète de ce type d’horaire. Évidemment, il y a des territoires où c’est plus facile à mettre en œuvre que d’autres. Mais ces horaires, en plus de nuire aux services, minent la qualité de vie au travail. Quand ils ont été instaurés au départ, c’était une solution temporaire à cause d’un manque d’effectif. Aujourd’hui, ils n’ont plus de raison d’être. Même la loi de la CSST avait dû être modifiée pour permettre ce type d’horaire : ça illustre à quel point c’est anormal. Une partie de la solution, c’est de travailler à intégrer davantage les paramédics au réseau public de la santé et des services sociaux. Si on utilisait leurs compétences de façon optimale, c’est tout le système qui en sortirait amélioré.

Une force incontournable en santé et dans les services sociaux

Nous sommes en septembre 2014. Tel un magicien qui sort un lapin de son chapeau, Gaétan Barrette annonce une réforme majeure du réseau. Mais l’opération n’a rien de magique. La réforme Barrette, aussi connue sous le nom de loi 10, laissera une trace indélébile tant dans le réseau que dans les organisations syndicales et la population. Portrait d’un grand chamboulement.

Sans consulter le personnel du réseau ni la population, le ministre impose l’abolition de paliers administratifs et fusionne de nombreux établissements pour n’en retenir qu’une trentaine sur tout le territoire québécois, dont les fameux CISSS et CIUSSS. En fait, la réforme Barrette, qui est entrée en vigueur le 1er avril 2015, a fait passer le nombre des établissements de 182 à 34, dont treize centres intégrés en santé et en services sociaux (CISSS) et neuf centres intégrés universitaires en santé et en services sociaux (CIUSSS). Douze établissements ne sont pas visés par la loi ou ne sont pas fusionnés, dont l’Hôpital Sainte-Justine, le CHU de Québec–Université Laval, le CHUM et le CUSM. Cinq CIUSSS desservent le territoire de la Ville de Montréal, alors qu’en Montérégie, trois CISSS ont été créés.

Les CISSS et les CIUSSS — centres rattachés à une université — chapeautent tous les établissements d’une même région : centres hospitaliers, CHSLD, centres de protection de l’enfance et de la jeunesse (centres jeunesse), centres de réadaptation ainsi que santé publique.

Dans un climat rappelant l’improvisation, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette — qui n’est en poste à cette époque que depuis cinq mois — prétend que le virage majeur qu’il propose se fera au profit des usagers. Il avance que son plan permettra des économies de 220 millions de dollars en éliminant un palier organisationnel majeur, celui des agences de santé et de services sociaux. « Désormais, je peux dire que notre intention est de faire en sorte que notre système de santé ne rimera plus jamais avec bureaucratie, mais plutôt avec services », avance-t-il en conférence de presse, à la suite de la mise à pied de 1300 cadres du réseau. Du même coup, il en profite pour s’arroger des pouvoirs exceptionnels, du jamais vu au ministère.

Chaque étape de mise en place de la réforme est pénible, alors que les travailleuses et les travailleurs ne sont pas toujours informés des changements. Ce fut particulièrement le cas pour le personnel des agences, qui, à quelques jours de la dissolution de leur secteur d’activité, ne savaient toujours pas ce qu’il adviendrait d’eux.

Une réforme austère

La réforme Barrette s’inscrit parfaitement dans les politiques d’austérité imposées par le gouvernement libéral de Philippe Couillard. Malgré les belles promesses, le réseau de la santé et des services sociaux s’est aussi vu imposer des coupes de 219 millions pour 2014-2015, de 450 millions pour 2015-2016 et de 247 millions pour 2016-2017.

Le PL10 s’inscrit dans les politiques d’austérité du gouvernement Couillard auxquelles la CSN s’oppose depuis près de deux ans.
La réforme Barrette ou PL10 a fait passer de 182 à 34 le nombre d’établissements dans le réseau.

Deux ans plus tard, le réseau tente tant bien que mal de se remettre de cet électrochoc. Les bénéfices de la réforme promis par le ministre se font toujours attendre et les usagers n’ont pas vu l’accessibilité aux soins et aux services s’améliorer, au contraire. À ce propos, un sondage commandé par la CSN (incontournable.info), et paru en septembre 2016, indiquait que 70 % du personnel technique et professionnel du réseau estimait que les coupes budgétaires imposées avaient diminué l’accessibilité aux services et allongé le temps d’attente pour les patients. Ce même sondage démontrait, sans surprise, les effets dévastateurs de ces compressions sur les travailleuses et les travailleurs du réseau. Ainsi, 60 % des répondants estimaient être constamment ou fréquemment en surcharge de travail, alors que plus de 80 % des personnes interrogées affirmaient que leur surcharge de travail était due aux compressions.

Bouleversement syndical

La réforme structurelle du réseau de la santé et des services sociaux aura aussi des effets majeurs sur les syndicats. Car qui dit établissements fusionnés, dit auto­matiquement nouvelles accréditations syndicales. La réforme Barrette imposera donc la plus importante période de vote d’allégeance syndicale en santé et en services sociaux jamais connue au Québec. Des quelque 800 accréditations syndicales, il en restera moins de 100, ce qui créera des mégasyndicats répartis sur d’immenses territoires. La CSN, présente partout au Québec, demeurera l’organisation la mieux placée pour offrir des services de qualité aux syndicats de toutes les régions et pour appuyer la vie syndicale dans tout le Québec.

Les compressions ont des effets dévastateurs sur les travailleurs du réseau qui estiment à 60 % être constamment ou fréquemment en surcharge de travail.
Les compressions ont des effets dévastateurs sur les travailleurs du réseau qui estiment à 60 % être constamment ou fréquemment en surcharge de travail.

C’est ainsi que du 30 janvier au 24 février 2017, les 130 000 travailleuses et travailleurs du réseau auront à choisir l’organisation syndicale qui défendra le mieux leurs intérêts. C’est le Tribunal administratif du travail — le TAT, l’ancienne Commission des relations du travail — qui supervisera le processus. Chaque membre du personnel du réseau touché par l’opération recevra, à son domicile, un bulletin de vote qu’il devra retourner avant le 24 février 2017. Les résultats seront dévoilés entre la mi-mars et la mi-avril. Les nouveaux syndicats seront accrédités officiellement le 21 avril 2017.

L’opération n’est pas sans rappeler la période de vote d’allégeance syndicale découlant de la loi 30 du gouvernement libéral de Jean Charest. Cette loi, adoptée en 2003 sous le bâillon, avait imposé une réorganisation des unités de négociation, divisant en quatre catégories l’ensemble des travailleuses et des travailleurs du réseau : la catégorie 1 regroupant les professionnel-les en soins (infirmière, infirmière auxiliaire, inhalothérapeute), la catégorie 2 regroupant le personnel paratechnique, auxiliaire et de métiers (préposé-e aux bénéficiaires, personnel d’entretien, préposé-e aux services alimentaires et de buanderies, ouvrier spécialisé, etc.), la catégorie 3 le personnel de bureau et de l’administration (agente administrative, secrétaire, etc.) et, finalement, la catégorie 4 le personnel professionnel et technique (psychologue, travailleuse sociale, technicienne de laboratoire, etc.).

La loi 30 avait toutefois été opérationnalisée en plusieurs vagues, alors que les votes s’étaient déroulés de 2004 à 2006. Cette fois-ci, le vote d’allégeance se tiendra en une seule vague, une opération périlleuse et historique.

La CSN, une force incontournable

Forcée de participer à ce maraudage sans précédent, la CSN ne sera pas en reste. Tout au long de l’automne et jusqu’au début de 2017, elle déploiera les efforts nécessaires pour s’assurer que ses membres demeurent à la CSN, mais aussi pour convaincre les autres travailleuses et travailleurs d’y adhérer. Elle sera la cible de tous les autres joueurs impliqués pendant la période de vote sur le changement d’allégeance syndicale, car elle est l’organisation la plus représentative du réseau de la santé et des services sociaux, regroupant 47 % de ses travailleuses et de ses travailleurs. Elle est présente dans tous les types d’établissements et dans toutes les catégories d’emplois. Les membres des catégories 1, 2 et 3 sont affiliés à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN), alors que ceux de la catégorie 4 sont affiliés à la Fédération des professionnèles (FP–CSN) ainsi qu’à la FSSS–CSN. Rejetant plus que jamais le corporatisme et l’isolement, la CSN misera sur la solidarité pour améliorer les conditions de travail de ses membres, et sur sa crédibilité pour défendre avec vigueur et efficacité le réseau de la santé et des services sociaux.

La campagne « La CSN, une force incontournable » se déploiera sur le terrain, dans tous les établissements ; elle sera visible sur toutes les plateformes : réseaux sociaux, web, télévision, journaux, même le long des autoroutes.

Forte de ses 325 000 membres, la CSN est une force incontournable pour le réseau de la santé et des services sociaux.

Deux militantes, deux parcours, même combat

Les débats et les luttes féministes à la CSN ne datent pas d’hier. Depuis des années, des femmes s’engagent au sein du mouvement pour une réforme continuelle de la condition des travailleuses. Mais les mentalités ont parfois la vie dure et bien que des progrès s’accomplissent tous les ans, les acquis d’hier peuvent sauter à la première crise politique ou économique. Rencontre avec deux militantes au parcours fascinant qui n’ont jamais renoncé à faire entendre la voix des femmes.


Une pionnière dans son milieu

Dès ses études en électrotechnique au collège Ahuntsic, où elle est l’une des deux femmes sur un groupe de 70 personnes, Linda Boisclair s’engage pour la cause féministe et devient présidente de « Femmes regroupées en options non traditionnelles » (FRONT) qui œuvre dans la communauté. Lorsqu’elle commence à travailler chez Gaz Métro en 1992, le syndicat en place ne compte que six femmes sur 430 membres.

La militante rappelle le contexte de son embauche : des toilettes et des vestiaires pour femmes manquent à certains endroits dans l’entreprise. La taille pour hommes de leurs uniformes et de leurs chaussures crée des risques de blessures. Aujourd’hui, de telles situations problématiques n’existent pratiquement plus et Linda Boisclair n’est pas étrangère à l’amélioration des conditions de travail de son milieu. En 1996, elle contacte les autres femmes qui travaillent dans divers secteurs de l’entreprise et les convie à un souper. Son objectif vise à échanger sur leur réalité respective et à tisser des liens avec elles. « On sentait la méfiance masculine face à notre présence, comme si certains craignaient qu’on ne leur vole leur place. On s’est rendu compte qu’on vivait les mêmes choses. On a ciblé quelques revendications pour les faire valoir auprès du syndicat et de l’employeur. » Elle admet que les relations avec le comité exécutif de l’époque ne baignaient pas dans l’huile et souligne qu’aucune femme n’avait jamais siégé à l’exécutif ni fait partie des délégués.

Pour toutes ces raisons, elle et ses con­sœurs décident en 1995 de mettre sur pied un comité de condition féminine. Avec l’appui d’une linguiste de l’UQAM, les membres du comité contribuent à la féminisation des appellations d’emploi de la convention collective. Elles travaillent sur des enjeux comme le harcèlement psychologique et prennent une part active dans la création du réseau d’entraide qui sert non seulement aux femmes, mais à l’ensemble des employé-es. « Personne n’avait le temps ni la motivation de travailler sur ces questions. Nous les avons prises à bras-le-corps, avec l’appui indéfectible de la CSN. » Comme quoi, estime-t-elle, la vision des femmes amène une valeur ajoutée à une organisation.

Des alliés chez les hommes

L’élection du président du syndicat actuel, Michel Charron, a constitué un élément bénéfique pour les travailleuses de Gaz Métro. « Il nous a beaucoup aidées à prendre notre place tout en évitant de bousculer les membres. Il comprenait les réticences de ses compagnons et savait les faire cheminer. »

En outre, le comité de condition féminine a participé activement à la révision du programme d’accès à l’égalité dans l’entreprise qui connaissait des ratés. Aujourd’hui, 62 femmes sont embauchées par l’organisation, si on exclut les employé-es de bureau. « Je n’aurais jamais pensé voir ça. L’employeur a fait ses devoirs ! », ajoute-t-elle. Au début des années 2000, elle décide de faire le saut et se présente à l’exécutif syndical à la suite d’une démission. Elle remporte l’élection.

La création d’un poste réservé de vice-présidente à la condition féminine constitue l’une des grandes satisfactions de Linda Boisclair, qui prend sa retraite dans quelques semaines. « Je remercie mes confrères de reconnaître le caractère essentiel d’un tel poste. Ils ont vu que notre travail avait des répercussions positives pour tout le monde. Ça m’émeut beaucoup. »

À sa retraite, Linda poursuivra son engagement envers les femmes avec le Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel en siégeant au conseil d’administration de CALACS et en offrant aux femmes une demi-journée par semaine de massothérapie, bénévolement. « Je veux les aider à reprendre contact avec leur corps. »

« Linda a toujours su partager sa fougue féministe, fait remarquer Véronique De Sève. La retraite ne fera pas exception à la règle et je suis certaine qu’elle poursuivra sur le même chemin. Chapeau, Linda ! »


Une intellectuelle aux barricades

Georgette Lachaîne, ex-vice-présidente de la CSN et Véronique De Sève, actuelle deuxième vice-présidente de la CSN.Photo : Cédric Martin
Georgette Lachaîne, ex-vice-présidente de la CSN et Véronique De Sève, actuelle deuxième vice-présidente de la CSN.
Photo : Cédric Martin

Georgette Lachaîne, combattante des premières heures à la CSN, est aujourd’hui âgée de 95 ans. Issue d’une famille de cinq enfants, cette infirmière de formation n’a pas pratiqué ce métier compte tenu de sa fragile constitution. Par contre, la militante fait sa marque sur le plan des idées et des convictions en se faisant élire à la vice-présidence de la CSN, en 1962.

Lorsqu’elle apprend à lire, la jeune Georgette se découvre une passion pour cette activité qui gruge une grande partie de son temps. « Ma tante ne semblait intéressée que par les bouquins, tellement que ma grand-mère ironisait en disant que c’était une enfant plate », souligne en riant sa nièce, Louisette Lachaîne. Le personnel de la bibliothèque du quartier Verdun où réside la famille de Georgette est impressionné : « Elle prenait en note les titres de tous les livres qui apparaissaient dans les journaux et se rendait sur place pour les emprunter. Parfois même, elle informait les bibliothécaires des nouvelles publications. »

Georgette Lachaîne entame son implication militante au sein de son syndicat chez Dupuis et frères où elle travaille ; le magasin embauchait alors une grande majorité de femmes. « Mes oncles n’étaient pas très syndicalistes. Ils lui disaient souvent : “Toé pis ton maudit syndicat !” Elle se défendait et suscitait des discussions animées. Elle avait du nerf tante Georgette et elle croyait dans ce qu’elle faisait ! » En 1952, elle prend une part active à la grève menée par les quelque 1000 employé-es de Dupuis et frères, qui ne gagnent à l’époque que 30 $ par semaine. Grâce à leur lutte, elles obtiennent la semaine de travail de 40 heures, la formule Rand et des hausses de salaire hebdomadaire se situant entre 4 $ et 6 $.

L’ex-vice-présidente de la CSN s’indigne de l’exploitation des femmes au travail et se désole du sort réservé aux personnes les plus démunies. Pour ces raisons, elle donne bénévolement de son temps afin d’aider les familles à revenu modeste à établir leur budget. Une fois élue au comité exécutif de la confédération, Georgette continue à promouvoir la juste reconnaissance pour l’ensemble des femmes d’une multitude de droits : autonomie financière, éducation, encadrement du travail de nuit des femmes, parité salariale, droits pour les femmes mariées : autant de luttes qu’elle a durement et chèrement menées sur plusieurs fronts.

Bien placée pour comprendre les difficultés d’implication de ses consœurs dans différents milieux de travail et dans les syndicats, elle œuvre pour les aider à s’y tailler une place, notamment par l’entremise du comité féminin de la CSN : « Le mouvement syndical ne peut rester indifférent aux aspirations d’un groupe aussi important », écrit-elle dans un rapport de ce comité. Georgette Lachaîne luttait pour des problématiques encore bien actuelles de nos jours. En 1966, elle doit cesser ses activités militantes en raison d’ennuis de santé. Malgré une carrière écourtée, elle a contribué au débat tant sur le plan idéologique que dans l’action sur le terrain pour améliorer la situation des femmes de son époque. « Je suis fière de travailler dans le sillage de cette grande femme, qui a su démystifier les enjeux sur lesquels il était urgent de se pencher pour faire progresser la condition de toutes les femmes. Merci, Georgette Lachaîne, nous tâcherons de poursuivre votre œuvre avec toute l’ardeur que vous y avez déployée vous-même », conclut finalement Véronique De Sève, vice-présidente de la CSN.

Comprendre le racisme pour s’y attaquer

Michael Brown, Sandra Bland, Trayvon Martin, Eric Garner. Les ravages du racisme systémique chez nos voisins étatsuniens font beaucoup parler depuis quelques années. Mais cette violence ne se limite pas au sud du 49e parallèle.

Les victimes de la brutalité policière au Québec et au Canada ont, elles aussi, des noms qui méritent de ne pas être oubliés : Freddy Alberto Villanueva, Sammy Yatim, Abdi Abdirahman, Jean-Pierre Bony. Le décès de ce dernier, abattu par la police en avril dernier à Montréal-Nord, a été la goutte qui a fait déborder le vase pour plusieurs groupes antiracistes du Québec. Depuis, ils réclament la tenue d’une commission parlementaire sur le racisme systémique afin d’examiner ses effets et sa portée à travers l’ensemble des sphères de la société civile et des institutions québécoises. La campagne pour la tenue de cette commission est principalement menée par des militantes et militants de Montréal Noir, de Québec inclusif, de l’Association des Musulmans et des Arabes pour la laïcité au Québec, et du Réseau jeunesse des Premières Nations du Québec et du Labrador.

D’emblée, notons que le racisme est par définition systémique et qu’il ne se limite pas aux propos et gestes discriminatoires et aux préjugés d’une poignée d’individus incultes. Le racisme est un système conçu pour favoriser l’avancement social et économique basé sur la race, avantageant et protégeant avant tout les « groupes privilégiés » au détriment des « groupes racisés ». Ce système produit et reproduit des inégalités criantes qui se manifestent dans tous les domaines de la société : l’éducation, la justice, le travail, la santé, etc.

Se regarder dans le miroir

Certes, plusieurs pensent que les problèmes de racisme sont moins graves au Québec et au Canada qu’ailleurs en Amérique du Nord, mais de nombreuses études dénotent une réalité bien plus sombre.

En fait, un Picard ou un Cloutier ont 60 % plus de chance d’être convoqués à un entretien d’embauche qu’un Abdallah ou un Setshwaelo. Au cours de la dernière décennie, la population carcérale d’origine autochtone a grimpé de 46 %, et celle des Noirs, de 90 %. À Montréal, bien que 30 % de la population soit racisée, à peine 6 % des postes de la haute direction de la fonction publique sont occupés par des personnes issues des communautés racisées. Quant à l’Assemblée nationale, il n’y a que cinq députés sur 125 élus qui viennent de groupes racisés.

Pour un syndicalisme inclusif et antiraciste

Le 25 août dernier, la CSN a joint sa voix à celle des groupes qui revendiquent la tenue d’une commission parlementaire sur le racisme systémique. Pour Emilie Nicolas, présidente de Québec inclusif, il est essentiel que le mouvement syndical emboîte le pas dans la lutte contre le racisme et qu’il s’oppose, lui aussi, aux politiciens et aux autres influenceurs qui sont plus à l’aise de discuter de ce qui se passe aux États-Unis que de s’attaquer aux problèmes d’ici. « Ce n’est pas parce qu’on n’est pas en Arabie saoudite qu’on n’a pas besoin d’avoir un mouvement féministe au Québec, explique-t-elle. Qu’on dise qu’il y a certains endroits dans le monde où la situation est pire est une stratégie pour faire dévier la conversation et éviter de s’attaquer aux problèmes vécus quotidiennement ici. »

D’ailleurs, Emilie Nicolas incite tous les syndicalistes à s’engager dans la lutte antiraciste en utilisant les outils à leur disposition afin de renforcer le message des communautés racisées sur l’urgence d’une commission parlementaire. « Les gens issus de groupes racisés sont des citoyens à part entière et non des citoyens de seconde zone, et le gouvernement nous appartient autant qu’il appartient à tout le monde. Ce message doit être entendu dans les coulisses du pouvoir ! »

Ce qui nous distingue et ce qui nous unit

Au printemps dernier, les militantes et les militants de la CSN de partout à travers le Québec ont profité des congrès des conseils centraux pour dresser un bilan de l’action syndicale des trois dernières années et débattre des orientations pour leur région respective. Rencontres triennales où se côtoient les luttes du premier et du deuxième front par le biais de conférences, de débats et de rassemblements militants. Ces congrès, fortement ancrés dans les réalités régionales, ont enthousiasmé les membres venus par centaines.

Un retour sur l’importante lutte contre l’austérité menée par la CSN et ses divers partenaires était à l’ordre du jour de tous les congrès. Dans un premier temps, les conseils centraux ont dressé un bilan des multiples actions auxquelles ont participé les militantes et les militants dans le cadre de la campagne confédérale Refusons l’austérité. Puis, des conférences sur les différentes facettes de l’austérité ont nourri les débats et les exercices de réflexion.

Invitée par le Conseil central de l’Estrie, Aurélie Lanctôt, journaliste et auteure de l’essai Les libéraux n’aiment pas les femmes, est venue discuter avec les congressistes des conséquences catastrophiques des politiques d’austérité sur les femmes qui se trouvent à subir deux fois plutôt qu’une les contrecoups des compressions : une première fois en tant que travailleuses majoritaires dans les réseaux de l’éducation et de la santé et des services sociaux et une deuxième fois en tant que principales utilisatrices des services publics.

Aurélie Lanctôt, auteure de l’essai Les libéraux n’aiment pas les femmes, entretient les congressistes des conséquences des politiques d’austérité sur les femmes.Photo : Chu Anh Pham
Aurélie Lanctôt, auteure de l’essai Les libéraux n’aiment pas les femmes, entretient les congressistes des conséquences des politiques d’austérité sur les femmes.
Photo : Chu Anh Pham

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, c’est par l’axe de la privatisation du système de santé et de services sociaux qu’on a abordé le thème de l’austérité. Avec des intentions à peine cachées de déconstruction de l’État, les libéraux affament les réseaux publics à coup de compressions majeures pour ensuite dénoncer les ratés desdits réseaux et vanter les mérites du privé. Une stratégie sournoise, bien illustrée par la présentation d’Anne Pineau, adjointe au comité exécutif de la CSN.

Depuis quelques années, les politiques d’austérité font aussi des ravages ailleurs sur la planète. Particulièrement touchés par d’importantes vagues de compressions budgétaires, plusieurs pays d’Europe ont vu naître de grands mouvements citoyens et des coalitions politiques se sont formées pour défendre les missions de l’État. Invité par le conseil central de Montréal, Manuel Espinar Anonuevo, membre du parti politique Podemos, est venu partager avec les militantes et militants de la CSN les réflexions et les moyens d’action du parti progressiste espagnol qui a obtenu plus de 20 % des voix aux dernières élections générales. Un nouvel éclairage fort à propos sur la lutte pour une société plus juste.

Syndicalisme d’aujourd’hui et de demain

Il n’y a pas que les radio-poubelles qui remet­tent en question la pertinence du syndicalisme en 2016. Le vent de droite qui souffle sur le Québec depuis quelques années participe à la construction d’un discours antisyndical qui prend de plus en plus de place dans l’espace public. Invité à titre de conférencier dans plusieurs régions, Gérald Larose, président de la CSN de 1983 à 1999, a livré un vibrant plaidoyer pour un mouvement syndical fort. Selon M. Larose, la conjoncture demande plus que jamais que les membres occupent le terrain et travaillent à déconstruire l’argumentaire néolibéral qui nuit aux travailleurs.

Gérald Larose, président de la CSN de 1983 à 1999, livrant son plaidoyer pour un mouvement syndical. Photo : Michel Giroux
Gérald Larose, président de la CSN de 1983 à 1999, livrant son plaidoyer pour un mouvement syndical.
Photo : Steve Lynch

Sollicité aussi par plusieurs conseils centraux, Christian Nadeau, professeur titulaire au département de philosophie de l’Université de Montréal, a quant à lui abordé le thème de la démocratie syndicale. Est-ce un mythe ou une réalité? La base militante se sent-elle partie prenante des stratégies syndicales ? M. Nadeau a donné quelques pistes de réponse en suggérant, par exemple, de multiplier les espaces de discussions libres afin de permettre à toutes et à tous de développer des compétences politiques. Toujours selon M. Nadeau, ce sont ces compétences qui permettront un renforcement des pouvoirs citoyens, vecteurs de transformation sociale.

À l’intérieur de nos rangs aussi, des militantes et militants critiquent les pratiques syndicales actuelles et se demandent à quoi pourrait ressembler un syndicalisme renouvelé. C’est sur cette base que le polémiste Marc-André Cyr, chargé de cours en sciences politiques à l’UQAM, est venu discuter avec les membres des Laurentides. Son intervention en faveur d’un syndicalisme plus combatif a suscité diverses réactions auprès des congressistes, preuve qu’il y a là matière à réflexion pour les années qui viennent.

Ces questionnements sur nos façons de faire et de concevoir le syndicalisme d’aujourd’hui ont donné lieu à des débats animés, desquels ont émergé un consensus : le syndicalisme est bien vivant et toujours d’actualité à travers tout le Québec.

Le développement régional au cœur de l’action syndicale

La décision du gouvernement Couillard, à l’automne 2014, d’abolir les centres locaux de développement (CLD) et les conférences régionales des élus (CRÉ) a eu des répercussions importantes sur la vie régionale. En plus des pertes d’emplois, ces fermetures ont entraîné d’importantes difficultés de financement et de concertation pour les organismes des régions. De plus, certaines régions, comme l’Abitibi-Témiscamingue et la Côte-Nord, ont été frappées de plein fouet par la chute des prix des matières premières. Ce ralentissement mondial amène aujourd’hui les régions à envisager une transition du modèle économique basé sur les richesses naturelles et manufacturières vers une économie de services.

C’est d’ailleurs pour souligner l’importance du secteur public pour l’économie des régions ressources que le Conseil central Côte-Nord a invité le professeur au Département de relations industrielles de l’Université Laval, Jean-Noël Grenier. M. Grenier a rappelé aux congressistes que le gouvernement est souvent le plus gros employeur d’une région, comme c’est d’ailleurs le cas sur la Côte-Nord. Les revenus gagnés par ces travailleuses et ces travailleurs sont ensuite dépensés dans les commerces locaux, qui à leur tour embauchent des gens du coin. Un cycle qui fonctionne et qui influence positivement l’économie régionale.

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Un moment d’émotion pour la présidente du Conseil central du Bas-Saint-Laurent.
Photo : Steve Lynch

Au Bas-Saint-Laurent, le développement régional a été abordé via le développement des arts et de la culture. Shanti Sarrazin, coordonnatrice à la culture et aux communications pour la MRC Rimouski-Neigette, est venue présenter aux membres de la région des pistes de solution pour contrer la dévitalisation des communautés. Selon Mme Sarrazin, une activité culturelle dynamique et la mise en valeur du patrimoine contribuent à la construction d’une identité régionale forte, facteur d’attraction et de rétention pour les citoyennes et citoyens.

Le nécessaire virage écologique

Les enjeux environnementaux ont aussi fait l’objet de discussions fort intéressantes. Invité par le Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches, Steven Guilbeault, cofondateur et directeur principal d’Équiterre, a tenu à rappeler l’importance pour le mouvement syndical de contribuer activement à la lutte aux changements climatiques en travaillant à la nécessaire transition vers les énergies renouvelables, que ce soit par un soutien aux actions locales ou par une participation aux concertations régionales et nationales sur le développement durable.

Plusieurs conseils centraux ont porté une attention particulière à l’empreinte écologique de leur congrès. La rencontre triennale du Conseil central de l’Abitibi-Témiscamingue–Nord-du-Québec a d’ailleurs reçu la certification « Congrès Vert ». Pour ce faire, l’organisation a travaillé avec une OBNL de la région, le groupe ÉCOcitoyen, qui a évalué le congrès en se basant sur une norme environnementale qui prend en considération plusieurs éléments tels l’origine des objets promotionnels, la nourriture et les sources d’énergie. Les congressistes ont aussi reçu des arbres et des semences de fleurs afin de compenser les émissions de gaz carbonique résultant de leurs déplacements.

Parmi les autres initiatives en matière de protection de l’environnement, soulignons la remise du prix SPHERE (le prix Syndical et Paritaire pour Honorer un Engagement et une Réalisation Environnementale) par le Conseil central du Cœur du Québec. Ce projet pilote a été mis sur pied afin de souligner les initiatives écologiques des militantes et militants de la région. Pour sa première édition, le concours a été remporté par le STT Mitchel-Lincoln, syndicat d’une entreprise d’emballage, où les employé-es ont mis en place une politique de récupération des courroies de plastique.

Sur le deuxième front

Parmi les enjeux sociaux qui préoccupent les membres à travers tout le Québec, la lutte à la pauvreté tient une place prioritaire. Plusieurs organisations qui travaillent à la réduction des inégalités de revenus concentrent aujourd’hui leurs efforts à promouvoir la revendication pour un salaire minimum à 15 $ l’heure. Cet enjeu a été discuté sur le plancher de plusieurs congrès, et quelques conseils centraux ont adopté une proposition à l’effet de soutenir cette lutte pour un salaire décent. À Montréal, Alex Han, représentant du Service Employees International Union, a rappelé aux membres présents les racines de cette revendication, née aux États-Unis en 2012 avec la campagne Fight for 15, menée par les travailleuses et les travailleurs des chaînes de restauration rapide.

Du pain sur la planche

Les militantes et les militants s’entendent pour dire que les prochaines années ne seront pas de tout repos. Le gouvernement de Philippe Couillard restera au pouvoir au moins jusqu’en octobre 2018, date de la prochaine élection provinciale, et poursuivra vraisemblablement son travail de destruction de l’État québécois. La lutte aux politiques d’austérité demeurera donc une priorité dans toutes les régions du Québec.

Parmi les autres enjeux priorisés par les membres des conseils centraux, on trouve la concertation régionale. Que ce soit par la création d’une coalition progressiste dans les Laurentides, par des démarches concrètes de collectivisation des luttes en Estrie ou par la mise en place d’espaces de consultation publique dans la région de Lanaudière, les moyens sont multiples et les intentions de se solidariser clairement exprimées.

Les congressistes se sont aussi engagés à poursuivre régionalement diverses luttes menées nationalement par la CSN. La promotion des campagnes Un réseau qui fait grandir, contre le démantèlement des services de garde éducatifs et Le droit fondamental de négocier, qui dénonce les changements législatifs du pacte fiscal (PL110), occupera les militantes et les militants au cours des prochains mois.

Des projets particuliers seront aussi à surveiller dans plusieurs régions. Le colloque sur les transports, qui sera organisé par le Conseil central de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, pourrait avoir des échos dans d’autres régions, de même que le Sommet social régional, mis sur pied par le Conseil central du Saguenay–Lac-St-Jean.

Ce que les présidentes et présidents ont dit…

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Photo : Alain Décarie
Ce qui est sorti de notre congrès, c’est que le conseil central doit travailler à renouveler le syndicalisme en innovant dans ses pratiques, que ce soit auprès des membres, des médias, des jeunes. Nous devons aussi prendre une place encore plus importante sur la scène régionale.
Giacomo Bouchard, Abitibi-Témiscamingue–Nord-du-Québec
Une semaine teintée par une grande solidarité régionale. Avec les militantes et les militants, nous avons échangé et débattu afin de nous permettre de travailler à l’avenir de nos syndicats et de notre région et de nous projeter encore un peu plus loin dans l’avenir.
Nancy Legendre, Bas-Saint-Laurent
Ce congrès marquait le 20e anniversaire de notre conseil central. Nous en avons profité pour inviter les anciens présidents, nous souvenir de tout le chemin parcouru et nous projeter dans l’avenir.
Paul Lavergne, Cœur du Québec
Les délégué-es se sont bien appropriés les enjeux présentés. Conscients de l’impact positif qu’ils ont sur la région, les syndicats sont repartis du congrès prêts à jouer leur rôle sur la Côte-Nord.
Guillaume Tremblay, Côte-Nord
Les présentations diversifiées et les riches échanges ont permis aux membres, qui composaient la plus forte délégation jamais enregistrée à un congrès du CCSNE, de prendre le pouls de la conjoncture régionale et nationale et de déterminer nos grandes orientations pour les années à venir, orientations basées sur le développement de nos solidarités estriennes.
Denis Beaudin, Estrie
La concertation régionale, le maintien des services de proximité, l’organisation d’un colloque sur les transports et la protection du Saint-Laurent par la revendication de centres d’interventions d’urgences maritimes auprès de nos gouvernements, seront nos priorités pour le prochain mandat. Ces enjeux contribueront à notre développement social, environnemental et économique.
Jacques Mimeault, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine
Parmi nos orientations pour les prochaines années, un engagement à mener, avec les syndicats affiliés au conseil central, une réflexion sur les valeurs véhiculées par la CSN soit l’autonomie, la démocratie et la solidarité et le lien à faire avec nos responsabilités syndicales.
Francine Ranger, Lanaudière
Le congrès nous a permis de réfléchir à des stratégies pour nous rapprocher des syndicats et redynamiser la vie syndicale. Un congrès innovateur et dynamique.
Annette Herbeuval, Montérégie
Les délégué-es se sont entendus sur la nécessité de poursuivre nos mobilisations, entre autres, en élargissant nos solidarités sur une base plus locale, tant pour renforcer la lutte contre l’austérité que pour soutenir les luttes syndicales. Il s’est également avéré important de prioriser la lutte contre les inégalités sociales, notamment par l’entremise de la syndicalisation et par la revendication de la hausse du salaire minimum à 15 $.
Dominique Daigneault, Montréal métropolitain
Nous souder à l’ensemble des groupes sociaux pour appuyer les mouvements qui cherchent à transformer la société pour que personne ne soit laissé de côté. Voilà le sens de plusieurs de nos résolutions, dont celle qui vise à rehausser le salaire minimum.
Michel Quijada, Outaouais
Un congrès mobilisant qui nous a permis de faire le point sur les enjeux et défis dans notre région. Les personnes conférencières ont rappelé l’importance du travail d’un conseil central sur le plan social et combien les conditions de travail et les conditions sociales sont indissociables.
Ann Gingras, Québec Chaudière-Appalaches
Nous sortons de ce congrès avec de nouveaux chantiers à explorer. La démocratie municipale, l’élargissement de l’action en développement territorial et l’acceptabilité sociale seront de nouveaux terreaux où nous pratiquerons le syndicalisme à la manière CSN.
Engelbert Cottenoir, Saguenay–Lac-Saint-Jean

Des gestes inspirants !

Les politiques d’achat responsable (PAR) visent à transformer les pratiques de production des biens et des services en exigeant des fournisseurs et de leurs sous-traitants qu’ils respectent les droits des travailleuses et des travailleurs, améliorent leur performance environnementale et soient plus transparents. Elles tentent d’apporter des changements positifs là où les législations protégeant les humains et l’environnement sont encore inexistantes
ou trop timides.

L’achat responsable, c’est l’intégration du développement durable et de la responsabilité sociétale aux processus d’acquisition des biens et services. Dès le début des années 2000, la CSN pose diverses actions sur le terrain qui lui serviront d’inspiration lors de l’élaboration de sa politique d’achat responsable, qu’elle adoptera en 2009.

Pression économique et citoyenne

Concrètement, la PAR contient des critères guidant l’achat qui vont au-delà du prix des produits et des services. Des critères de nature sociale y sont inclus afin de s’assurer que les biens et les services consommés soient produits dans des conditions de travail décentes, et proviennent d’entreprises qui respectent minimalement les droits fondamentaux du travail, en particulier le droit d’association et le droit à la négociation collective. Des critères comme le cycle de vie d’un produit ou service et le calcul de son coût social et environnemental sont aussi pris en compte afin d’élargir la notion de prix et obtenir un portrait global des impacts du produit ou du service. La PAR favorise le commerce équitable et les entreprises d’économie sociale qui, par exemple, génèrent une forte contribution sociale.

La CSN a remis sa politique à l’ensemble de ses fournisseurs. Leur conformité à ses exigences est vérifiée, entre autres, par l’administration d’un questionnaire. Cette politique est ainsi utilisée comme levier pour exercer une pression économique et citoyenne sur les fournisseurs.

Achat syndical

Plusieurs produits et services sont offerts par des entreprises et organisations syndiquées à la CSN. L’achat syndical s’inscrit aussi dans la logique de la PAR, puisque celle-ci vise à encourager les fournisseurs qui respectent les droits des travailleuses et des travailleurs et les libertés syndicales.

La Fédération du commerce (FC–CSN) et la Fédération de l’industrie manufacturière (FIM–CSN) ont publié un répertoire des produits et services d’entreprises, d’institutions et d’organisations syndiquées chez elles pour en permettre une identification rapide lorsque vient le temps de nous approvisionner ou de solliciter un service.

Il peut cependant arriver que l’achat syndical ne soit pas en parfaite harmonie avec la PAR et qu’il pose un dilemme, mais il reste souhaitable de prendre en considération ce facteur dans nos achats dans la mesure du possible.

Pour ce qui est des fournisseurs, l’idéal serait qu’ils adoptent eux-mêmes une poli­ti­que d’achat responsable — ils pourraient ainsi se qualifier comme acheteur et comme vendeur — ou, à tout le moins, qu’ils apportent des améliorations substantielles à leurs pratiques.

La CSN invite les syndicats et les organisations à adopter une PAR dans leur milieu pour ainsi faire la différence un achat à la fois.

30 ans de négociations coordonnées dans le secteur de l’hôtellerie

Pour souligner cet anniversaire, rappelons-nous comment ce modèle a contribué, depuis ses débuts en 1986, à faire avancer les conditions de travail et de vie des professionnel-les de l’hôtellerie partout à travers la province.

Le préalable historique est l’arrivée massive à la CSN de syndicats d’hôtels, au début des années 80. Ces hôtels étaient auparavant affiliés au local 31 d’un syndicat américain, rongé par la corruption et les pratiques antidémocratiques. Entre 1980 et 1986, jusqu’à 10 000 travailleurs sont ainsi passés à la CSN par petits groupes lorsque leur convention collective arrivait à échéance. C’est en 1986 que des pionniers comme Lise Poulin, Gilles Duceppe, Jacques Lessard et plusieurs militants du secteur de l’hôtellerie ont pensé à unir les forces de tous ces syndicats pour négocier. Jean Lortie, secrétaire général de la CSN depuis 2011, également présent à l’époque, se souvient des discussions centrées sur l’idée de cesser de mettre les syndicats des différents hôtels en compétition et sur la nécessité de collaborer pour créer un rapport de force suffisant pour obtenir des gains pour tous les travailleurs et travailleuses.

Le début d’un temps nouveau

Le 10 avril 1986, les syndicats des hôtels membres de la Fédération du commerce (FC–CSN) se réunissent et adoptent le principe d’une négociation coordonnée pour l’année suivante. Le but principal de ces négociations étant évidemment d’établir un rapport de force avec les employeurs, vu le nombre important de syndicats et de travailleurs pouvant allier leurs forces. Chaque syndicat membre est ainsi libre d’adhérer ou non à une plateforme de revendications communes, qui ont pour but d’améliorer les conditions de travail dans tous les hôtels. Chaque syndicat profite tout de même de l’autonomie nécessaire pour négocier avec son propre employeur à sa table de négociation, mais ne peut accepter une proposition inférieure à la plateforme préétablie sans consulter les comités de négociation des autres syndicats, réunis dans un comité de coordination. C’est sur le thème « On est 4000 en ville » qu’a donc lieu, au printemps 1987, la première négociation coordonnée du secteur de l’hôtellerie. C’est d’ailleurs dans le cadre de cette campagne qu’a été créé le logo comportant cinq étoiles, qui est demeuré un symbole très fort dans le secteur de l’hôtellerie.

Au printemps 1990, alors que les conventions collectives émanant de la première négociation coordonnée viennent à échéance, se tient la première grande négociation provinciale des syndicats hôteliers, menée par Gilles Duceppe, coordonnateur du secteur de l’hôtellerie à la CSN. On élabore alors un système de classification des hôtels par catégorie et on avance le principe que les employé-es des hôtels d’une même catégorie doivent se regrouper et bénéficier de conditions de travail similaires. Effectivement, jusqu’à maintenant, les hôteliers étaient toujours en compétition entre eux par rapport aux conditions de travail des employé-es et non pas par rapport à la qualité du service offert. Ainsi, harmoniser les conditions de travail permettait d’avoir un certain standard dans l’industrie hôtelière et une saine concurrence entre les hôtels de même catégorie.

Se sortir de la misère

L’objectif premier des négociations coordonnées, affirme Jean Lortie, était de sortir les travailleurs de l’hôtellerie de la misère. Lorsqu’ils sont arrivés à la CSN dans les années 1980,plusieurs syndicats étaient mal en point. Travail au salaire minimum, pas de régime de retraite ni assurance collective, pas de congés maladie ni vacances, M. Lortie se souvient de ses débuts dans le domaine : « Quand vous étiez un travailleur de l’hôtellerie et que vous vouliez emprunter, vous aviez besoin d’un endosseur. On considérait que vous étiez à un point tel dans la misère, que vous ne seriez pas capable de rembourser un prêt, de financer une voiture ou une maison. Heureusement, ce n’est plus le cas aujourd’hui », affirme-t-il avec enthousiasme.

En 1999, après six ans de sacrifices de la part des travailleuses et travailleurs en raison du ralentissement de l’économie, l’industrie se porte mieux et est même en croissance. Les travailleurs du secteur de l’hôtellerie réclament donc que les bénéfices se reflètent également sur leurs conditions de travail. Les syndicats ont vite réalisé qu’ils avaient la capacité de paralyser une industrie qui recommençait à être lucrative après plusieurs années de crise. « Il y avait une volonté de lutter pour récupérer les gains perdus pendant ces six ans difficiles », soutient Jean Lortie. Ainsi, les négociations coordonnées ont permis de presque doubler les salaires entre 1999 et 2008, un gain substantiel pour les professionnels-les de l’hôtellerie.

La CSN derrière les travailleurs

Évidemment, l’implication de la CSN tant sur le plan financier que logistique est déterminante lorsqu’il s’agit du succès d’une négociation coordonnée. Le Fonds de défense professionnelle de la CSN (FDP) a effectivement été un outil de taille pour la mobilisation, la négociation, la formation et pour la visibilité avec laquelle les syndicats locaux ont pu faire valoir leurs revendications et gagner leurs luttes. À elle seule, une négociation coordonnée entraîne des coûts approximatifs de quatre millions de dollars. Au total, plus d’une dizaine de milliers de dollars du FDP ont été investis dans chaque syndicat à un moment ou à un autre où ces ressources étaient cruciales à l’obtention d’un gain pour les travailleurs.

Victoires et sacrifices

Les négociations coordonnées ont mené à la victoire les syndicats de l’hôtellerie, mais elles ont aussi apporté leur lot de défis en cours de route. « Les syndicats ont dû sacrifier une partie de leur autonomie pour assurer cette forte solidarité, un compromis politique important qui a exigé beaucoup de maturité des acteurs impliqués, explique Jean Lortie. Ce type de négociation a amené les syndicats à travailler ensemble, ce qui n’est pas naturellement acquis dans cette industrie compétitive, et à faire des compromis sur leurs objectifs de négociation à court terme pour l’intérêt collectif du secteur, à long terme. Effectivement, l’immense rapport de force qu’exerçait la négociation coordonnée sur l’employeur a permis plusieurs gains sur le plan des conditions de travail. La sixième semaine de vacances, l’ajout d’une journée de maladie, des hausses de salaire importantes, la reconnaissance des travailleurs par leur employeur et une prime de départ à la retraite ne sont que quelques-unes des victoires obtenues par les salarié-es du secteur hôtelier.

De nos jours, les jeunes qui commencent à travailler dans l’hôtellerie ne gagnent plus le salaire minimum pendant les vingt premières années de leur carrière, ils ne commencent pas leur vie professionnelle dans la misère, ils font partie de la classe moyenne, ont de bonnes conditions de travail et sont considérés comme essentiels au bon roulement de l’industrie du tourisme. Ils peuvent fièrement dire qu’ils participent à la création d’une richesse locale primordiale et irremplaçable pour la santé économique et sociale du Québec. Le tout, grâce au succès du modèle des négociations coordonnées et des luttes acharnées des travailleuses et des travailleurs syndiqués du secteur de l’hôtellerie. L’appui que leur a apporté la CSN a évidemment été d’une importance capitale tout au long de ces combats pour de meilleures conditions de travail. Tant pour la négociation et la mobilisation que pour la reconnaissance des travailleurs, les négociations coordonnées ont prouvé être un modèle efficace et un outil de taille pour mener à terme les luttes dans le secteur de l’hôtellerie.

Des cibles ambitieuses, des moyens trop modestes

La politique proposée est sous la responsabilité du ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles. D’ailleurs, même si le document de présentation de la politique laisse la parole au premier ministre, au ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, à la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation et au ministre responsable des Affaires autochtones, il ignore complètement le ministre de l’Environnement. C’est à croire que la question énergétique peut être examinée sans égard aux enjeux environnementaux.

Pour Pierre Patry, trésorier de la CSN et responsable politique des questions environnementales et du développement durable, le contexte d’urgence écologique commande qu’on agisse avec force si nous voulons infléchir le cours des choses. « En décembre dernier, à la conférence de Paris, nous avons entendu le chant des nations alors qu’elles convenaient toutes qu’il fallait maintenir le réchauffement de la planète à moins de 2 °C, voire à moins de 1,5 °C. Il est maintenant temps de définir comment ». Ainsi, pour le trésorier de la CSN, la mise en place d’une nouvelle politique énergétique est certainement une façon d’y arriver. Alors que le gouvernement a déjà pris l’engagement de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5 % par rapport au niveau de 1990, et ce, d’ici 2030, et sachant que 70 % de nos émissions totales de GES découlent de la production, du transport et de notre consommation d’énergie, il est impossible de ne pas aborder la question énergétique. « Énergie et environnement sont intimement liés, que le gouvernement fasse preuve d’aveuglement volontaire n’y change rien », renchérit monsieur Patry.

Le temps d’agir concrètement

Au nombre de cinq, les objectifs ne manquent pas d’ambition. Améliorer de 15 % l’efficacité avec laquelle l’énergie est utilisée; réduire de 40 % la quantité de produits pétroliers consommés ; éliminer l’utilisation du charbon thermique ; augmenter de 25 % la production totale d’énergies renouvelables et augmenter de 50 % la production de bioénergie : voilà les cibles que le gouvernement s’est fixées, et pour lesquelles il y a peu à redire. « L’enjeu ne repose pas sur les objectifs à atteindre, ça, on y adhère », dira Mireille Pelletier, chimiste et spécialiste des questions environnementales au Service des relations du travail de la CSN. Selon elle, la question fondamentale est de savoir quels seront les moyens que le gouvernement mettra en place pour assurer l’atteinte de ces objectifs. En effet, augmenter de près de 28 % notre consommation d’énergies renouvelables et réduire de 40 % celle de produits pétroliers n’est pas une mince tâche. Au Québec, contrairement à plusieurs autres économies, 47,6 % de l’énergie utilisée provient déjà d’énergies renouvelables. De plus, 75 % de la totalité des produits pétroliers utilisés à des fins énergétiques est consommé dans le secteur des transports. À l’heure de l’auto en solo, des VUS et du just in time, la transition proposée apparaît encore plus incertaine si des actions concrètes ne sont pas mises en place.

Pourtant, c’est justement au chapitre des actions concrètes que le programme gouvernemental montre ses failles. Certes, il y a la création d’un organisme visant l’économie d’énergie et la transition énergétique, responsable de coordonner l’ensemble des services et des programmes offerts. Ce guichet unique devrait favoriser la cohérence des actions gouvernementales et un accès plus grand des citoyennes et des citoyens aux programmes gouvernementaux. Il y a aussi des projets-pilotes pour l’installation de stations multi­carburants et un projet de loi pour bannir définitivement l’utilisation du charbon. La politique énergétique propose de son côté l’expansion du réseau gazier et le développement d’un réseau d’approvisionnement en gaz naturel liquéfié, ce qui devrait permettre à des entreprises de se procurer des ressources moins polluantes. Par ailleurs, même si on reconnaît l’importance de l’économie d’énergie en la hissant au rang de filière de production, bien peu de mesures sont proposées à cet égard. Pour Mireille Pelletier, il n’y a aucun doute, l’énergie la moins coûteuse est celle qu’il n’est pas nécessaire de produire. Ainsi, l’État pourrait être beaucoup plus proactif sur cette question. « Le volontariat a ses limites. Il serait temps que le gouvernement revoie la réglementation de façon à obliger la prise en compte de cette dimension, notamment lors de constructions neuves », précise-t-elle. Finalement, même si la question du transport est abordée, on s’en réfère pour l’essentiel aux annonces déjà rendues publiques, dont celle concernant le plan d’action sur l’électrification des transports. Faut-il pourtant rappeler tout le scepticisme qui entoure la capacité réelle d’atteindre ces cibles, particulièrement celle de voir plus de 100 000 véhicules électriques et hybrides rechargeables immatriculés au Québec d’ici 2020 ?

Des moyens à la mesure de la tâche

On décèle aussi à la lecture de la politique, que le gouvernement est favorable à l’exploitation des hydrocarbures en territoire québécois. La proposition d’un cadre légal pour régir ce type d’activité et les hypothèses quant à l’utilisation des redevances qui découleraient de cette exploitation laissent peu de doute sur les intentions réelles du gouvernement en la matière. Pourtant, il est de plus en plus évident que l’exploitation de cette ressource se situe en porte-à-faux avec la volonté affirmée de réduire nos émissions de GES. À coup sûr, elle retarderait notre transition énergétique qu’on affirme par ailleurs poursuivre.

Le Québec doit aussi avoir les moyens de ses ambitions. Une transition de l’envergure de celle qui nous est proposée ne peut se faire sans délier les cordons de la bourse. Et justement, le gouvernement a annoncé qu’il consacrerait 4 milliards de dollars à ce projet de transition énergétique, mais ce montant sera déboursé sur une période de 15 ans, soit une moyenne de 267 millions par année. C’est là que le bât blesse, de l’avis de Pierre Patry. « C’est vraiment peu quand on pense à l’ampleur de la tâche et notamment au passage obligé vers l’électrification des transports. C’est encore moins crédible quand le gouvernement ne peut garantir qu’il s’agira d’argent frais », souligne-t-il.

Les questions énergétiques ne sont pas détachées des questions économiques. À maintes reprises au cours de notre histoire, les ressources énergétiques ont servi de levier au développement économique. Tous le reconnaissent, notre électricité apparaît pour plusieurs un avantage comparatif indéniable qui a permis la création de plusieurs emplois de qualité. De même, plusieurs ont foi en l’énergie éolienne pour développer des régions comme la Gaspésie. Pourtant, et malgré ce constat évident, la question de l’emploi et celle de l’importance des travailleuses et des travailleurs pour opérer cette transition énergétique sont tout à fait absentes du décor ! « Le gouvernement doit voir la transition énergétique comme une occasion de développement. Un moyen de s’engager vers un développement durable », indique le trésorier de la CSN.

Ma place en santé, j’y tiens

C’est sous l’impulsion du mouvement syndical, notamment celle des ouvrières et des ouvriers du secteur privé, que s’est mis en place au Québec un système public où les citoyens ont dorénavant droit à des services en fonction de leurs besoins, sans égard à leur situation financière familiale, ce que seuls leurs patrons pouvaient jusqu’alors se payer. Cet acquis précieux est en danger.

C’est pourquoi, fin mai, la CSN lançait une vaste campagne : Ma place en santé, j’y tiens. Certes, le gouvernement libéral de Philippe Couillard n’est pas le premier à appliquer au réseau une médecine de cheval néolibérale. Toutefois, par son ampleur et par son opacité, la réforme pilotée par le Dr Gaétan Barrette, plus que jamais, ouvre la voie à un système à deux vitesses. Ce sont les fondements mêmes de notre réseau public qui sont menacés.

Ainsi, la CSN entend bien démontrer au cours des prochains mois qu’il est totalement faux de prétendre, comme le fait le gouvernement, que sa réforme améliore les services et qu’elle renforce le réseau. C’est bien le contraire. Et ce qui est inacceptable, par-dessus tout, c’est que ce démantèlement s’opère sans débat public : le gouvernement n’en a certainement pas le mandat!

Le 24 mai, la CSN lançait une vaste offensive contre le démantèlement du réseau public de santé et de services sociaux. Ci-dessus : le 19 mai, à Trois-Rivières, des militants du Cœur-du-Québec ont manifesté pour la sauvegarde de notre réseau de santé et de services sociaux. | Photo : Thierry Charland
Le 19 mai, à Trois-Rivières, des militants du Cœur-du-Québec ont manifesté pour la sauvegarde de notre réseau de santé et de services sociaux. | Photo : Thierry Charland

Des attaques concertées

Ces deux dernières années, les attaques ont été nombreuses et elles visent toutes les sphères du réseau. Les choix du gouvernement libéral posent des enjeux cruciaux. En voici quelques exemples.

CLSC • Les CLSC devraient être tout désignés pour améliorer l’accès à des services de proximité, puisqu’ils existent déjà sur tout le territoire et qu’ils fonctionnent en interdisciplinarité, c’est-à-dire que les professionnel-les de divers horizons travaillent en équipe pour répondre aux besoins de la population. Le gouvernement a plutôt choisi de créer une cinquantaine de supercliniques privées subventionnées et dirigées exclusivement par des médecins. De plus, il finance directement le déménagement de ressources professionnelles des CLSC vers les groupes de médecine de famille, des cliniques à but lucratif. Faudra-t-il être inscrit à un GMF pour obtenir les services auparavant offerts au CLSC ? Faudra-t-il consulter un médecin pour être référé à une travailleuse sociale ? Ces questions et plusieurs autres sont sans réponse à l’heure actuelle et inquiètent.

Laboratoires • Actuellement, chaque établissement ou presque bénéficie des services d’un laboratoire qui permet au personnel soignant d’obtenir rapidement des analyses sanguines ou autres. Ces services, essentiels, sont donc disponibles dans toutes les communautés sur l’ensemble du territoire. Or, le gouvernement, pour des raisons budgétaires, et ce, sans preuve d’économies à la clé, a décidé de procéder à un regroupement des laboratoires, par région.

Les risques d’erreurs et liés à la sécurité sont nombreux : certains cas ont déjà été recensés dans les médias bien que le processus débute à peine. Dans le milieu, on considère qu’un échantillon doit être analysé dans un délai de deux heures, ce qui sera la plupart du temps impossible.

Soins à domicile • L’État se désengage des soins à domicile. Des entreprises d’économie sociale sont appelées à prendre la place du personnel du secteur public, bien formé au soutien à domicile et expérimenté dans le domaine. La pression se fait également sentir du côté du personnel professionnel qui, faute des ressources, assiste impuissant à l’allongement des listes d’attente tout en sachant fort bien que la conséquence directe sera une dégradation de l’état de santé de leurs bénéficiaires.

Réadaptation • Dans les centres de réadaptation en déficience intellectuelle et troubles envahissants du développement (CRDITED), la poursuite de transferts massifs de résidentes et de résidents vers des ressources intermédiaires et de type familial (RI-RTF) pourrait reprendre. En 2011, la CSN avait obtenu un moratoire sur ces transferts, en faisant valoir que la mission des RI-RTF — maintenir et intégrer les usagères et usagers dans leur communauté — est très différente de celle des CRDITED, seuls établissements véritablement en mesure d’offrir les services spécialisés nécessaires à la réadaptation.

En réadaptation physique et en dépendance, les compressions budgétaires ont entraîné un fort alourdissement de la tâche chez les professionnel-les. Orthophonistes, physiothérapeutes et psychologues, entre autres, voient les listes d’attente s’allonger et les cas s’alourdir.

Centres jeunesse • En quatre ans, les Centres jeunesse ont subi des compressions de 50 millions de dollars. De plus en plus de jeunes sont livrés à eux-mêmes ou placés trop tard en centre jeunesse. Le traitement des demandes est ralenti. Les cas moins urgents, comme la négligence ou les mauvais traitements psychologiques, sont délaissés, afin de pouvoir traiter tous les cas prioritaires, avec moins de ressources qu’avant. Dans plusieurs centres, on n’est plus en mesure d’assurer les interventions de groupe comme celles sur les habiletés parentales ou encore le soutien aux parents de jeunes toxicomanes.

Frais accessoires • Les frais accessoires, bien qu’illégaux selon la loi canadienne, ne sont pas nouveaux. Ce qui est nouveau, c’est la volonté du Dr Barrette de légaliser ces frais que des médecins peuvent facturer lors de consultations, en plus de ce qu’ils reçoivent du régime public. Tout récemment, le ministre faisait volte-face et promettait d’abolir les frais accessoires en profitant des négociations actuellement en cours avec les représentants des médecins… À suivre.

Les structures mammouths • En fusionnant tous les établissements du Québec, de toutes les missions, en quelques méga­établissements, le gouvernement nuit aux communautés éloignées qui ne sont plus représentées dans les conseils d’administration. Tous les services d’une région sont maintenant centralisés autour d’un hôpital. La réforme donne encore plus de pouvoirs aux médecins. Le ministre Barrette va plus loin dans sa quête du contrôle absolu en abolissant le poste de Commissaire à la santé et au bien-être qui a un rôle de chien de garde complètement indépendant du ministère.

Santé publique • La santé publique a été fortement mise à mal par les compressions budgétaires. À la suite de la réforme, il n’y a plus d’organisme régional dédié à la santé publique. Il est à craindre que la santé publique écope, surtout que le travail qui y est associé est souvent accompli dans l’ombre. Et pourtant, comme société, nous gagnons quand le tabagisme recule, quand la violence faite aux femmes diminue, quand des mesures de prévention font diminuer le nombre de chutes des personnes aînées.

Effritement du secteur public

Ce ne sont que quelques exemples, car force est d’admettre que, globalement, le gouvernement a un fort préjugé favorable envers le secteur privé. Les services auxiliaires et administratifs, notamment, sont dans la ligne de mire de celles et ceux qui y voient des occasions d’affaires. La CSN sera là pour les défendre, comme elle a su stopper la privatisation des services de buanderie de Lanaudière et de Québec.

Enfin, ces privatisations vont de pair avec une pression croissante imposée aux salarié-es du réseau public. Dans toutes les catégories de personnel, les surcharges de travail et la dégradation des conditions de travail rendent la tâche encore plus difficile. Les bilans d’accidents de travail et de cas de lésions psychologiques s’alourdissent chaque année dans de nombreux titres d’emploi du réseau public.

Le nouveau visage branché de la CSN

Le nouveau site est beaucoup plus convivial, facilite la navigation et, surtout, dispose d’un moteur de recherche très puissant qui repère facilement l’information. D’ailleurs, tout y est désormais réuni en thématiques comme, par exemple, les secteurs public et privé, la condition féminine, l’éducation, la langue et la culture, la santé et la sécurité du travail, l’environnement, etc.

« La CSN a été la première organisation syndicale à se doter d’un site Internet en 1995, mais avec les années, l’ancien site ressemblait à du spaghetti. Dans ce méli-mélo d’informations, nos organisations, nos syndicats et nos membres ne s’y retrouvaient plus, confirme Jacques Létourneau, président de la CSN. Notre nouveau site répond à un besoin réel et à une résolution adoptée lors du 64e congrès de mai 2014. »

Il aura fallu des mois de travail pour classifier minutieusement les informations présentées dans l’ancien site. De même, le débroussaillage des pages Web qui étaient reliées entre elles a nécessité temps et patience. Après de nombreuses réunions de conception, l’équipe du Service des communications de la CSN, en collaboration avec la coopérative de travail Koumbit spécialisée dans le domaine des technologies numériques, a développé cette nouvelle plateforme CSN simple et adaptée à tous les types d’appareils, qu’ils soient fixes ou mobiles.

Un contenu bien ordonné pour mieux communiquer

Le site de la CSN permet de suivre l’actualité syndicale, de présenter les nouveaux syndicats qui se joignent au mouvement et de détailler les luttes en cours tout comme les victoires de nos 325 000 membres.

Aussi, vous pouvez naviguer aisément parmi la vaste collection numérique de la CSN. Lisez et recherchez des nouvelles publiées depuis 2002, regardez les vidéos d’actualité et les photoreportages produits par le Service des communications et consultez la documentation étoffée comme nos mémoires, nos rapports de recherche et analyses, nos guides et tout autre type de publication.

« L’infrastructure du nouveau csn.qc.ca permettra un arrimage avec les fédérations, les conseils centraux et les syndicats affiliés et pourra éventuellement leur servir pour construire leur propre site », notent les concepteurs du nouveau site et conseillers syndicaux au Service des communications de la CSN, Richard Hink et Mathieu Murphy-Perron. Le site de la CSN utilise le système de gestion de contenu (CMS) « WordPress », à la base du quart des sites Web mondiaux. Il s’agit de l’un des logiciels disponibles les plus faciles à utiliser.

L’un des objectifs avoués de la refonte du site est de favoriser le partage des valeurs du mouvement sur Internet. D’ailleurs, sur la page d’accueil, la CSN vous invite à vous abonner dès maintenant à En mouvement, notre nouvelle infolettre hebdomadaire qui paraîtra dès la rentrée de septembre pour remplacer l’Info-austérité. Ces nouveaux outils modernes et incontournables nous projettent vers l’avenir. Sans conteste, ils favoriseront une meilleure communication avec nos membres.

Médias en transition, journalistes sous pression

Aux nouvelles plateformes se greffent de nouvelles tâches. L’environnement médiatique s’accélère, il faut faire plus avec moins. L’épuisement des troupes est bien réel, et la qualité de l’information, en péril. Perspectives CSN a assisté au colloque « L’information, le 4e pouvoir sous pression », organisé par la Fédération nationale des communications (FNC–CSN), la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), le Centre d’études sur les médias et le Conseil de presse du Québec.

Aujourd’hui dans les médias, tout le monde, journalistes ou patrons, s’entend pour dire que rien n’est plus pareil depuis l’accélération du numérique, la multiplication des plateformes et le développement fulgurant des médias sociaux. Cette révolution numérique bouleverse les codes et les pratiques. Elle a fait plusieurs victimes et ce n’est pas terminé.

Tous les médias d’information se cher­chent un modèle viable, le support papier agonise. L’avenir est sur le net, mais la rentabilité se fait attendre. Il faut survivre, en attendant de trouver LA formule magique, le Graal.

Au cœur de la spirale, les journalistes et artisans de l’information qui tentent, eux aussi, de survivre et d’exercer le métier qu’ils aiment. « On mesure mal l’impact de ces changements sur la qualité de l’information journalistique et sur le travail des journalistes eux-mêmes », nous dit Judith Dubois, professeure de journalisme à l’École des médias de l’UQAM et auteure d’une recherche menée auprès de 121 journalistes d’expérience. « Les changements technologiques des dernières années ont réduit ce temps précieux dont les journalistes ont besoin pour bien faire leur travail. La pression pour faire plus avec moins et de plus en plus vite ne semble pas sur le point de s’arrêter, alors que la capacité de produire de l’information de qualité, elle, semble avoir atteint ses limites. »

Les journalistes interrogés reconnaissent bien sûr l’utilité des innovations technologiques, mais déplorent la nouvelle charge de travail et l’accélération des cadences qui les empêchent de bien faire leur travail. Ce commentaire d’un journaliste participant à la recherche en dit long sur les nouvelles pratiques : « L’obligation de produire en temps réel est devenue un dogme qui est en train de tuer le véritable journalisme qui suppose un temps de réflexion et de vérification des faits. Il y a de plus en plus de journalistes qui quittent le métier, parce qu’il y a une limite à ce que tu peux produire et à la vitesse à laquelle tu peux travailler. »

Un propos que reprend sans hésiter la présidente de la FPJQ, Lise Millette : « Depuis 2007, on a réduit de plus de la moitié les producteurs de contenus aux États-Unis, le même phénomène a aussi touché nos salles de rédaction. Quand on demande aux journalistes de tout faire sur toutes les plateformes, on fait une grave erreur. »

Le fait de servir à la fois le web, le journal et Twitter a des conséquences importantes, selon Valérie Lessard, journaliste et vice-présidente de la FNC–CSN. « Réécrire trois fois la même histoire sur des plateformes différentes, ça nous empêche d’arriver à un produit qui, le lendemain matin, va être vraiment pertinent pour nos lecteurs, en fonction de ce qu’on a à faire en presse écrite », déplore madame Lessard.

Valérie Lessard, journaliste et vice-présidente de la Fédération nationale des communications (FNC–CSN) | Photo : Pascal Ratthé
Valérie Lessard, journaliste et vice-présidente de la Fédération nationale des communications (FNC–CSN)
Photo : Pascal Ratthé

Une crise bien réelle

Les propriétaires des médias, surtout écrits, ne veulent plus entendre parler de « crise des médias ». Dorénavant, il faudrait plutôt parler de « médias en transition » pour ne pas effrayer les publicitaires qui les font vivre.

La crise est pourtant bien réelle et les revenus ne sont pas au rendez-vous, comme l’explique Claude Dorion, directeur général de la firme MCE Conseils : « Du côté des médias papier, l’argent de la publicité s’en va chez Google et Facebook, et les producteurs de contenus d’ici ne touchent presque rien. On a plus d’information que jamais, mais des acteurs majeurs de l’information au Québec pourraient ne pas survivre, surtout en presse régionale. Les revenus reliés à la presse papier sont en chute importante. Aux États-Unis, en 10 ans, 50 % des revenus ont disparu. Seulement 10 % de ces revenus ont pu être récupérés par leur média en ligne. Si ça continue, il va peut-être rester des publications papier pour l’art et l’architecture, mais l’information générale est menacée de disparition du paysage papier. »

Un point de vue que partagent les dirigeants des entreprises de presse comme Éric Trottier, vice-président information et éditeur adjoint du quotidien La Presse. « C’est clair que les journaux papier sont appelés à disparaître, petit à petit. J’entends encore plein de dirigeants de journaux dire qu’ils croient encore très fort aux journaux imprimés, même si 63 % des revenus publicitaires destinés au papier journal ont disparu depuis 10 ans », déplore le dirigeant.

Pour Claude Gagnon, PDG du Groupe Capitales Médias, il ne fait aucun doute que le support papier est condamné à disparaître : « Ce qui est important, c’est que l’information demeure. Qu’on la lise sur du papier, qu’on la lise sur une tablette, sur un téléphone, ça ne changera absolument rien. Ce qui est encourageant, c’est que depuis 25 ans, nous n’avons jamais eu autant de lecteurs. Le phénomène multiplateforme nous amène une nouvelle clientèle. »

L’abandon du format papier en semaine a été un vif succès selon Éric Trottier de La Presse, « jamais La Presse n’a eu autant de lecteurs dans toute l’histoire du journal. Notre défi maintenant, c’est de rejoindre les jeunes de 20 ans qui, en ce moment, se contentent de regarder Facebook sur leurs téléphones. Nos lecteurs de 70 ans sont déjà avec nous. »

Le modèle de La Presse +, réalisé à grands frais, n’est pas à la portée de toutes les bourses. Ce modèle de gratuité fait d’ailleurs sourciller le professeur Pierre C. Bélanger, du département de communication de l’Université
d’Ottawa. « Je m’interroge sur ce modèle, parce que dans tout ce qui se fait sur la planète, il n’y a que deux médias qui donnent l’information gratuitement sur le web : The Independant au Royaume-Uni et La Presse +, ici au Québec, qui mise beaucoup sur la rentabilité de son modèle d’affaires. Pourquoi tous les autres vendent-ils leur information ? La réalité, c’est que 75 % des principaux journaux américains tarifent leur information sur le web et préfèrent vous demander un petit 4 $ par mois. Pour moi, le modèle de gratuité de l’information ne semble pas fonctionner. »

Claude Dorion, directeur général de la firme MCE Conseils | Photo : Pascal Ratthé
Claude Dorion, directeur général de la firme MCE Conseils | Photo : Pascal Ratthé

Oui à l’aide gouvernementale

Tant que les entreprises de presse ne seront pas parvenues à monnayer les contenus, leur situation demeurera précaire. L’information dans le secteur privé est la seule qui ne reçoit pas sa part d’aide financière des gouvernements.

Aujourd’hui, les médias papier sont presque tous en faveur d’une aide gouvernementale. Claude Dorion de MCE Conseils rappelle que « les milliers d’emplois perdus au Canada dans les médias ont privé les gouvernements de millions de dollars en recettes fiscales. Nous, nous croyons que le gouvernement peut aider ce secteur comme il le fait pour d’autres tel que le secteur des jeux vidéo afin d’assurer une diversification des revenus et permettre au secteur de la presse écrite d’assurer la transition. »

En Finlande, l’aide de l’État est parvenue à assurer la rentabilité des entreprises de presse, sans contraindre les médias ni compromettre la qualité de l’information. En ce domaine, le Québec et le Canada font figure de « parents pauvres ». Les journaux du Québec reçoivent une aide gouvernementale annuelle d’environ trois dollars par habitant contre 92 dollars pour les journaux finlandais. Au Canada, le fédéral ne contribue que pour 31 dollars par habitant au financement de Radio-Canada, alors que certains pays, comme la Norvège, consacrent 164 dollars par habitant à leur télévision publique.

En attendant une hypothétique aide de l’État, ce sont les journalistes et autres artisans producteurs de contenus qui font tourner la machine et qui, chaque jour, mettent en jeu leur réputation et leur intégrité, comme le souligne Francine Bousquet, coordonnatrice à la FNC–CSN : « L’information de qualité, ce sont les journalistes qui la font et la qualité de l’information, ce sont les journalistes et les syndicats qui l’ont toujours défendue. Je ne connais pas un seul syndiqué qui est contre ça. Moderniser nos conventions, c’est aussi ce qu’on fait depuis longtemps afin que l’information continue d’être faite par des humains, et non pas par des robots. »

Vivre mieux, c’est possible

Déjà, en 2013, la CSN se lançait dans une tournée majeure auprès de ses syndicats et dans les régions pour battre campagne en faveur d’un progrès social qui profite à toutes et à tous. La question d’un revenu décent est au cœur d’une telle revendication qui implique aussi une vision globale des services publics et des programmes sociaux. En effet, un filet de protection sociale efficace et répondant aux réalités vécues par la population est indissociable d’une telle campagne pour l’amélioration générale des conditions de vie et un meilleur partage de la richesse.

Dans cette vaste opération qui s’est déroulée sur le thème Et si on avançait, le progrès social dépend de nous, la CSN a identifié des axes d’intervention pour améliorer la qualité de vie de tous et qui venaient s’ajouter à la syndicalisation : un développement économique durable qui permet de créer de bons emplois, des services publics et des programmes sociaux de qualité, accessibles et universels, ainsi que des mesures visant à sécuriser le revenu tout au long de la vie.

« La lutte que nous menons depuis deux ans contre l’austérité du gouvernement Couillard, au même titre que notre engagement à nous défaire des conservateurs et de leurs politiques antisyndicales et antisociales, s’inscrit dans ce même objectif, explique le président de la CSN, Jacques Létourneau. Le démantèlement de l’État, comme pivot du développement économique et social, est au cœur de la stratégie des libéraux provinciaux et contribue directement à l’appauvrissement collectif du Québec. Nous avons la responsabilité de le stopper ! »

Un revenu décent

Intervenant à Saguenay, dans le cadre de la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs, le président de la CSN avait défini ainsi les moyens pour sécuriser le revenu des Québécoises et des Québécois : « Nous devons collectivement et solidairement revendiquer un revenu décent pour tout le monde en proposant de relever les montants des prestations d’aide sociale, de hausser de façon significative le salaire minimum et d’adopter une loi favorisant le droit pour toutes et tous d’être couverts par un régime de retraite auquel chacun des employeurs cotiserait. »

C’est en ce sens que la CSN s’est opposée au projet de loi 70 qui, sous prétexte de permettre « une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi », représente un important recul du filet social québécois par une réforme de l’aide sociale. Avec une prestation de 726 $ par mois, une personne seule ne peut actuellement pas couvrir la moitié des besoins de base reconnus. Le projet de loi 70 pourrait impliquer une coupe de 224 $ à ce montant.

La question d’un régime de retraite accessible à toutes et tous est aussi fondamentale. « Plus de 60 % des Québécoises et des Québécois n’ont aucun régime complémentaire de retraite, ajoute Jacques Létourneau. Dans une stratégie globale visant à sécuriser les revenus, une revendication d’instaurer un tel système prend tout son sens. »

15 $ l’heure, c’est possible ?

Au Québec, est-il possible d’envisager un tel salaire minimum ? Économiste au Service des relations du travail de la CSN, Josée Lamoureux estime que la question fondamentale est plutôt de considérer le type de société auquel nous aspirons.

« Maintenir le salaire minimum à un bas niveau, c’est encourager la création d’emplois mal rémunérés et la dévalorisation des employé-es, explique-t-elle. Concevoir un salaire minimum qui sortirait les gens de la pauvreté obligerait les employeurs à considérer un autre modèle d’affaires. Il n’est pas normal qu’un individu qui travaille à temps plein doive recourir aux banques alimentaires pour s’en sortir ou faire vivre sa famille. » Or, c’est le cas de plusieurs personnes qui travaillent au salaire minimum, établi à 10,75 $ l’heure depuis le 1er mai dernier.

Selon Josée Lamoureux, les entreprises verraient aussi plusieurs avantages à hausser le salaire minimum à 15 $ l’heure : « Les travailleuses et les travailleurs se sentiraient moins exploités, leur satisfaction au travail s’en trouverait améliorée, le roulement de personnel diminuerait et la productivité serait en hausse, diminuant d’autant l’impact des coûts d’une telle mesure. » En outre, le pouvoir d’achat des ménages augmenterait, un point positif pour l’économie.

« Un des problèmes au Québec tient au fait que le salaire de nombreux travailleurs et travailleuses est tout simplement trop bas, soutient Josée Lamoureux. Un salarié sur quatre (26 %) gagne moins de 15 $ l’heure. C’est nettement insuffisant pour vivre décemment. » En 2015, la rémunération hebdomadaire moyenne au Québec se situait à 868 $, soit moins que les 952 $ à l’échelle canadienne. Sur un an, l’écart est de plus de 4300 $ !

Selon l’économiste de la CSN, « lorsqu’il est question d’augmentations de salaire, il est rarement question du niveau de rentabilité et des exigences de rendement des entreprises, ajoute-t-elle. En outre, leurs charges fiscales n’ont cessé de diminuer au cours des dernières années. Elles sont moins imposées, font plus de profits, et ça se répercute peu sur le salaire de leurs employé-es. »

À ce titre, il faut noter que la fiscalité des entreprises au Québec correspond à près de la moitié de celle qui existe aux États-Unis, et est inférieure à celle qui est établie ailleurs au Canada. Ainsi, le fardeau fiscal des entreprises a grandement diminué au Québec, le taux effectif marginal d’imposition sur l’investissement passant de 34,5 % en 1998, à 24,1 % en 2008, puis à 18,8 % en 2012.

Par ailleurs, le concept de « salaire viable » est au cœur des revendications de plusieurs mouvements sociaux en Amérique du Nord qui réclament un salaire minimum suffisant pour sortir un travailleur ou une travailleuse de la pauvreté. Ce seuil considère l’ensemble des dépenses d’une famille pour des activités jugées normales, mais aussi pour participer à la vie économique, culturelle et sociale. Il inclut donc des dépenses qui excèdent les besoins de base. Au Québec, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) est arrivé à 15,10 $, après avoir fait la moyenne des salaires viables dans un échantillon de cinq villes importantes.

Une mobilisation d’envergure

Aux États-Unis, une remarquable mobilisation a permis de hausser le salaire minimum à 15 $ l’heure dans certaines villes et certains États. À Seattle, par exemple, il grimpera à ce niveau en 2021. Dans les États de Californie et de New York, le salaire minimum atteindra graduellement ce seuil suivant des mécanismes différents en fonction des entreprises.

De ce côté de la frontière, plusieurs organisations revendiquent un salaire minimum à 15 $ l’heure. En juin, le conseil confédéral de la CSN a pour sa part voté en faveur d’une campagne pour le relèvement le plus rapidement possible du salaire minimum à 15 $, dans le cadre d’alliances les plus larges possible pour y arriver, et d’un mécanisme annuel d’ajustement. « Pour atteindre cet objectif, et celui visant l’amélioration des normes du travail, il est essentiel de nous unir aux autres organisations progressistes, y compris celles qui œuvrent auprès des non-syndiqués », a fait valoir le président de la CSN.

Déjà, plusieurs groupes prévoient organiser des mobilisations autour de la Journée mondiale pour le travail décent, le 7 octobre. « La CSN sera assurément de ce rendez-vous. Un salaire minimum à 15 $ l’heure, c’est une revendication qui est atteignable », conclut Jacques Létourneau.


Coup d’œil sur le salaire minimum au Québec en 2015

  • 6 % de la main-d’œuvre, soit 211 500 salarié-es, dont 56,7 % de femmes et 43,3 % d’hommes, gagnent le salaire minimum.
  • 60,9 % des personnes touchant le salaire minimum ont entre 15-24 ans ; 18,7 % ont entre 25 et 44 ans ; 9,2 % ont entre 45 et 54 ans et 11,3 % ont plus de 55 ans.
  • 50 % des travailleurs au salaire minimum ne sont pas aux études (en 2012).
  • 47,1 % des personnes gagnant le salaire minimum ont des études postsecondaires et 8,8 % un diplôme universitaire.
  • La très grande majorité de ces salarié-es ne sont pas syndiqués.
  • 38,3 % des salarié-es payés au salaire minimum œuvrent dans le secteur du commerce ; 25,6 % dans ceux de l’hébergement et de la restauration.
  • 26 % des salarié-es reçoivent un salaire horaire égal ou inférieur à 15 $, soit 22 % des hommes et 31 % des femmes (en 2014).

Une hausse du salaire minimum a un effet d’entraînement sur les salaires qui se situent au-dessus.

Une réussite toute québécoise

Les produits alcooliques du Québec ont longtemps souffert d’une perception négative auprès des consommateurs qui se montraient souvent réticents à consommer des produits de chez nous. « Cependant, le vent est en train de tourner, affirme Martine Provost, analyste marketing. Les gens avaient certains préjugés, surtout au sujet des vins. Nous avons voulu leur démontrer qu’il y avait d’excellents produits à découvrir. » L’une des stratégies élaborées par l’équipe des experts-produits pour s’attaquer à ces préjugés et pour promouvoir ces vins fut d’organiser des dégustations à l’aveugle lors de salons de vin. « Les clients préféraient en majorité les vins québécois aux vins français », rappelle-t-elle.

À travers des événements promotionnels, un travail de sensibilisation a donc été effectué. Des producteurs ont notamment été invités en succursale lors de dégustations pour parler de leurs produits, ce qui a séduit plusieurs consommateurs. Peu à peu, ceux-ci ont appris à découvrir et à apprécier les vins québécois avec leurs caractéristiques uniques liées à l’utilisation de cépages adaptés à notre réalité climatique. « Il y a encore du travail à faire, mais jusqu’à maintenant, la campagne est un succès », conclut Martine Provost. En effet, les ventes de vins québécois ont augmenté de plus de 80 % au cours de la dernière année, ce qui s’avère un franc succès, facilité par la présence de sections Origine Québec dans plus de 260 succursales.

De dégustation en dégustation, les Québécois ont appris à apprécier bon nombre de produits québécois, de l’hydromel aux produits de l’érable, en passant par les alcools à base de petits fruits, sans oublier les différentes gammes de cidre. La création de la marque Origine Québec a également contribué à leur apporter une notoriété, une mise en valeur appréciée des producteurs québécois, dont les produits sont en compétition avec ceux du monde entier.

La qualité au rendez-vous

« Si le volume des ventes a augmenté, c’est surtout en raison de la qualité des produits, qui a fait de grands pas au cours des dernières années, en particulier dans le domaine des vins, assure François Primeau, agent d’information au développement des affaires pour la campagne Origine Québec. Pour mener la campagne Origine Québec, les astres étaient alignés : les vins locaux arrivaient à maturité, alors que les consommateurs voulaient les découvrir et que la volonté du gouvernement et de la SAQ était au rendez-vous. » Il rappelle par ailleurs qu’il s’agit d’une jeune industrie : « Les premières vignes ont été plantées au Québec il y a 30 ans, et le premier vin à être commercialisé a été vendu à la SAQ en 1996. On commence donc à récolter les fruits d’un travail de longue haleine. Aujourd’hui, il ne fait plus de doute que la qualité est au rendez-vous ».

Les professionnel-les de la SAQ ont d’ailleurs un rôle à jouer dans l’amélioration des produits. Le chimiste Joseph Tartaglia, qui œuvre au sein du service de gestion de la qualité, accompagne les producteurs dans leur démarche pour développer de meilleurs produits. « Pour tous les vins, peu importe leur origine, il y a toujours un risque de détérioration. Nos analyses chimiques permettent de guider les producteurs dans leurs efforts pour corriger les anomalies et ainsi s’assurer qu’ils correspondent aux normes ». Selon Joseph Tartaglia, ce service d’analyse gratuit contribue à améliorer les vins québécois d’année en année.

Le travail comme passion

Les usagers dont s’occupe Laurier Courtemanche ont, pour la plupart, subi des accidents — parfois bénins, d’autres fois plus violents — et ont des séquelles importantes au cerveau. « Généralement, ils n’ont pas de grandes séquelles physiques, mais c’est surtout leur tête qui est endommagée. Ils souffrent de fatigabilité et peuvent avoir de la difficulté à organiser leur journée, ou à suivre une simple conversation, explique-t-il. Moi, j’interviens à la phase trois, à la RAIS (réadaptation axée sur l’intégration sociale), et toujours en étroite collaboration avec une équipe multidisciplinaire. C’est l’étape juste avant leur réintégration en milieu du travail. Chez nous, c’est un usager sur deux qui retournera sur le marché du travail. »

Les usagers qui fréquentent le centre Lucie-Bruneau vivent sans contredit des moments difficiles. « Ce n’est ni plus ni moins un processus de deuil auquel ils doivent faire face. Heureusement, la solution, c’est le temps, relate le kinésiologue. Il y a 18 fois plus de séparation chez notre clientèle que dans la société en général. Ça demande un immense effort d’adaptation autant pour la personne que pour sa conjointe ou son conjoint, ses enfants et sa famille ». Au centre Lucie-Bruneau, l’usager est au cœur des préoccupations. Les interventions sont adaptées à leurs besoins et la thérapie est propice aux confidences. « Souvent, les usagers ont le moral à terre et certains parlent de suicide. Je leur demande alors si je peux en parler en équipe multidisciplinaire pour qu’on puisse s’occuper de cet aspect aussi. »

Travailler auprès d’hommes et de femmes dont la vie vient de basculer du tout au tout peut parfois être difficile. « T’es fait ou t’es pas fait pour ça. Faut être passionné, ça c’est certain. Être constamment dans une relation d’aide, ça nourrit beaucoup, mais ça épuise aussi », note Laurier Courtemanche. Mais la passion est toujours au rendez-vous. « Même en vacances à Cuba, si je croise quelqu’un qui a un handicap, c’est certain que je vais aller lui parler. Ça me suit ! », explique avec enthousiasme celui qui prendra sa retraite dans quelques années.

Exercer le métier de kinésiologue en centre de réadaptation fait aussi réaliser que la vie est, malgré tout, bien faite. « Les gens développent d’autres compétences, trouvent une nouvelle voie. Même chose pour les proches qui n’ont pas d’autre choix que de s’adapter. Pour ma part, je suis toujours vigilant. Chaque matin quand j’enfourche mon vélo, je suis conscient qu’un accident peut m’arriver. »

Mais la véritable récompense vient quand les usagers — ceux avec qui les intervenants travaillent présentement ou les anciens — témoignent de leur reconnaissance envers leur travail. « Je me souviens d’une enseignante, victime d’un accident de vélo plutôt anodin — elle avait roulé dans un trou —, mais qui avait été sérieusement blessée. C’était une battante. Elle a réussi a réintégrer son travail, à raison de deux jours par semaine. Elle était revenue au centre pour nous dire que nous avions été une équipe extraordinaire. Ça, ça vaut pas mal plus que mon salaire aux deux semaines », relate Laurier Courtemanche, les yeux dans l’eau.

Entre ombre et lumière

«J’ai toujours aimé travailler auprès des jeunes et j’ai milité dans le mouvement communautaire, notamment au FRAPRU. J’ai choisi ce métier non seulement parce qu’il me permettait de continuer dans cette voie, mais aussi parce que j’aime aider les gens. Le dévouement et l’empathie sont des conditions importantes pour exercer notre profession. Mais surtout, il faut croire en la capacité des gens à changer. »

Ombre

Les travailleuses et les travailleurs qui œuvrent dans les centres jeunesse, qu’ils soient techniciennes ou techniciens en assistance sociale, éducatrices ou éducateurs, travailleuses sociales ou travailleurs sociaux ou psychoéducatrices ou psychoéducateurs pour ne nommer que ceux-là, côtoient inévitablement la souffrance humaine. Les problèmes de santé mentale, tant chez les enfants que chez les parents, sont nombreux. « On en voit de toutes sortes. Heureusement, on réussit à se désensibiliser un peu, sinon, il serait très difficile de travailler efficacement. Il faut laisser tomber nos préjugés. Il faut voir les parents non pas comme des gens mal intentionnés, mais plutôt comme des êtres vulnérables et mal outillés. En même temps, il faut s’avouer que tous n’ont pas les mêmes capacités à évoluer dans le sens qu’on souhaiterait. Nos interventions ont des limites, on doit l’accepter. »

Mais il serait faux de croire que la souffrance n’est que l’affaire des familles desservies par les centres jeunesse. Les intervenants aussi peinent devant autant de besoins. « On dit que 50 % des intervenants quittent les centres au cours des deux premières années de pratique. Il y a un grand roulement de personnel et beaucoup de cas d’épuisement professionnel. Ajoutez à cela la surcharge de travail de plus en plus grande — une augmentation de 8 % à 10 % de signalements par année — et vous comprendrez que la détresse est très présente chez les travailleuses et les travailleurs des centres jeunesse », note Kevin Newbury, qui milite dans son syndicat depuis maintenant sept ans.

Lumière

Photo : Alain Décarie
Photo : Alain Décarie

Comment tirer son épingle du jeu quand jour après jour on côtoie pauvreté, maladie mentale et souffrance ? En gardant toujours en tête que les gens peuvent évoluer, qu’ils peuvent changer. « Savoir qu’on peut “sauver” des enfants, faire cheminer des adolescents et mieux outiller des parents, c’est ce qui permet de tenir le coup. Parfois, on croise une ancienne famille d’accueil, par hasard. Ça fait toujours extrêmement plaisir de se faire dire que “nos enfants” sont rendus au cégep, ou ailleurs, qu’ils ont trouvé leur place. On joue un rôle significatif dans leur vie et c’est ce qui nous fait le plus de bien », explique Kevin.

Rendre le monde meilleur

Malgré une couverture médiatique qui a tendance à relater davantage les ratés que les bons coups, les travailleuses et les travailleurs des centres jeunesse demeurent passionnés et les cas de réussite sont nombreux. « Chaque année, au Centre jeunesse de Lanaudière, les intervenants donnent des sous et de leur temps pour compléter les paniers de Noël destinés aux familles de la région. Travailler en centre jeunesse, c’est avoir à cœur le bien-être des enfants, bien au-delà de la paye, tout en rendant le monde un peu meilleur. »

Un programme à protéger et à améliorer

Des syndicats, des groupes militant pour les droits des femmes, des travailleuses et des travailleurs ainsi que des familles, rassemblés au sein du Regroupement pour un régime québécois d’assurance parentale (RAP) — principalement soutenu par la Confédération des syndicats nationaux (CSN) — savourent la mise en place du Régime québécois d’assurance parentale à la suite d’une mobilisation de longue haleine.

Injustice flagrante

« Au début des années 1990, aucun régime d’assurance parentale n’existait au Canada, rappelle Véronique De Sève, vice-présidente de la CSN. Le financement des congés parentaux était réservé aux seules femmes qui répondaient aux exigences du Régime canadien d’assurance-chômage. » Ce régime leur accordait 15 semaines de prestations selon un pourcentage atteignant 60 % de la rémunération assurable. Cette période était précédée d’un délai de carence de deux semaines (sans indemnité). « Les travailleuses autonomes ne pouvaient cotiser à ce régime. C’était pour elles une énorme injustice qui les disqualifiait radicalement des congés de maternité de l’époque », ajoute madame De Sève.

En 1996, après un resserrement sévère et discriminatoire des critères d’admissibilité en fonction des heures plutôt qu’en fonction des semaines ou des jours travaillés, le tiers des femmes québécoises se voyaient refuser les prestations de maternité en raison de leur travail autonome ou précaire, atypique ou à temps partiel. Celles-ci retournaient souvent en poste dans le mois qui suivait leur accouchement. Par ailleurs, le taux d’indemnisation du congé de maternité pour les salariées passait de 60 à 55 %. Marie-Ève Lamontagne se souvient de sa première grossesse avant l’adoption du régime actuel, alors qu’elle travaillait chez TQS : « L’impôt n’était pas prélevé au fur et à mesure sur les prestations, mais à la fin de l’année. J’avais 24 ans, on venait de s’acheter une maison, on avait besoin d’utiliser cet argent dès qu’il entrait. Disons que j’ai fait un saut quand on m’a réclamé 3000 $ en impôt. »

Aucune mesure ne permettait alors au père de bénéficier d’un congé qui lui était propre pour s’occuper de son nouveau-né. Dave, le conjoint de Marie-Ève, avait donc décidé de puiser des jours dans sa banque de congés personnels et de les coller au week-end afin de pouvoir s’aménager une semaine d’arrêt.

La lumière au bout du tunnel

Avec l’entrée en vigueur du RQAP le 1er janvier 2006, le délai de carence de deux semaines fut aboli. La mère commença à recevoir, en fonction de son choix d’option, ou bien 75 % de son revenu assurable durant une période plus courte (régime particulier) ou encore 70 % pendant les sept premières semaines et 55 % pour les semaines restantes (régime de base). Les étudiantes et les travailleuses autonomes furent de plus admises au régime, dès lors qu’elles gagnaient au moins 2000 $ dans l’année. Les parents adoptifs commencèrent aussi à être couverts par le RQAP, bien qu’ils ne bénéficient que de 37 semaines de congé depuis l’entrée en vigueur du programme.

Selon Véronique De Sève, les pressions syndicales, surtout celles de la CSN, et d’autres groupes militants, ont provoqué, avec l’adoption du RQAP, une amélioration sérieuse de l’autonomie financière des femmes, même si des problèmes persistent.

« Les demandes de l’époque n’ont pas été toutes satisfaites, notamment celle qui concernait l’indemnisation à 90 % du revenu gagné comme l’ont obtenu les travailleuses accidentées du travail », évoque-t-elle en soulignant également le fait que le régime actuel ne permet pas d’assurer les dépenses minimales des mères payées au salaire minimum et qui sont en situation de monoparentalité. De plus, la prestation de maternité des étudiantes et travailleuses autonomes demeure dans bien des cas insuffisante et n’arrive pas à procurer un niveau de vie décent à ces femmes. Et comme le mentionne avec justesse Marie-Ève Surprenant dans son essai Jeunes couples en quête d’égalité, « il reste difficile de vivre avec 55 à 75 % du revenu habituel à une étape où les dépenses montent en flèche pour l’ensemble des mères qui viennent d’accoucher. »

Le congé paternel

Les trois à cinq semaines de congé exclusif accordées au père, toujours selon l’option choisie, représentaient pour leur part une avancée indéniable en matière de congé parental. Avant le RQAP, le lien du papa avec son enfant pouvait se développer plus lentement, puisqu’il était souvent absent le jour au cours des semaines qui suivaient l’accouchement. Cette situation pouvait contribuer à créer un poids supplémentaire sur les épaules de la mère, et de la frustration pour le père, qui avait moins la chance de tisser un lien serré avec l’enfant dans les débuts de sa vie.

Marie-Ève Lamontagne se souvient entre autres de la grande fatigue qu’elle a éprouvée lorsqu’elle s’est retrouvée très rapidement seule, les jours de semaine, avec son poupon dans les bras. « Bien sûr, au début, il ne faisait pas ses nuits. Le jour, il ne dormait pas. Durant cette période, mon chum travaillait très tôt le matin. Lorsqu’il revenait du boulot, j’étais très fatiguée puisque je n’avais pas vraiment eu de répit pendant la journée et que j’avais passé une partie de la nuit précédente réveillée. Je lui tendais rapidement le bébé, parce que je n’en pouvais plus. »

Le Conseil du statut de la femme affirmait, dans son avis intitulé Pour un partage équitable du congé parental publié le 7 mars 2015, qu’un allongement de trois semaines du congé des pères puisé à même la banque de semaines déjà accordée aux mères, une mesure à coût nul, les aiderait à développer un lien privilégié avec leur enfant et à équilibrer le partage des responsabilités familiales. La CSN pense aussi qu’un congé plus long strictement réservé aux pères serait souhaitable, mais estime qu’il devrait s’ajouter au congé existant et non venir réduire celui des femmes.

En outre, ce n’est plus à démontrer : les congés parentaux ont des effets positifs sur les familles, puisqu’ils donnent plus de temps de qualité aux parents pour s’investir auprès de leur enfant avant de retourner au travail. Plus la présence du père sera importante, plus son implication auprès de son enfant et dans les tâches de la maison sera importante. Et l’égalité femmes-hommes ne s’en portera que mieux !

« Avancer à reculons »

On le sait trop bien, les batailles remportées il y a quelques années ne peuvent être tenues pour acquises. En novembre dernier, en plein délire d’austérité, le premier ministre Couillard avait remis en question le programme en le qualifiant de « très généreux ». Devant la grogne des parents du Québec, il avait renoncé à démolir cette politique sociale acquise de haute lutte.

Malheureusement, il a jeté son dévolu sur le réseau des services de garde, qui a pourtant permis à des milliers de femmes de gagner le marché du travail. De toute évidence, la survie des programmes bénéfiques aux femmes est fragile. Une véritable égalité entre les femmes et les hommes ne pourra se passer d’une politique familiale forte. Encore une fois, la CSN l’a compris et ne cesse de dénoncer le progrès « en dents de scie » du gouvernement en l’empêchant de reculer de deux pas après qu’il en ait fait un.

Changer la trajectoire du réchauffement climatique

Pour se donner une idée, seulement 5 % d’entre eux pratiquent le covoiturage, et 13 % ont recours au transport collectif. Considérant les cibles ambitieuses de réduction de gaz à effet de serre (GES) et le fait que le transport représente une part titanesque de ses émissions annuelles, n’est-il pas temps que le Québec fasse rouler l’économie autrement ?

Marilène Bergeron est porte-parole de la campagne Transport écologique d’Équiterre, un organisme à but non lucratif qui œuvre depuis 1993 à inciter la population québécoise à faire des choix écologiques et solidaires. Détentrice d’une formation universitaire de deuxième cycle en environnement, elle milite pour Équiterre depuis dix ans afin de sensibiliser les Québécoises et les Québécois aux enjeux du transport collectif, actif, durable et électrique.

Bien que l’utilisation du transport collectif soit en croissance depuis l’entrée en poste de madame Bergeron, cela n’a pas freiné celle de l’automobile. À une exception près : une hausse marquée des déplacements par transport collectif engendrée par le prolongement de la ligne de métro à Laval en 2007. Les habitants de la Rive-Nord de Montréal demeurent les seuls à freiner la tendance à la dépendance à l’automobile et pour qui le boom de déplacements par transport collectif dépasse la hausse de l’utilisation de l’auto en solo. Force est de constater que l’investissement dans le transport collectif est une solution à privilégier pour soutenir la mobilité durable.

Un « cocktail transport »

Malgré une stagnation dans l’utilisation du transport collectif par rapport à la voiture, Marilène Bergeron se dit encouragée par l’arrivée d’une panoplie d’offres de transport dans les grands centres urbains. « On ne parle plus juste de la voiture versus le transport collectif. On a tout un arsenal de services, que ce soit des véhicules et des vélos en libre-service, l’autopartage traditionnel ou entre voisins ou le covoiturage, il y a beaucoup plus de possibilités qui viennent bonifier le “cocktail transport”. »

L’idée derrière le « cocktail transport » d’Équiterre est de profiter des différentes méthodes de transport qui nous sont offertes et de combiner ses choix en fonction « d’où on doit se rendre, de notre budget, de notre humeur du jour ».

L’heure de couper les moteurs

D’ici 2024, le gouvernement québécois envisage d’investir 90,3 milliards de dollars dans les infrastructures, dont une portion importante dans le réseau routier du Québec. Pour l’instant, le gouvernement mise sur l’électrification des véhicules individuels, plutôt que sur le transport collectif, une stratégie critiquée par plusieurs groupes, incluant l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS).

Dans sa note socioéconomique Le transport en commun comme solution à la relance économique et à la crise environnementale au Québec, le chercheur Bertrand Schepper de l’IRIS constate qu’il sera plus porteur d’investir dans l’industrie florissante du transport collectif au Québec que dans la fabrication de voitures à l’extérieur du Québec. Après tout, chaque million de dollars investi dans le transport collectif crée deux fois plus d’emplois que dans l’industrie automobile.

Tant pour la vitalité de nos territoires que pour la santé publique, le peuple québécois se doit d’instaurer de nouvelles façons de faire qui suscitent l’envie de diminuer l’utilisation de la voiture. La CSN invite donc ses syndicats à donner l’exemple en revendiquant auprès des employeurs des moyens pour inciter à l’utilisation des transports collectifs et actifs : l’instauration de mesures favorisant le covoiturage et le transport collectif, l’installation de supports à vélo, et l’installation de bornes pour voitures électriques.

Chose certaine, il y a de quoi stimuler l’imagination.